Réfugiée en Corée du Sud, une Nord-Coréenne s'en mord les doigts
C'est le New York Times qui relate cette histoire improbable dans un article du 15 août 2015. En 2011, Kim Ryen-hi part en Chine pour rendre visite à ses parents et obtenir un traitement pour une maladie du foie. En fait, elle transite en Thaïlande pour partir en Corée du Sud, où un passeur lui explique qu'elle pourrait travailler sur place et envoyer de l'argent à ses proches. Cette couturière de 45 ans n'hésite pas. Depuis, elle n'a que d'amers regrets.
Complication et absurdités juridiques
Aujourd'hui, Kim Ryen-hi travaille dans une usine de recyclage à Yeongcheon, à 350 kilomètres au sud-est de Séoul, et vit en colocation. Lorsqu'elle est arrivée en territoire sud-coréen, le passeport de Kim Ryen-hi a été soigneusement confisqué par son passeur. Ensuite, elle a fini par obtenir le statut de réfugiée auprès des autorités. Depuis, elle n'a pas récupéré son passeport et a acquis de facto la nationalité sud-coréenne. Or, la loi interdit d'aider un citoyen sud-coréen à partir en Corée du Nord. Comme tous les transfuges, elle a signé un document où elle désavoue le régime communiste.
C'est au moment même où elle a franchi la frontière qu'elle a réalisé son erreur: «Je craignais de me faire prendre sans passeport et être expulsée vers le Nord, où j'aurais été découverte et traitée comme un traître pour avoir tenté de fuir vers la Corée du Sud»
Park Soo-jin, porte-parole du ministère de l'Unification à Séoul, affirme pourtant: «Elle est volontairement devenue citoyenne sud-coréenne, et est, par conséquent, assujettie aux lois applicables à tous les autres citoyens du pays». Pourtant, la couturière comptait bien sur le soutien de ses voisins sud-coréens: «Le meilleur scénario aurait été qu'une fois en Corée du Sud, d'autres Coréens me comprennent et m'aident à trouver mon chemin vers la maison.»
«Je ne suis pas un traître»
A la base partie pour aider son mari, sa fille et ses parents en difficulté financière, elle se retrouve loin d'eux, et dans l'impossibilité de les rejoindre. En efffet, le droit sud-coréen ne l'autorise pas à rejoindre son pays d'origine. «Je veux avant tout que l'on reconnaisse que je ne suis pas un traître, que je n'ai jamais, jamais oublié ma mère patrie, même le temps d'un battement de cil». Pour prouver sa bonne foi, Mme Kim déclare au New York Times que les quatre derniers chiffres de son numéro de téléphone correspondent à la date de naissance de Kim Il-sung, (fondateur et premier dirigeant de la Corée du nord, ndlr), jurant qu'elle l'adorait «comme mon propre père biologique». Et de rappeler que oui, elle a bien pleuré en chantant l'hymne nord-coréen lors d'un match de football en 2013.
Même si son mari est médecin à Pyongyang, la capitale nord-coréenne, et donc plutôt bien loti, les revenus du couple ne lui permettaient pas d'avoir accès aux soins médicaux dont elle avait besoin. L'objectif, à la base, était de partir quelques mois après son séjour en Chine, d'envoyer de l'argent à sa famille et de revenir aussitôt.
Un responsable du ministère des Affaires étrangères souhaitant rester anonyme a déclaré aux New York Times : «Nous connaissons sa triste histoire, mais en ce moment, en vertu de la loi actuelle, nous ne voyons rien que nous puissions faire pour elle.»
Prête à tout, elle se lance dans l'espionnage
Et c'est justement le sort de sa famille qui l'inquiète. Son absence prolongée pourrait lui valoir des ennuis. Dès lors, tous les moyens sont bons pour retourner au pays. Elle tente, une nouvelle fois, d'entrer en contact avec un passeur, en vain. Elle harcèle littéralement l'ambassade de Corée du Nord en Chine, qui dit ne rien pouvoir faire pour elle. Finalement, elle pense même à se faire fabriquer un faux passeport, n'ayant pas le sien en sa possession.
C'est face à tous ces efforts vains qu'elle pense à l'espionnage, voire à la délation. Kim Ryen-hi commence à récolter des informations personnelles de citoyens nord-coréens transfuges pour les communiquer à son pays d'origine. Téléphones portables, adresses, elle note tout, desespérée. L'idée est en fait de se faire remarquer par les autorités sud-coréennes : «J'ai pensé bêtement que si j'étais repérée, ils me considéreraient comme un fauteur de trouble et me renverraient au pays». Toujours rien. Elle se dénonce elle-même à la police.
Aucune chance de revoir sa famille
Malheureusement pour Kim Ryen-hi, Séoul ne déporte pas les personnes accusées d'espionnage. En juillet 2014, Kim Ryen-hi est arrêtée et mise en examen pour espionnage et contrefaçon de passeport. La justice la condamne à deux ans de prison, puis la remet en liberté surveillée au bout de neuf mois. Le fait d'avoir avoué a malgré tout été considéré comme une circonstance atténuante. Pour voir sa peine abaissée, Mme Kim a changé plusieurs fois sa version des faits, affirmant dans un second temps que Pyongyang lui avait ordonné d'espionner pour elle, et ensuite qu'elle faisait simplement semblant d'espionner pour être extradée.
Malheureusement, il n'existe pas de réglementation autour d'un tel cas. A moins qu'un accord spécial soit passé entre les deux pays, Mme Kim a très peu de chance de revoir sa famille. La Corée du Sud a une politique stricte concernant le rapatriement d'espions condamnés et ne l'a fait que deux fois, en 1993 et en 2000, comme geste de bonne volonté dans le cadre de négociations bilatérales.
Depuis les années 1990, 28.000 Nord-Coréens ont fui vers la Corée du Sud. Des centaines de familles ont été détruites. Mais le cas de Kim Ryen-hi est une première.
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