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A l’heure des législatives, Hong Kong se sent menacée par la Chine

Le 4 septembre 2016, les Hongkongais votent pour élire les membres de leur Parlement (le Legco). Mais seulement la moitié des députés est choisie par la population, l’autre étant désignée par un système complexe de représentation de corporations. Une élection scrutée de près par Pékin. Elle est la première depuis le «mouvement des parapluies» en 2014.
Article rédigé par Marc Taubert
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Sur cette photo, des militaires de l'armée populaire de libération (Chine) devant Hong Kong lors du 19e anniversaire de la rétrocession de la ville à la Chine, le 1er juillet 2016,  (REUTERS / Bobby Yip)
«Un pays, deux systèmes». Cette formule prônée par Deng Xiaoping dit le «petit timonier», régit Hong Kong depuis son rattachement à la Chine, en 1997. L’inspirateur de l’ouverture de la Chine à l’économie de marcher avait également théorisé la lente rétrocession de la cité-Etat alors intégré à l’empire britannique.
 
Car à l’inverse du grand-frère chinois, les citoyens de cette ville portuaire bénéficient d’un système très libéral. L’accord sino-britannique de 1984 garantit au territoire un «haut degré d’autonomie» pour 50 ans, jusqu’en 2047, sa pleine souveraineté, sauf en matière de politique étrangère et de défense. Son système judiciaire indépendant, la liberté de la presse ou sa monnaie (le dollar hongkongais) sont aussi assurés.
 
En 2007, la Chine promet même les premières élections ouvertes en 2017 et la désignation directe du chef exécutif par les citoyens. Mais les promesses n’engagent que ceux qui y croient. L’arrivée au pouvoir de Xi Jinping à la tête de l’empire du Milieu, marque le retour d’une concentration du pouvoir et de la répression de toute velléité d’émancipation.
 
Car octroyer le suffrage universel aux Hongkongais pourrait donner de mauvaises idées au reste du pays. La «contagion politique» selon l’expression d’un journaliste de The National Interest, est ainsi une des motivations principales au verrouillage du système politique de la Région administrative spéciale (RAS).

En septembre-octobre 2014, des centaines de milliers de manifestants se sont réunis pour demander des élections ouvertes à Hong Kong et protester contre la mainmise de la Chine sur la ville. (GUILLAUME PAYEN / NURPHOTO / AFP)

Enlèvement et séquestration
Déjà en septembre 2014, le «mouvement des parapluies» manifestait pour une ouverture du système politique de la ville. Des centaines de milliers de personnes étaient descendues dans les rues de Hong Kong. Une situation inédite alors dans cette ancienne colonie britannique peu habituée à ce type d’événement.
 
En juin de la même année, un référendum non-officiel avait réuni presque 800.000 votants. Un chiffre énorme pour cette ville de sept millions d’habitants. Ce référendum a recueilli une majorité de personnes pour une ouverture du système politique. Actuellement, le système prévoit effectivement un vote de la population pour choisir son dirigeant principal, mais dans une liste comprenant 2 à 3 noms, tous désignés par Pékin.
 
C’est une affaire récente qui a particulièrement mis en garde les défenseurs des libertés de la cité-Etat.
 
A la fin 2015, cinq libraires hongkongais disparaissaient. Quatre étaient hors de la ville quand un y résidait alors. Entre janvier et février, tous sont réapparus soudainement, mais à la télévision chinoise. Ils y déclaraient avoir été détenus par les autorités pour «offense» et avoir vendu des livres interdits par Pékin.
 
Ils auraient en fait vendu des ouvrages dérangeants pour le régime. Y étaient décris les turpitudes sexuelles et les scandales de corruption de hauts dignitaires chinois. Des ouvrages autorisés à Hong Kong mais interdits chez le grand voisin.
 
Ces événements choquèrent particulièrement les habitants. Notamment parce qu’un des cinq libraires avait été enlevé par la police chinoise et séquestré pendant plusieurs mois. «C’est une attaque directe au principe «d’un pays, deux systèmes». Les gens vont ne plus se sentir en sécurité pour publier ou acheter des objets politiquement sensibles à Hong Kong», regrette ainsi Seanon Wong, professeur d’administration publique à l’Université Chinoise à Hong Kong.
 
Sur cette photo, Lam Wing-kee, l'un des cinq libraires hongkongais détenu arbitrairement par les autorités chinoises. Il a été détenu 8 mois et n'a pas pu consulter d'avocat. Il dit avoir été menacé : «Ils disaient que nous étions des réactionnaires, que je passerai 20 ou 30 ans en prison, jusqu'à ma mort». (REUTERS / Bobby Yip)

Toutes les libertés menacées
Si on ne peut pas à proprement parler de démocratie, Hong Kong possède malgré tout une liberté enviée dans l’empire du Milieu. Elle possède, par exemple, des universités de très hauts niveaux où les intellectuels jouissent d’une indépendance qui n’a pas son comparable en Chine.
 
Mais cette indépendance est sans-cesse remise en cause. En témoigne le discours du président de l’Université de Lingnan, aux professeurs : «faites attention à vos allocutions et vos comportements … ou vous en subirez les conséquences».
 
La liberté de la presse est aussi unique à Hong Kong. Beaucoup de médias étrangers y sont d’ailleurs installés car ils bénéficient de conditions de travail qu’ils ne pourraient pas avoir en Chine. Mais The National Interest relève que l’autocensure s’accentue. Pour preuve, au classement 2015 de Reporters sans frontières de la liberté de la presse, Hong Kong était placée à la 70e place sur 180.
 
Plus récemment, le grand quotidien South China Morning Post, journal dominant de ville en langue anglaise, a été racheté par le géant de l’internet chinois, Ali Baba. Son fondateur, Jack Ma, a promis l’indépendance éditoriale du journal. Mais est-ce possible tant il doit cultiver de bonnes relations avec les autorités chinoises pour préserver son entreprise ?
 
Signe d’une peur grandissante face à cette situation, 19.000 personnes hongkongaises ont quitté la ville cette année, selon Bloomberg. «Beaucoup de résidents se couvrent en mettant en sûreté leur argent et leurs biens dans l’outre-mer et en obtenant un deuxième passeport. Par exemple, la ville revendique plus de 300.000 citoyens du Canada.» C’est dire que nombreux sont les Hongkongais à plus regarder vers le continent américain que celui asiatique.

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