Cet article date de plus de dix ans.

Ces places où grondent les révoltes

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Qu’ont en commun la place de Mai à Buenos Aires où des mères d’enfants disparus pendant la dictature argentine se retrouvent depuis 30 ans, la place Venceslas à Prague où Jan Palach s’immole en 1969 pour protester contre l’invasion de son pays ou la place Tian'anmen en Chine, où des milliers de personnes réclament la démocratie en 1989 ? Toutes symbolisent la révolte des peuples face au pouvoir.

Comme plus récemment, les événements de l’hiver 2013-2014 en Ukraine et les combats sur la place Maïdan à Kiev. Une place qui, dix ans plus tôt, avait déjà vu la naissance de la révolution Orange.

Géopolis vous propose de retrouver quelques uns de ces hauts lieux historiques qui ont marqué l’histoire de ces dix dernières années.

Le 21 novembre 2004, la victoire du candidat pro-russe Viktor Ianoukovitch est entachée par des soupçons de fraudes. Des milliers de partisans du candidat pro-européen Viktor Iouchtchenko s’installent face au Parlement sur la place de l’Indépendance connue sous le nom de Maïdan. La révolution Orange est née. Sous la pression de la rue, la Cour suprême ukrainienne demande qu’un second tour soit à nouveau organisé. Le 26 décembre 2004, Iouchtchenko remporte les élections avec 52% des voix. (AFP PHOTO / SERGEI SUPYNSKI)
Le 9 avril 2005, des milliers d’Irakiens chiites, fidèles à Moqtada al-Sadr, iman et nouveau leader politique, manifestent sur la place Firdos, la place du Paradis à Bagdad. Ils réclament le départ des troupes américaines et le procès de l'ancien président Saddam Hussein. En 2003, les Etats-Unis mettent fin à la dictature du leader du parti Baas. Le 9 avril, ils entrent dans la capitale. Les soldats déboulonnent alors la statue de douze mètres de haut à l'effigie du raïs, dans une mise en scène digne d’Hollywood. Une sculpture abstraite, la Sculpture verte, symbolisant la liberté, prendra très vite sa place.
 
