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A Radio Canada, l'actualité internationale passe de plus en plus par internet

Le web a bouleversé la manière de traiter l’actualité en général. Et l’actualité internationale en particulier. L’exemple de Radio Canada, qui regroupe à la fois radio et télévision publiques, où les journalistes intègrent de plus en plus le numérique dans leur manière de travailler.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
L'immense «salle des nouvelles» de Radio Canada à Montréal, qui regroupe tous les journalistes radio, télé et web. Avec à droite, l'un des deux plateaux des journaux télévisés.  (FTV - Laurent Ribadeau Dumas)
(De notre envoyé spécial à Montréal, Laurent Ribadeau Dumas)

«Lors des récents attentats de Boston, Radio Canada était très présente sur la couverture en direct. A côté de leurs interventions à la radio ou à la télévision, les reporters ont fait des tweets et des photos que nous avons intégrés dans nos pages web»
, raconte Luce Julien, première directrice Information continue multiplateformes (comprenez : à la fois radio, télévision et numérique). Et aux premières heures de l’opération française au Mali, l’envoyée spéciale de la chaîne a fait une couverture radio et télévision. Tout en «balançant» tweets et photos. «Pour autant, elle n’a pas rédigé de papiers. Je ne rêve pas en couleurs !», ajoute la directrice en riant.

Signe de l’importance montante d’internet, Radio Canada va prochainement créer un poste de correspondant multiplateforme au Moyen-Orient, plaque tournante de l’actualité internationale. Pour l’instant, elle utilise les services de ses bureaux aux Etats-Unis, en Russie, en Chine, en Israël et en France.

Exemple : en novembre 2012, lors des combats entre Israël et le Hamas à Gaza, l’équipe de Radio Canada envoyait chaque jour sur son cloud (lieu de stockage en réseau) des sons et des images, que le site reprenait ensuite pour raconter la journée. «Alors évidemment, tous les journalistes ne sont pas au même niveau. Mais nous allons pousser plus loin cette tendance», explique Florent Daudens, rédacteur d’origine française, spécialiste du web dans le groupe audiovisuel.

L'immeuble de Radio Canada à Montréal (8-5-2013) (FTV - Laurent Ribadeau Dumas)

Fini l’ostracisme !
Cette incursion du numérique dans le traitement de la politique internationale est récente. A Radio Canada, «le web a longtemps vécu dans une sorte d’ostracisme bureaucratique», constate Jean Pelletier, premier directeur Information télévision. La situation a commencé à changer en 2007-2008 quand toutes les rédactions ont été regroupées en un même lieu. Un regroupement impressionnant pour le visiteur venu d’Outre-Atlantique, qui n’a pas l’habitude de voir travailler dans une même et immense salle des centaines de journalistes de différents médias… Pour autant, le rapprochement géographique n’a pas tout changé d’un coup. Et chacun, télévision, radio et site internet, a gardé son identité propre.
 
Alors que l’entreprise publique voit son budget diminuer globalement de 10 %, elle continue à miser sur l’information et l’enquête. Avec la presse écrite, l’émission de télé Enquête a ainsi joué un rôle majeur dans la révélation des affaires de corruption qui secoue le Québec.

Dans ce contexte, internet est appelé à devenir un média à part entière de la chaîne publique. Le site d’information de Radio Canada compte déjà une quarantaine de journalistes web (pour un total de 550 personnes travaillant dans le secteur de l’information). Un site, second au Québec avec 2,4 millions de visites uniques par mois pour une population de 8 millions de personnes.

De la simplicité avant toute chose
«Pour développer le web au même niveau que la radio et la télévision, nous allons transformer la salle des nouvelles en créant une vraie rédaction multiplateforme avec une vraie pensée web», explique Luce Julien. Avec notamment le site de la BBC britannique comme référence. Au bout du compte, il s’agit d’aller vers un processus intégré du traitement de l’information. A commencer par l’organisation d’un « nouveau pupitre qui propulsera les plus récentes informations » sur tous les supports.
 
Luce Julien, première directrice Information continue multiplateformes à Radio Canada. (FTV - Laurent Ribadeau Dumas)

On s’en doute, un tel processus implique un «changement profond» des mentalités, observe Luce Julien. Car il s’agit de dépasser la simple intégration des reportages télé ou radio aux pages du site.

Pour faciliter la prise en main du numérique, Radio Canada a décidé de simplifier ses outils de mise en ligne. «Le virage de l’internet doit se faire avec les journalistes de la maison. Pour ce faire, nous avons déployé des iPhones sur le terrain et nous allons mettre en place une application maison spéciale» pour leur simplifier la tâche, précise la directrice.

Reporters spécialisés
D’une manière générale, l’entreprise publique mène une expérience pilote de reporters de terrain spécialisés web. «C’est un changement de culture. Aussi, l’opération se fait avec deux journalistes : l’un âgé de 30 ans, l’autre de 50 ans. L’âge n’entre pas en ligne de compte», précise Luce Julien. Fait important : ceux-ci n’ont pas forcément d’attirance pour la technologie. « Je ne voulais pas de geeks !», précise la responsable.

Détaché pour ce projet pilote, Florent Daudens accompagne les deux journalistes dans la démarche. L’un d’eux a ainsi travaillé sur la polémique qu’a déclenchée la volonté du ministre québécois de l’Education d’imposer un cours d’histoire obligatoire pour les adolescents. Il a ainsi réalisé des petites interviews de jeunes pour tester leurs connaissances historiques. Qui laissent quelque peu à désirer… «Cela donne un quizz amusant et très bien pensé, qu’on peut aussi décliner sur un mobile», précise l’«accompagnateur». «D’une manière générale, cela permet d’éclater les formats et de créer un langage propre au web», ajoute-t-il.
 
Florent Daudens, journaliste à Radio Canada à Montréal. (FTV - Laurent Ribadeau Dumas)

Une manière aussi de proposer aux citoyens une offre nouvelle alors que les habitudes de consommation de l’information sont en train de changer. «Les jeunes n’écoutent pas forcément la radio. Mais ils y reviennent grâce à l’application que nous avons développée», observe Florent Daudens. D’où l’importance, également, des réseaux sociaux. Ainsi, pendant le «printemps d’érable» de 2012, marqué par les manifestations d’étudiants contre la hausse des frais de scolarité, «les gens se partageaient nos articles sur Facebook ou Twitter alors que, spontanément, ils n’avaient pas le réflexe de taper Radio Canada sur internet». De l’art de rajeunir le public du service public de l’audiovisuel… 

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