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Essai nucléaire en Corée du Nord : de la bombe A à la bombe H

Pyongyang a annoncé le 6 janvier 2016 le succès de son premier essai de bombe à hydrogène. Si ce test était confirmé, les Nord-Coréens détiendraient une arme plus redoutable que la bombe A. La communauté internationale a unanimement condamné un pays qui viole depuis des années les accords internationaux limitant la prolifération des armes nucléaires.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des Japonais lisent un journal qui revient sur l’essai nucléaire nord-coréen du 6 janvier 2016. Selon la Corée du Nord, il a été couronné de succès.  (KAORU TACHIBANA / YOMIURI / THE YOMIURI SHIMBUN)

Les Nord-Coréens détiennent-ils vraiment la technologie nécessaire à la fabrication d'une bombe à hydrogène? La communauté scientifique demeure sceptique en dépit de l’annonce du premier essai réussi de la Corée du Nord. Les spécialistes «jugent trop faible la puissance apparemment dégagée par l'explosion» de cette bombe H «miniaturisée» selon Pyongyang, explique l’AFP. 

Ivy Mike, la première bombe H testée par les Américains en 1952, était «700 fois plus puissante» que la bombe A («A» pour atomique) lancée sur Hiroshima, au Japon, par les Américains le 6 août 1945. «L'explosion détruisit instantanément plus des deux tiers de la ville. Trois jours plus tard, une deuxième bombe fut lâchée sur la ville de Nagasaki, entraînant les mêmes effets», explique un document des Nations Unies.

Toujours plus puissant
Les Etats-Unis, pionniers dans le développement d’armes nucléaires (ils lancent le projet Manhattan, qui donnera naissance à la première bombe atomique en 1942), réalisent leur premier essai concluant le 16 juillet 1945 sur le site d’essai de Trinity. «L'engin, à base de combustible au plutonium, produisit une explosion de 20 kilotonnes d'équivalent TNT.» Mais les Américains envisagent déjà la possibilité de développer une arme plus puissante que la bombe A.

Ainsi «dès 1941, les physiciens Enrico Fermi (1901-1954) et Edward Teller (1908-2003) avaient en effet suggéré qu'une bombe utilisant le principe de la fusion nucléaire, à l'instar de la production d'énergie solaire, produirait une énergie bien supérieure à celle obtenue par la fission des atomes d'uranium et en proposent un modèle», peut-on lire sur le site de l’Institut national de l’audiovisuel. La puissance d'une bombe à hydrogène se mesure en mégatonnes alors que celle de la bombe atomique s'évalue en kilotonnes.

Les Américains concrétiseront leur projet, poussés par la concurrence soviétique. L'Union soviétique réalise avec succès son premier essai atomique en 1949. «Les Américains, très inquiets en raison de la rapidité avec laquelle les Soviétiques avaient construit leur bombe atomique et de la découverte d'activités d'espionnage soviétique au sein de leur programme d'armement nucléaire, décidèrent en 1950 de se lancer dans la mise au point de bombes à hydrogène.»

Ce sont les Russes qui feront pourtant exploser  la bombe H la plus puissante en 1961 : la Tsar Bomba. «Son explosion (a été évaluée) à 57 mégatonnes par mesure sismique de l'onde de choc, l'éclair était visible à plus de 1000 km du point d'impact et le champignon atomique résultant monta à une altitude de 64 km sur un diamètre de 30 km. La chaleur fut ressentie à 270 km à la ronde», écrit Henry Safa dans Qu'est-ce que l'énergie nucléaire? (EDP Sciences - Collection Bulles de sciences). 

Triple réaction 
La bombe H doit sa puissance à la combinaison des deux types de réactions qui prévalent au fonctionnement des armes nucléaires : la fission et la fusion. La fission est la seule réaction qui se produit dans une bombe A. «La réaction de fission fait éclater le noyau des atomes lourds sous l'impact d'un neutron, ce qui a pour effet de libérer d'autres neutrons, précise-t-on sur le site des Nations Unies. «La réaction de fission est utilisée dans toutes les armes nucléaires, y compris les armes atomiques et thermonucléaires.» 

La réaction de fusion nucléaire, quant à elle, «combine les noyaux de deux isotopes (atomes qui possèdent le même nombre d'électrons) légers pour constituer un nouveau noyau plus lourd (...). Pour atteindre les températures extrêmes nécessaires pour réunir les isotopes et réaliser la fusion, il faut une petite réaction initiale de fission. Un dispositif de fusion contient donc une amorce de fission. Si un dispositif de fusion est entouré de matières fertiles, les neutrons libérés par la fusion provoqueront leur fission, engendrant un processus de fission-fusion-fission. C'est le principe même des armes thermonucléaires.» En d'autres termes, il y a toujours un peu d'une bombe A dans une bombe H. 

«L'essai nucléaire de la Corée du Nord, s'il est confirmé, est une violation évidente des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et est profondément regrettable», a déclaré le 6 janvier 2015 Yukiva Anano, le directeur général de l'Agence internationale à l'énergie atomique (AIEA). «La Corée du Nord a (déjà) réalisé trois essais nucléaires, en 2006, 2009 et 2013, des tests interdits par l'ONU et qui ont chaque fois conduit à un alourdissement des sanctions internationales contre la dictature nord-coréenne, indique l'AFP. Elle s'oppose aux inspections de l'AIEA depuis 2009.» Avec ce nouvel essai, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) confirme son statut d'Etat paria. 

   

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