: Vidéo Comment la Chine s'est offert Hollywood
Pour qui veut s'octroyer le premier rôle sur la scène mondiale, quel meilleur instrument de "soft power" que le cinéma ? A Hollywood, voici comment le régime chinois dicte sa loi – en rachetant de prestigieux studios ou en expurgeant les films de certains détails qui lui déplaisent... Un extrait de "Chine, la grande offensive", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 25 février 2021.
De quels outils dispose la Chine pour imposer sa vision du monde ? Pour contrôler ce que l'on dit de lui, le régime chinois est prêt à mettre les moyens, notamment financiers. Aux Etats-Unis, il ne lui aura fallu que quelques années pour s'offrir… Hollywood.
En 2012, le groupe chinois Wanda a ainsi racheté la chaîne américaine de cinéma AMC, pour 2,6 milliards de dollars (2,14 milliards d'euros). En 2016, le même groupe est devenu propriétaire pour 3,5 milliards de dollars (2,88 milliards d'euros) du studio Legendary Pictures, celui de Batman, Interstellar ou encore Warcraft. Et en 2017, la célèbre Paramount a vendu un quart de ses parts pour 1 milliard de dollars (820 millions d'euros) à la société d'Etat Shanghai Film Group Corporation.
"Si ton film implique Taïwan ou le Tibet, ton projet est mort"
Mais dans l'industrie du cinéma hollywoodien, le régime chinois ne se contente pas du rôle de producteur. Il influencerait aussi le scénario, et jusqu'à l'intrigue des films produits à Hollywood. C'est ce qu'explique le producteur américain Chris Fenton dans un ouvrage intitulé Feeding the Dragon (en français "Nourrir le dragon"). Il a produit et supervisé une vingtaine de films au sein de DMG Entertainment, une société chinoise de production cinématographique. On lui doit notamment Looper, avec Bruce Willis, et Iron Man 3.
Le producteur dénonce les compromis politiques consentis par l'industrie du cinéma pour ne pas froisser Pékin : "Tout ce que les studios américains ont à faire, affirme-t-il, c'est de se demander : 'Est-ce que ce qu'on fait va plaire au Parti communiste chinois ?' Donc, évite de produire des sujets qui les heurtent. Si ton film implique Taïwan, le Tibet ou encore Hong Kong, ou même les droits de l'homme, ton projet est mort. Tu ne peux pas produire ce genre d'histoire si tu veux faire du business avec la Chine." Son engagement pour la cause tibétaine aurait ainsi coûté de nombreux rôles au célèbre acteur américain Richard Gere.
"Quand ils disent 'On n'aime pas cette partie du film', tu dois la couper"
Selon Chris Fenton, "pour profiter du marché", les studios sont prêts à faire des coupes dans un film quand certaines scènes (par exemple de nudité, ou qui montrent la consommation de drogue en Chine) ou certains éléments du scénario (comme un personnage de "méchant" chinois) ne plaisent pas à leurs interlocuteurs chinois.
Hollywood serait-il en train de renoncer à sa liberté d'expression ? Le prochain long métrage produit par la Paramount est dans le collimateur d'une ONG qui dénonce cette influence chinoise et l'autocensure des studios américains. Il s'agit de la suite de Top Gun, avec Tom Cruise, qui devrait être un film événement de l'été 2021.
Tom Cruise rhabillé pour la suite de "Top Gun"
Suzanne Nossel, directrice de l'ONG Pen America, montre quelques changements révélateurs dans l'uniforme que porte le personnage interprété par Tom Cruise par rapport à la version originale de 1986. Le dos de sa veste était orné des drapeaux japonais et taïwanais... qui ont disparu. Dans la suite de Top Gun, explique-t-elle, "le drapeau japonais a été remplacé par ce triangle, et le drapeau taïwanais par un signe qui ne veut pas dire grand-chose".
"La manière dont le gouvernement de Pékin exerce son influence nous fait peur, déclare-t-elle, et il faut le dénoncer. Ce n'est pas quelque chose d'anodin. Les Américains doivent en prendre conscience."
Extrait de "Chine, la grande offensive", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 25 février 2021.
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