Cet article date de plus de dix ans.
Canada : l’or noir de l’Alberta, chance ou catastrophe?
Publié le 28/10/2014 09:22
Mis à jour le 28/10/2014 09:32
Temps de lecture : 1min
Depuis une vingtaine d’années, la province de l’Alberta au Canada connaît une véritable ruée vers l'or…noir. Le pétrole extrait de ses terres au cœur de la forêt boréale, provient des sables bitumineux. Une industrie controversée.
En 2006, lors de son accession au pouvoir, l’actuel Premier ministre du Canada, le conservateur Stephen Harper déclarait : les sables bitumineux constituent «une entreprise épique, égale à la construction des pyramides ou de la Grande Muraille de Chine. Mais en plus grand».
En 2011, c’était autour du premier ministre de l'Alberta Ed Stelmach d’affirmer que les sables bitumineux vont faire sortir la région et tout le Canada de la récession fiscale.
Un engouement qui s’est révélé fructueux : ce pétrole non conventionnel a permis au Canada d’obtenir son autonomie énergétique et de devenir le principal fournisseur des Etats-Unis. Mais à quel prix pour l’environnement ?
Les Premières Nations (Indiens) et les écologistes dénoncent les effets catastrophiques sur le milieu ambiant et la santé. En 2013, vingt et un prix Nobel ont jugé «l'impact (de ces pétroles) désastreux sur les changements climatiques».
16 photos de Todd Korol prises dans la région de l’Alberta en septembre 2014 illustrent ce propos.
est d’extraire des sables bitumineux des sols. Ces deniers sont composés à 5% d’eau, 7 à 12% de bitume et 80 à 85% de matières minérales. Après avoir dissocié et récupéré le bitume, des procédés chimiques permettent de le transformer en pétrole commercialisable. Plus le bitume brut est épais plus la quantité de pétrole obtenue est importante.
(Todd Korol )
à partir des sables bitumineux de l’Alberta ont eu lieu en 1967. La mine de la Great Canadian Oil Sands, aujourd’hui rebaptisée Suncor, fournissait 30.000 barils par jour. Mais il a fallu attendre la fin des années 90 et le coût élevé du pétrole classique (100 dollars le baril) pour que ce système d’extraction coûteux devienne réellement rentable. Cette région a pu produire alors plus d’un million de barils par jour. La région prévoit de doubler ce chiffre d'ici à 2022 et de le multiplier par cinq d’ici une vingtaine d’années.
(Todd Korol )
où se situent les principales réserves de sables bitumineux (20% du territoire soit 140.000 km2). Les gisements les plus importants sont ceux de l'Athabasca et de Fort McMurray. Au départ, 37 municipalités avaient reçu une autorisation pour exploiter cette ressource. Aujourd’hui elles sont 51, faisant du Canada, la seconde réserve mondiale de sables bitumineux avec le Vénézuela.
(Todd Korol )
les réserves de l'Athabasca vont pouvoir fournir du sable bitumeux pendant quatre siècles mais, vu les besoins exponentiels mondiaux, leur durée d’exploitation pourrait être réduite à un seul. L’avantage de cette région tient au fait que ces gisements sont les seuls au monde à pouvoir être exploités à ciel ouvert. Son potentiel pétrolier global est estimé à 2.500 milliards de barils.
(Todd Korol )
se trouve la ville en constant développement de Fort McMurray. Surnommée «FortMcMoney» dans le célèbre jeu-documentaire de David Dufresne, à cause des sables bitumineux. 1.7 million barils de pétrole y sortent chaque jour. Cinq millions sont prévus pour 2030. La ville serait assise sur 169 milliards de barils !
(Todd Korol )
100.000 personnes environ y habitent aujourd’hui. Si beaucoup sont arrivés de l’Est du Canada ou du Québec, de nombreux autres sont venus chercher fortune du Moyen-Orient, d’Asie ou d’Afrique du Nord. En 2013, quatre millions de personnes vivaient dans la région de l'Alberta.
(Todd Korol )
vivant dans les camps de travail que l’on surnomme «shadow population». Car cette explosion démographique a entraîné une hausse spectaculaire du prix des logements. Si le revenu est souvent le double de la moyenne nationale, beaucoup ne peuvent pas se loger dans une maison dont le prix peut grimper jusqu’à un million et demi de dollars.
