Crash du vol MH17 : qui décide de la fermeture d'un espace aérien ?
La fermeture d'un espace aérien : qui décide ?
Le droit international pose un principe clair sur cette question. En la matière, c'est la convention de Chicago du 7 décembre 1944 qui fait office de "bible". Et dans son premier article, la convention stipule que ce sont les Etats qui sont les maîtres absolus de leur espace aérien : "Les Etats contractants reconnaissent que chaque Etat a la souveraineté complète et exclusive sur l'espace aérien au-dessus de son territoire ". Ce principe porte un nom : l'air territorial. Il est né directement de la Seconde Guerre mondiale qui a clairement montré le risque que faisait peser l'aviation sur la sécurité d'un Etat. Contrairement au droit de la mer, qui reconnaît un "droit de passage inoffensif", un avion n'a donc pas le droit de survoler un Etat sans qu'il le sache.
Toutefois, si les règles restent très strictes pour les aéronefs militaires, le développement du transport aérien les a assouplies en ce qui concerne les vols commerciaux. Ainsi, sans que l'entrée soit pour autant libre, il n'est pas besoin d'une autorisation diplomatique spécifique pour chaque survol concernant ce type d'appareil.
Pour ce qui concerne l'Ukraine et le crash du vol de la Malaysia Airlines, ce sont donc les autorités de Kiev qui ont la main sur tout le ciel du pays, puisque les prorusses de l'est du pays ne sont pas reconnus par la communauté internationale.
Peut-on fermer un espace aérien en partie seulement ?
Puisque ce sont les Etats qui décident, ils peuvent parfaitement se contenter de restrictions plutôt que d'une fermeture totale. La première et la plus évidente est territoriale. C'est ce qu'a fait l'Ukraine ce vendredi en décrétant l'espace aérien fermé au dessus des régions de l'Est, où ont lieu des affrontements. Les régions de Donetsk et de Louhansk sont totalement interdites, tandis que l'espace aérien n'est que partiellement fermé au-dessus de Kharkov. Les autorités éditent des cartes précises pour délimiter ces zones d'exclusion.
La question de savoir s'il existait des restrictions jusqu'à ce jour reste posée. Le Premier ministre malaisien a affirmé que l'appareil de la Malaysia Airlines volait dans un espace "non soumis à des restrictions ". Le quotidien russe Kommersant , lui, cite un responsable de l'aviation russe qui avance que l'Ukraine avait choisi un critère d'altitude pour fermer son espace aérien au-dessus des zones de conflit : il était clos, mais seulement pour les avions volant en dessous de 7.800 mètres d'altitude. Une source ukrainienne, citée par le même journal, donne une altitude minimum autorisée de 7.500 mètres. Quoiqu'il en soit, le vol MH 17 volait à 10.000 mètres, ce qui était considéré, jusqu'à jeudi, comme une altitude relativement sûre, les appareils militaires montant rarement jusque-là en opérations.
A noter que les Etats peuvent se baser sur d'autres critères de restrictions. Dans les années 90 par exemple, les Etats-Unis ont interdit le survol de leur territoire aux appareils des Etats qui ne respectaient pas les normes de sécurité internationales en matière aéronautique. Comme il s'agissait des Etats-Unis, les compagnies aériennes visées avaient dû rapidement opérer les modifications nécessaires sur leurs avions.
Une compagnie aérienne peut-elle décider elle-même le survol d'un territoire ?
Dans la mesure où elle respecte les restrictions imposées par l'Etat survolé, rien ne l'empêche de le faire. La convention de Chicago crée une liberté de transit et d'escale commerciale, dans la mesure où la compagnie possède une autorisation de survol. Des accords bilatéraux entre les Etats viennent parfois compléter ces principes généraux, allant jusqu'à la création de l'Open skies, qui s'est progressivement diffusé à la plupart des pays de l'hémisphère nord. L'Ukraine vit sous ce régime. Il n'existe certes pas d'accord d'Open sky entre elle et la Malaisie, mais cette pratique a facilité l'ensemble de la circulation aérienne.
Si les compagnies aériennes commerciales ont donc largement la possibilité de survoler des espaces aériens, elles sont encore plus libres de décider de ne pas le faire. Plusieurs compagnies aériennes asiatiques avaient d'ailleurs décidé d'éviter le ciel ukrainien depuis le début des combats. Les coréennes Korean Airlines et Asiana, l'autralienne Quantas ou la taïwanaise China Airlines le font depuis mars ou avril. La Korean passe 250 km au sud de l'Ukraine depuis le 3 mars par exemple. Le Londres-Dubaï de la Quantas ne survole plus l'Ukraine depuis plusieurs mois.
Air France pour sa part, continuait à survoler l'est de l'Ukraine. Depuis le 3 avril toutefois, elle ne survolait plus la Crimée. La compagnie a annoncé avoir "pris la décision de ne plus survoler l'est de l'Ukraine dès qu'elle a été informée de cet événement", de même que l'allemande Lufthansa ou l'américaine Delta.
Mais sur la route Europe-Asie, l'Ukraine présente des avantages non-négligeables : la durée de vol est raccourcie et la facture en carburant est donc plus légère.
Les Etats d'origine des avions et les institutions internationales peuvent-ils jouer un rôle ?
Le gouvernement français a demandé ce vendredi aux compagnies aériennes hexagonales d'éviter l'Ukraine "tant que les raisons de cette catastrophe ne seront pas clarifiées ". Concrètement, le gouvernement a chargé la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) de "prendre les mesures de précaution nécessaires". Les compagnies françaises doivent obligatoirement les respecter.
A cette interdiction s'ajoutent celles des organismes internationaux. Celles de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) et l'Organisation de l'aviation civile internationale, l'OACI doivent être respectées par les compagnies des pays européens pour la première et par les pays signataires de la convention de Chicago pour la seconde. Eurocontrol, l'organisation européenne qui gère la navigation et la sécurité aérienne en Europe rejette désormais tous les plans de vols qui passent par l'est de l'Ukraine. L'autorité d'Eurocontrol s'étend jusqu'à la frontière de la Russie.
Mais jusqu'ici, ces organismes internationaux ne donnaient pas de consigne particulière pour l'est de l'Ukraine. Le Premier ministre malaisien a d'ailleurs rappelé qu'une autre instance, l'Association internationale du transport aérien (IATA), a indiqué que l'espace que traversait le vol MH 17 n'était soumis à "aucune restriction ".
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