"Cela change complètement la culture du commerce mondial" : les entreprises face à l'obligation de sourcer leurs matières premières

La nouvelle réglementation européenne sur la déforestation importée s'appliquera fin 2024 alors que les importations européennes représentent 16% de la déforestation mondiale, en deuxième position derrière la Chine.
Article rédigé par Boris Hallier - édité par Lou Bes
Radio France
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Temps de lecture : 2 min
Vue aérienne de la déforestation du Cerrado (savane) indigène à Sao Desiderio, état de Bahia ouest, Brésil, le 25 septembre 2023. (FLORENCE GOISNARD / AFP)

D'où vient le soja importé pour nourrir le bétail ? Et le cuir qu'il y a dans nos chaussures ou le caoutchouc dans les pneus de nos voitures ? Ces questions, les entreprises devront y répondre avec précision. Un nouveau règlement, entré en vigueur en juin 2023, s'imposera bientôt aux entreprises européennes. Elles devront prouver que les produits qu'elles mettent sur le marché ne sont pas issus de zones de déforestation. L'objectif est ainsi de lutter contre ce que l'on appelle la déforestation importée

Léonardo Bonanni est spécialiste des chaînes d'approvisionnement : "La loi demande que toutes ces matières premières soient tracées jusqu'aux champs, jusqu'aux forêts d'où viennent les matières premières. C'est un volume énorme de données qui va devoir être collecté et vérifié."  Cette règle s'appliquera à la fin de l'année 2024, mais les entreprises doivent déjà préciser l'origine des matières premières concernées comme le bétail (cuir), le bois, le cacao, le café, le caoutchouc, le charbon, l’huile de palme les produits en papier imprimé et le soja.

Un logiciel pour cartographier les chaînes d'approvisionnement

Encore faut-il identifier d'où vient précisément la matière première, ce que les grands groupes ne savent pas forcément. Il est en effet difficile de remonter à la source car les intermédiaires sont nombreux. C'est pour cela que Léonardo Bonanni a créé "SourceMap", un logiciel qui permet de mapper, c’est-à-dire de cartographier les chaînes d'approvisionnement. "C'est l'acheteur qui va être capable de capter ces coordonnées GPS, détaille-t-il. En général, quand il va collecter la matière première, il aura avec lui un smartphone qui permet de parcourir le périmètre du champ qui va nous permettre de nous assurer que sur les quatre coins de la parcelle, il n'y a pas eu de déforestation."

Les équipes de "Sourcemap" vont ensuite vérifier ces données afin de les comparer aux cartes de protection de la forêt. "Sur la carte que l'on regarde, on a les fermes réparties, en l'occurrence en Indonésie, indique Jean-Baptistse Ceaux, directeur des opérations de "Sourcemap" Europe. On voit que les points rouges sont des endroits où l'image satellite a repéré une perte d'arbres. L'intérêt pour nous, c'est de comprendre pourquoi il y a eu cette perte."

Une amende maximale de 4% du chiffre d’affaires

S'il s'agit d'une déforestation considérée comme active, l'entreprise peut être sanctionnée. L’amende variera en fonction du niveau de risque attribué à la zone géographique. Ainsi, l’amende maximale imposée sera d’au moins 4% du chiffre d’affaires annuel total réalisé dans l’Union européenne par l’opérateur en infraction. Charge ensuite à l'entreprise de trouver un fournisseur plus vertueux. "Ce qui a toujours manqué dans les audits et dans les certifications des ONG auparavant, c'est qu'il était très facile de dissimuler des mauvaises pratiques dans le 99 % des parcelles qui n'étaient pas auditées et pas visitées, analyse Léonardo Bonanni. Et donc, avec cette transformation, ça change complètement la culture d'achat et la culture du commerce mondial."

Toutefois, il reste du chemin à parcourir car les importations européennes représentent 16% de la déforestation mondiale, ce qui place le continent en deuxième position derrière la Chine.

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