Sommet sur la biodiversité : "Une vision de développement économique de court terme amène tout le monde dans l'impasse"
Jean-David Abel, responsable de la biodiversité et vice-président de France Nature Environnement, en appelle aux responsables politiques, lundi, sur franceinfo, alors que près d'un million d'espèces pourraient disparaître dans les prochaines décennies.
Un sommet sur la biodiversité réunissant les représentants de 132 pays s'ouvre lundi 29 avril à Paris alors que plusieurs organisations scientifiques mettent en garde sur le fait que près d'un million d'espèces pourraient disparaître dans les prochaines décennies. Dans ce contexte, Jean-David Abel, responsable de la biodiversité et vice-président de France Nature Environnement, en appelle aux responsables politiques, lundi, sur franceinfo, jugeant qu'avoir une vision de développement économique de court terme sur le même modèle qu'aujourd'hui amène "dans l'impasse."
franceinfo : Dans quelle mesure l'Homme a-t-il besoin de la biodiversité ?
Jean-David Abel : La question va plus loin que cela, puisque c'est toute l'adaptabilité de notre planète et de la vie sur la planète qui est en jeu. Mais bien sûr que l'Homme en a besoin ! Entre autres pour des services que cette biodiversité lui rend, en matière d'alimentation, en matière de pollinisation, de fabrication d'oxygène, de stockage du carbone, de fertilisation des sols, etc. C'est absolument vital, pour nous, que la biodiversité aille bien. Quand on dit "biodiversité", on parle de choses très précises : des sols, de la biodiversité dans les milieux marins, etc.
Un million d'espèces pourraient disparaître dans les prochaines décennies, cela représente un huitième de la biodiversité. Cela veut-il dire que pour ces espèces-là, il n'y a pas d'adaptation possible ?
Ce n'est pas exactement cela. Si on change un certain nombre de pratiques – le mode de développement de notre société – beaucoup de ces espèces peuvent se porter bien mieux dans les prochaines décennies. On observe deux choses : il y a des espèces qui sont vraiment en voie d'extinction aujourd'hui – autour de 100 000 – mais il y en a d'autres pour lesquelles on se rend compte que c'est au sein de l'espèce que la population régresse. Cela ne veut pas dire qu'elles disparaissent, cela veut dire que leur nombre et leur répartition à la surface de la Terre régresse. Donc, si on inverse de façon ambitieuse et volontariste les politiques qui nous ont amenés dans cette situation – l'artificialisation des sols, la pollution chimique, les rejets dans le milieu marin – bien sûr que l'on peut sauver une grande partie de cette biodiversité.
On peut multiplier les réunions, mais, au final, tant que les lobbies ne bougeront pas, les dossiers n'avanceront pas ?
C'est exactement cela. Le problème ce n'est pas seulement les lobbies, ils existent depuis longtemps. Le problème c'est les politiques, il faut qu'ils s'affranchissent de ces lobbies. Nous avons été stupéfaits de la petite place des questions climatiques dans les annonces du président la semaine dernière, il n'a tout simplement pas prononcé le mot "biodiversité", comme si lui et les siens ne se rendaient pas compte à quel point nos destins sont liés sur cette planète. Et avoir une vision de développement économique de court terme, c’est-à-dire sur le même modèle qu'aujourd'hui, amène absolument tout le monde dans l'impasse. C'est cela qui est important aujourd'hui avec cette réunion de l'IPBES [plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques] à Paris : les 132 pays vont faire des recommandations concrètes à l'ensemble des gouvernements pour que, aux niveaux national et international, ils soient en capacité d'inverser ces tendances.
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