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Vidéo COP15 : le biologiste Bruno David "espère qu’on saura" prendre de grandes décisions et surtout "les appliquer"

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Article rédigé par franceinfo
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"On est sur la trajectoire d’une sixième extinction, confirme Bruno David. On n’est rien sans le reste du vivant. À terme, on ne peut plus se nourrir, on ne peut plus digérer, on ne peut plus respirer, on ne peut plus se soigner, on ne peut plus même se vêtir".

"Même en rêvant et en se disant qu’on va prendre de grandes décisions, j’espère qu’on saura les appliquer", a déclaré le biologiste Bruno David, président du Muséum national d’histoire naturelle,  mercredi 7 décembre sur franceinfo, jour de l’ouverture de la COP15 sur la biodiversité à Montréal (Canada). L’auteur de l’ouvrage À l’aube de la sixième extinction (Grasset) s'avoue "pas très optimiste" et rappelle qu’aucun des 20 objectifs pris en 2010 n’a été atteint.

franceinfo : Un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction. Si on ne fait rien pour éviter ça, quelles espèces n’existeront qu’au musée ?

Il y en a beaucoup, notamment toutes les grandes espèces, tous les grands mammifères, les girafes, les hippopotames, les rhinocéros. Je crains que la galerie ne devienne, dans sa totalité ou presque, une grande galerie des espèces disparues. Il faut qu’on fasse attention.

"On a les moyens d’agir. On n’a pas tellement le temps pour agir mais on peut le faire, ça ne dépend que de nous."

Bruno David, président du Muséum national d’histoire naturelle

à franceinfo

Ça concerne surtout les animaux et les végétaux. Ce sont des espèces dont on mesure les déclins. Il y a de moins en moins d’individus au sein de ces espèces et, au bout d’un chemin de déclin, il peut y avoir une extinction. La relative bonne nouvelle c’est que, pour le moment, ce ne sont que des déclins, ce qui veut dire qu’on a le temps de réagir et que les espèces peuvent se reconstituer, sous réserve qu’on les laisse un petit peu tranquilles, qu’on change notre manière de faire. On a le temps d’agir. Est-ce qu’on en a la volonté ? C’est une autre question.

Les scientifiques disent qu’on se dirige vers une sixième extinction de masse. S’il y en a déjà eu cinq auparavant, est-ce que c’est si grave ?

Depuis 500 millions d’années, il y a eu cinq grands épisodes d’extinction de la biosphère. Les paléontologues les connaissent bien, elles sont très bien documentées. On peut se comparer à ces grands épisodes du passé géologique de la Terre et ça nous permet de dire qu’on est sur la trajectoire d’une sixième extinction.

"À chaque extinction, il y a eu des gagnants et des perdants. Plus une espèce est complexe, plus elle a des chances de faire partie des perdants, et l’Homo sapiens est une espèce assez complexe. Donc… "

Bruno David

à franceinfo

On n’est rien sans le reste du vivant : on ne mange que du vivant, on ne digère que grâce aux bactéries de notre tube digestif, aucun animal n’est capable de digérer de la nourriture s’il n’a pas de bactéries dans son tube digestif. C’est valable pour nous, c’est valable pour les étoiles de mer, c’est tout le monde. On dépend tous les uns des autres. Si on abîme cette biodiversité, ce tissu incroyable qui fait que la planète est ce qu’elle est, c’est nous-mêmes que nous abîmons. À terme, on ne peut plus se nourrir, on ne peut plus digérer, on ne peut plus respirer, on ne peut plus se soigner, on ne peut plus même se vêtir.

Que doit-on faire alors ?

On connaît les grands facteurs de pression. On connaît très bien la manière dont on appuie en quelque sorte sur cette biodiversité, comment est-ce qu’on va contraindre ces environnements à travers la pollution, l’exploitation des ressources, l’usage des surfaces à travers l’agriculture, la déforestation, les villes, l’usage des littoraux qu’on peut avoir, tout ça, on les connaît. Il faut qu’on diminue nos facteurs de pression. Il faut une autre agriculture, peut-être avec moins d’intrants, moins de pesticides sans doute même certainement. 30% de la production agricole n’arrive pas dans nos assiettes, elle est détruite avant, au cours des phénomènes de transport, de transformation, ou détruite par nous-mêmes quand on a des restes dans nos assiettes qu’on n’utilise pas. 30% de la production ne sert pas à nous nourrir. Donc on a une marge de progrès très importante. Bien sûr, on ne va pas arriver à 0%, mais si on descendait à seulement 10% de déchets par rapport aux 30%, ça nous donne une marge de 20% [de production qu’on peut faire en moins] sans rien changer [à notre alimentation].

150 millions de tonnes de plastique peuplent les océans. Que faire contre ça ?

Moins de plastique ! C’est nous qui le fabriquons, il vient des continents, il ne pousse pas tout seul dans la mer. Donc, essayons d’utiliser moins de plastique, essayons d’être raisonnables. Il faut changer nos habitudes, il faut vraiment qu’on change. Quand on prend des décisions, il y a trois paramètres : un paramètre environnemental généralement qu’on ignore complètement, il y a un paramètre social et un paramètre économique. Toute prise de décision est comme ça, à notre échelle individuelle, dans notre cellule familiale, comme à l’échelle des gouvernements, c’est la même chose. Les petits gestes comptent mais on a beaucoup appuyé sur l’économique et le social et on ignore l’environnemental. Il faut que d’ici la fin de la décennie, l’environnemental ait pris une place beaucoup plus importante. Et ça, c’est à travers les petits gestes.

Peut-on encore vraiment inverser la tendance ?

Il faut une volonté politique en général, individuelle aussi. Je ne suis pas très optimiste non plus parce qu’on a vu ce qu’il s’est passé à Aichi (Japon) en 2010 où on avait pris une vingtaine d’objectifs et il n’y en a aucun qui a été tenu. Je dis bien aucun. On a 0 sur 20. Ce n’est pas terrible. Donc là, il faut déjà prendre un certain nombre de décisions, c’est la première étape, et ensuite il faut les appliquer. Même en rêvant et en se disant qu’on va prendre de grandes décisions, j’espère qu’on saura les appliquer. L’avenir est entre nos mains. Nous sommes à l’origine du problème donc nous sommes aussi à l’origine des solutions.

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