Une nouvelle délégation du Congrès américain à Taïwan : "Pékin va sûrement faire beaucoup de bruit mais il n'y aura pas de suite", estime une sinologue
Les récentes réactions du gouvernement chinois aux visites officielles américaines, qui sont fréquentes à Taipei, sont "une propagande destinée au public occidental", assure Marie Holzman, présidente de l'association Solidarité Chine. Elles veulent dire : on n'approche pas de Taïwan.
"Pékin va sûrement faire beaucoup de bruit, comme d'habitude, mais il n'y aura pas de suite", a estimé lundi 15 août sur franceinfo Marie Holzman, sinologue, présidente de l'association Solidarité Chine. Deux semaines après la visite de Nancy Pelosi à Taïwan dénoncée par la Chine, une nouvelle délégation du Congrès américain arrive à Taipei.
franceinfo : Cette visite est-elle surprenante ?
Marie Holzman : Non. Les visites de délégations du Congrès américain sont fréquentes et l'ont été même durant la période de Covid qui a frappé Taïwan. Il ne faut pas en faire trop sur cette visite. La situation en Chine reste assez discrète. On a les réactions du Global Times qui est un magazine hyper nationaliste, hyper agressif, mais ces réactions sont dans la version anglaise du magazine et pas dans la version chinoise. Donc, c'est une propagande destinée au public occidental pour dire : nous serons catégoriques, nous ne laisserons personne s'approcher de l'île de Taïwan. Quant aux manœuvres militaires autour de l'île, elles ont commencé avec la visite de Nancy Pelosi et ont continué jusqu'à hier. Donc, c'était plus dans la continuité de cette dernière visite que dans l'arrivée de cette délégation, même si les Américains sont en train d'en rajouter une couche. Si la visite de Nancy Pelosi a été si mal vécue c'est parce que depuis 1991 elle ne cesse de répéter son soutien aux démocrates en Chine, a critiqué la répression de 1989 sur la place Tiananmen, a demandé la libération de dissident chinois, a reçu le Dalaï Lama. Donc, la visite de cette délégation est moins importante. Pékin va sûrement faire beaucoup de bruit, comme d'habitude, mais il n'y aura pas de suite.
Est-ce que Washington n'aurait pas dû annuler cette visite ?
Nous avons observé l'accélération de la reprise en main de Pékin sur Hong Kong, les Hongkongais ont résisté pendant deux ans avec un courage extraordinaire, personne n'est intervenu. Les Américains se sont dit que cela suffisait. On a une guerre en Ukraine, on ne va pas assister à une nouvelle guerre à Taïwan. Ils ont dit qu'ils soutenaient Taïwan et ils sont en train de le montrer avec beaucoup de force et des messages de paix. Si le détroit de Taïwan était perturbé par des menaces militaires en permanence cela mettrait en danger toute l'économie mondiale.
"Les Américains assument leur engagement alors que personne n'a assumé son engagement vis-à-vis de Hong Kong qui est maintenant complètement sous la botte de Pékin et qui est devenu une part de cette vaste dictature sans aucune liberté individuelle."
Marie Holzman, sinologueà franceinfo
Quelles sont les similitudes entre Hong Kong et Taïwan ?
Les Taïwanais ne veulent pas être le Hong Kong d'aujourd'hui, ils disent qu'ils deviennent le Hong Kong d'hier. Les Chinois commencent à dire à Taïwan qu'il va y avoir 'un pays, deux systèmes', mais qu'ils vont réunifier la Chine. Les Taïwanais eux disent qu'un pays et deux systèmes cela marche un moment et au moment où Pékin veut reprendre le pouvoir c'est fini. Donc, ils n'ont veulent pas. Taïwan a une autonomie totale vis-à-vis de la Chine. Depuis 1949, Taïwan mène sa vie indépendante. Ils ont un président élu, c'est une démocratie qui fonctionne très bien, elle a sa monnaie, son drapeau, sa tradition, ses ethnies. C'est un pays tout à fait indépendant. C'est à la fois différent et pas très différent de la Chine. Taïwan fait objectivement partie de la Chine en tant que sphère culturelle, Taïwan revendique la paternité de Sun Yat-sen et le gouvernement chinois aussi. Il y a des liens historiques et culturels qu'on ne peut pas nier. Mais le problème c'est que le gouvernement de Taïwan a dit dès 1949 qu'il voulait réunifier la Chine mais seulement dans un contexte qui leur convenait. Les partisans de la réunification veulent une démocratie. La présidente Tsai Ing-wen veut maintenir le statu quo et ne veut pas entendre parler de réunification.
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