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Les Chinois en guerre contre United Airlines

En expulsant violemment un passager d’origine chinoise (ou vietnamienne selon les versions), la compagnie américaine United Airlines ne se doutait pas que l’affaire aurait un retentissement mondial. Grâce à la circulation sur les réseaux sociaux de vidéos tournées par des témoins. L’action de UA a chuté en bourse. Et l’affaire pourrait avoir de graves conséquences économiques pour la compagnie.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
David Dao, le passager violemment expulsé d'un avion de la United Airlines le 9 avril 2017. (DR (capture d'écran))

Arrivé aux commandes d’United Airlines en septembre 2015, son PDG, Oscar Munoz, avait une bonne réputation en matière de communication. A tel point qu’il avait reçu le prix du «meilleur communicant» 2016 décerné par une association.

Mais après l’affaire du passager David Dao, violemment expulsé d’un avion de la compagnie aux Etats-Unis après un surbooking, cette réputation peut paraître quelque peu usurpée… Un passager expulsé en train de crier, le visage en sang, sous les hurlements d'autres personnes présentes à bord.


Gros intérêts en Chine
Après la circulation sur les réseaux sociaux des premières vidéos de l'incident, survenu le 9 avril 2017, Oscar Munoz avait fait le choix de ne pas s'excuser auprès de M.Dao, un médecin. Dans un mail adressé aux salariés, il avait qualifié ce dernier de «perturbateur et d'agressif». Mais le ton a changé face au tollé planétaire. Et au plongeon de l’action en bourse: le 11 avril, l’action de la compagnie a chuté de 4,03 (à 5,58 dollars) à Wall Street. Et UA a perdu 255 millions de dollars, avant de reprendre quelques couleurs le lendemain.

Avec cette affaire, United Airlines ne s’est pas fait que des amis. Notamment en Chine où l’entreprise est la première compagnie aérienne américaine: elle assure ainsi 20% des vols (devant Delta et American, 8% chacune) entre l’ex-Empire du Milieu et les Etats-Unis, en grande partie au départ des villes chinoises. Donc avec une clientèle souvent chinoise.

Manque de chance, c’est en Chine que les réactions ont été les plus violentes. Les vidéos de l’incident y ont été vues plusieurs centaines de millions de fois. Et les commentaires sur le réseau Weibo, l’équivalent de Twitter, sont assassins. «United Airlines a-t-elle choisi un Asiatique par hasard? C’est une discrimination raciale flagrante. UA est un monceau d’ordures», expliquait ainsi un internaute cité par The Independent.


«Racisme», «discrimination»… Pour l’instant, il n’y aucune preuve que ce soit le cas. Mais tout y est pour un cocktail explosif. Les autorités chinoises n’ont pas officiellement réagi, mais on peut se dire que le tollé sur les réseaux sociaux du pays parle pour elles. D’autant que désormais Pékin ne reste pas indifférent quand l’un de ses ressortissants est impliqué dans un problème à l’étranger. C’est ce que l’on a pu observer récemment à Paris avec la mort d’un Chinois de 56 ans, victime du tir d’un policier. La Chine a demandé à la France de garantir «la sécurité et les droits» de ses citoyens. Tout en exigeant que «toute la lumière soit faite».

Trump s’en mêle
Dans l’affaire, UA a donc très gros à perdre. Nombre d’internautes chinois demandent déjà un boycott de la compagnie. Vu l’importance de ses intérêts dans le pays, la Chine «pourrait (la) tuer», pense le site d’information américain Daily Beast. Avec d’importantes conséquences sur le tourisme aux Etats-Unis même: les Chinois y représentent 20% des visiteurs, transportés notamment par… United Airlines. Un chiffre qui pourrait doubler dans les cinq ans!
 
Après le séjour du président chinois Xi Jinping aux Etats-Unis et vu l’importance des relations Pékin-Washington, on comprend mieux pourquoi le président Donald Trump a qualifié d’«horrible» les vidéos en circulation… De leur côté, des parlementaires américains ont demandé une nouvelle réglementation rendant plus difficile la pratique du surbooking.
 
Appareils de la compagnie United Airlines à l'aéroport de San Francisco le 7 février 2015. (REUTERS - Louis Nastro - File Photo)

Face à de telles réactions, il a été demandé à Oscar Munoz s’il allait démissionner. «J'ai été embauché pour améliorer les performances d'United. Nous sommes en train de le faire et c'est ce que je continuerai à faire», a-t-il répondu. Mais le PDG a dû faire marche arrière par rapport à ses premières réactions. Il s’est finalement excusé pour cet épisode «honteux et humiliant».

Malgré ces excuses tardives et «hyprocrites», comme le souligne le journal suisse Le Temps, l’image de l’entreprise pourrait être durablement atteinte. En Chine, aux Etats-Unis, mais aussi dans le reste du monde. «C’est ce qu’on appelle un ''bad buzz'' ou une descente dans l’enfer des relations publiques», explique le quotidien. La preuve aussi qu’avec internet, le monde est en quelque sorte devenu un «village global», pour reprendre la fameuse expression du chercheur canadien Marshall McLuhan.

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