(Todd Korol )
ajoutée à celle du pétrole conventionnel, place le Canada en troisième position des réserves mondiales d’or noir, derrière le Vénézuela et l'Arabie saoudite. Au total, depuis la fin des années 1960, le Canada a produit plus de 8 milliards de barils depuis la fin des années 1960. Cette industrie devrait contribuer pour 2.280 milliards de dollars canadiens au PIB pays de 2010 à 2035.
(Todd Korol )
sont Suncor et Syncrude toutes les autres grandes entreprises du secteur pétrolier y compris Total prennent part à l’exploitation des sables bitumineux. En 2013, le groupe français, principalement présent en Afrique et au Moyen-Orient, a annoncé vouloir débourser 3,5 milliards d'euros pour s’implanter dans les sables bitumineux du Canada.
(Todd Korol )
les investissements canadiens ont été colossaux et particulièrement à partir des années 2000. Entre 2001 et 2010, 116 milliards de dollars ont ainsi été engagés dans de nouvelles installations. Mais la demande croissante en énergie des pays émergents comme la Chine ou l’Inde cumulée à celle du Moyen-Orient, pourrait entre 2011 et 2035, gonfler le chiffre jusqu’à 1000 milliards de dollars. A la cinquantaine de chantiers existants, près de 180 nouveaux projets devraient être finalisés d’ici 2030.
(Todd Korol )
réside dans l’acheminement du brut car l’Alberta est une région enclavée. Accéder aux terminaux maritimes reste difficile et les oléoducs en place ne sont pas assez nombreux.
( Todd Korol )
devraient voir le jour pour acheminer le pétrole de l'Alberta vers les côtes. Ce qui permettrait aux industriels de s’ouvrir au marché asiatique et européen. Mais ces projets sont vivement critiqués par les Indiens qui refusent que les pipelines traversent leur territoire et par les défenseurs de l’environnement. Leurs réalisations sont sans cesse repoussées.
(Todd Korol )
est le prix exorbitant de cette méthode d’extraction et la pollution qu’elle entraîne. Un baril provenant des sables bitumineux est dix fois plus énergivore qu’un baril conventionnel. Le volume d’eau indispensable pour pouvoir récupérer la matière première est huit fois plus élevé. Cette eau alors souillée doit être ensuite stockée dans des réservoirs spécifiques de décantation afin d’être décontaminée. Un baril de pétrole équivaut à un baril et demi de résidus toxiques, notamment les hydrocarbures aromatiques polycycliques dont seize sont classés comme d'importants polluants par l'Agence américaine de protection de l'Environnement.
(Todd Korol )
l’air est pollué par le trafic routier incessant et les gaz à effet de serre trois fois plus présents que pour une production de pétrole classique. Une situation qui a obligé le pays à quitter le protocole de Kyoto. Une honte nationale pour beaucoup de Canadiens. Sans oublier les accidents comme celui de 2013, lorsque des fuites de pétrole équivalentes à 7.400 barils s’étaient répandues dans la forêt boréale.
(Todd Korol )
les comptes-rendus de l'Académie américaine des sciences aux Etats-Unis ont estimé que l'exploitation à ciel ouvert des sables bitumineux de l'Alberta est deux à trois fois plus polluante et risquée pour l'environnement et la santé humaine que ceux estimés initialement. D’autres études ont par ailleurs confirmé que les produits toxiques provenant des vastes bassins de résidus se répandent dans les eaux souterraines et s'écoulent dans la rivière Athabasca. 6,5 millions de litres d’eau sales pourraient suinter en une seule journée par bassin. Ce que n’a pas nié l’industrie pétrolière.
(Todd Korol )
sont les populations indiennes qui vivent dans la région où le taux de cancer est de 20 à 30% supérieur à la moyenne. «Fort McMurray ressemble à Hiroshima. Fort McMurray est une terre en friche. Les Indiens là-haut et les peuples autochtones sont en train de mourir. Il y a du carburant partout –de la fumée partout– vous pouvez le sentir quand vous arrivez dans la ville (...) Les gens sont malades. Les gens meurent du cancer à cause de cela. Tous les membres des Premières Nations là-haut sont menacés.» déclarait le célèbre chanteur Neil Young lors d’une conférence de presse en septembre 2013 avant une tournée de quatre concerts en soutien aux Athabasca Chipewyan de l'Etat d'Alberta.
(Todd Korol )
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