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Après la trêve olympique, "les tensions vont reprendre" entre les deux Corées et entre Washington et Pyongyang

Juliette Morillot, spécialiste de la Corée du Nord, affirme lundi sur franceinfo que si les deux Corées ont envie de discuter ensemble, les tensions vont reprendre dans la péninsule car les États-Unis ne veulent pas être marginalisés.

Article rédigé par franceinfo
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Un défilé militaire en Corée du Nord, le 9 février 2018. (KCNA VIA KNS / KCNA VIA KNS)

Après les Jeux olympiques de Pyeongchang, c'est l'heure du bilan diplomatique. Les "Jeux de la paix" ont donné lieu à des signes de rapprochement entre les deux Corées. Mais il ne s'agit que d'une trêve, estime lundi 26 février sur franceinfo Juliette Morillot, historienne, spécialiste de la Corée du Nord et co-auteure de Le monde selon Kim Jong-un (Robert Laffont).

franceinfo : Peut-on vraiment croire comme le président du CIO, Thomas Bach, à de "nouveaux horizons" pour la paix ?

Juliette Morillot : C'était une trêve olympique et il faut distinguer deux dialogues et deux séries de tensions sur la péninsule. Entre Pyongyang et Séoul, vous avez, certes, des tensions, mais ce n'est pas le coeur des problèmes sur la péninsule. Les Coréens ont envie de discuter directement, de reprendre leur destin en main. Et c'est là-dessus qu'a joué Kim Jong-un en proposant de participer à ces Jeux et en tendant ce rameau d'olivier à la Corée du Sud. Ceci dit, les tensions de base, on le voit, sont véritablement entre Washington et Pyongyang, sur le fait que la Corée du Nord possède l'arme nucléaire, qu'elle n'a pas l'intention de dénucléariser et que ni Donald Trump ni la communauté internationale ne l'acceptera.

Que faut-il retenir de ces images ? Est-ce quand même un message encourageant pour l'avenir ?

Les deux Corées ont envie de dialoguer. La Corée du Nord a envie de ce dialogue direct, et c'était assez finement joué, de façon aussi à marginaliser Donald Trump qui a quand même un discours très agressif. Mais le président sud-coréen [Moon Jae-in] aussi a été élu après la destitution d'une ancienne présidente [Park Geun-hye] partisane d'une ligne dure contre la Corée du Nord. Il a été élu sur la promesse d'une nouvelle "politique du rayon de soleil" de main tendue vers Pyongyang. Il y a donc véritablement une volonté d'apaiser les tensions, mais après les Jeux olympiques et paralympiques, les tensions vont reprendre. Il va y avoir à nouveau des manœuvres militaires conjointes américano-sud-coréenne et là, tout va se relancer à nouveau, malheureusement. En effet, les États-Unis ne voient pas d'un très bon œil ce dialogue intercoréen dont ils sont exclus. Les États-Unis ont déclaré les sanctions les plus dures jamais prises contre la Corée du Nord. Cette fois-ci, la Corée du Nord a réagi assez durement, a dit qu'il s'agissait de provocation. Mais, beaucoup plus embêtant, derrière la Corée du Nord, vous avez la Chine qui est extrêmement mécontente, parce qu'une partie de ces sanctions touchent notamment des sociétés chinoises. La Chine est en train de se rebiffer et on arrive au cœur du problème : les tensions sont entre Washington et Pyongyang, mais derrière Pyongyang il y a Pékin.

Sans les États-Unis, sans moteur d'une réconciliation, ce n'est pas possible sur le long terme ?

Les Coréens voudraient un dialogue en dehors de la sphère américaine et, même au Sud, on aimerait se détacher des Américains, devenir un peu indépendant. Mais pour l'instant, il va falloir que les États-Unis ou la communauté internationale acceptent de se mettre à la table des négociations avec la Corée du Nord.

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