 (REUTERS / Ali Jasim RCS)
En juin 2009, de nombreuses manifestations violemment réprimées sont organisées sur la place Azadi, la place de la Liberté à Téhéran. Des milliers d’Iraniens contestent le résultat des élections présidentielles qui donnent gagnant Mahmoud Ahmadinejad. Ces événements sont appelés la révolution Twitter, en raison de l’utilisation par de nombreux étudiants de ce réseau social qui relie les manifestants entre eux. En réponse, le gouvernement ferme les universités, le réseau internet et brouille les chaînes de télévision. Les journalistes internationaux ne peuvent plus couvrir les événements. 150 personnes sont tuées par la police, des milliers d’autres arrêtées et torturées. (AFP PHOTO / OLIVIER LABAN-MATTEI)
Le 25 janvier 2011, 15.000 Egyptiens, dont 10 à 15% de femmes, gagnent la place pour réclamer le départ du président, au pouvoir depuis trente ans. Les affrontements avec l’armée et la police sont extrêmement violents. Ils ne laissent place à la fête que le 11 février de la même année, quand Hosni Moubarak annonce sa démission. Ce lieu, devenu l’un des principaux symboles de la révolution égyptienne et des printemps arabes, est malheureusement entaché par de nombreux cas d’agressions et de viols de femmes. Le dernier en date remonte au 10 juin 2014, où une étudiante a été agressée sexuellement par un groupe d'hommes pendant les célébrations d'investiture du président Abdel Fattah al-Sissi. (REUTERS / Amr Abdallah Dalsh)
Après les Egyptiens, c’est au tour des Bahreïniens de se révolter. Le 14 février 2011, de nombreux manifestants se réunissent place de la Perle, au centre de la capitale. Malgré la répression violente de la police dès les premiers jours, ils décident d’occuper de façon pacifiste cet endroit. Après un mois d’occupation, le gouvernement soutenu par l'Arabie Saoudite écrase le mouvement. La sculpture est détruite le 18 mars. La place est rebaptisée carrefour al-Farooq. (REUTERS / Caren Firouz )
Début 2011, une révolte populaire renverse le pouvoir libyen. Mouammar Kadhafi prend la fuite. Pendant la guerre civile, les sympathisants et les opposants au régime se retrouvent sur la place Verte, haut-lieu du pouvoir. Le Guide de la Révolution aimait y faire ses discours et y réunir ses troupes. Tous les ans, un défilé militaire y était également organisé. Mais en août 2011, Tripoli tombe aux mains des insurgés. Le 21, après la seconde bataille de Tripoli et ses combats meurtriers, les rebelles s’emparent de la place. Ils la renomment, place des Martyrs. Mouammar Kadhafi est lynché et tué, le 20 octobre 2011. ( REUTERS / Suhaib Salem)
Les révoltes populaires du monde arabe gagnent le Yémen. C’est sur la Place Taghyir à Sanaa que les opposants se réunissent. Ils la rebaptisent place du Changement. Les manifestants réclament un Etat démocratique et demandent la démission d’Ali Abdallah Saleh. Président depuis 33 ans, ce dernier est accusé de corruption et de népotisme. En février 2012, après un an de violences, il lâche le pouvoir. Des élections devraient avoir lieu en 2015. ( AFP PHOTO / MOHAMMAD HUWAIS)
Le 15 mai 2011, les Indignés s’installent sur la place de la Puerta del Sol pour protester, entre autres, contre le chômage, le plan d’austérité, les mécanismes économiques, la dictature des marchés, le renoncement de la classe politique à défendre les idéaux des droits de l’Homme… Si les médias leur reprochent des revendications peu claires, cela n’empêche pas le mouvement de prendre une ampleur considérable dans toute l’Espagne. Comme en mai 1968, désobéissance civile et non-violence sont les mots d’ordre. En finir avec une société de consommation et changer le monde sont le véritable leitmotiv des Espagnols. Si les manifestants quittent la Puerta del Sol le 12 juin, de nombreux autres mouvements inspirés de la révolte hispanique naissent un peu partout en Europe et aux Etats-Unis, avec le mouvement Occupy. (REUTERS/Sergio Perez)
Comme pour les indignés espagnols, c’est sur un lieu symbolique de la capitale, la place Syntagma (ou de la Constitution), face au Parlement, que se réunissent des milliers de Grecs. Le 26 mai 2011, les manifestants crient leur désaccord face au plan d’austérité imposé par Bruxelles. Le 5 juin, 200.000 citoyens s’y massent. Les rassemblements durent plus de trois semaines. Quelques mois plus tard, le 4 avril 2012, cette place est marquée par un drame. Dimitris Christoulas, un retraité, se suicide par balle pour protester contre la situation sociale provoquée par la crise économique. (REUTERS / Yiorgos Karahalis)
Le 10 décembre 2011, des dizaines de milliers de Russes se retrouvent place Bolotnaïa au centre de Moscou. Ils dénoncent les résultats des élections législatives qui donnent gagnant Russie unie, le parti de Vladimir Poutine. Ces premières manifestations «Pour des élections honnêtes» aboutissent à un vaste mouvement de contestation. Le 6 mai 2012, la veille de l'investiture de Vladimir Poutine pour un troisième mandat présidentiel, des milliers de personnes se retrouvent place Bolotnaïa pour dire non à son retour. Beaucoup sont arrêtées et condamnées. Les changements législatifs et politiques opérés depuis le début du troisième mandat de Vladimir Poutine menacent le droit à manifester, selon de nombreux observateurs.  (REUTERS / Ridus )
Le 28 mai 2013, une cinquantaine de riverains et d’écologistes qui s’opposent à la destruction du parc Gezi, l’un des rares espaces verts d’Istanbul, décident de faire un sit-in sur la place Taksim. Très vite, des milliers de personnes les rejoignent, transformant le mouvement en manifestation anti-gouvernementale. La réponse de la police est d’une extrême violence. Ce mouvement sans précédent est comparé à mai 68, aux Indignés d’Occupy ou encore aux Printemps arabes. La place, qui tout au long de son histoire a toujours été un lieu de revendications politiques, est devenu le point de ralliement des opposants. (REUTERS / Osman Orsal)
Dès le mois de novembre 2013, dix ans après la révolution Orange, la place Maïdan est à nouveau sous le feu de l’actualité. Le président ukrainien Viktor Ianoukovitch est accusé de vouloir vendre l’Ukraine à la Russie. Le 8 décembre 2013, des centaines de milliers (un million, selon les organisateurs) d’Ukrainiens se disant pro-européens affluent sur la célèbre place centrale de Kiev pour demander son départ. Les manifestations sombrent très vite dans la violence. En trois mois, près d’une centaine de manifestants sont tués (80 pour le seul jour du 20 février) et des centaines d’autres blessés. Dans la nuit du 21 au 22 février 2014, le président Ianoukovitch est destitué par le Parlement.  (REUTERS / Inna Sokolovska )

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