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"La résistance, c'est montrer qu'il y a des limites" : au Brésil, l'opposition au nouveau président s'organise

A Sao Paulo, le comité de défense des droits de l’homme s’est réuni lundi afin de dénoncer les dérives redoutées de l’ère Bolsonaro qui s'ouvre au Brésil, après la présidentielle.

Article rédigé par Sandrine Etoa-Andegue, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
La déception des supporters de Fernando Haddad, candidat défait à la présidentielle du 28 octobre 2018, à Rio au Brésil. (DANIEL RAMALHO / AFP)

La résistance au président élu le 28 octobre s’organise au Brésil. "La prison ou l’exil" : Jair Bolsonaro a menacé les opposants pendant sa campagne. Ils ont choisi la rue. Une manifestation est prévue mardi 30 octobre, en soirée, à Sao Paulo, à l'appel de citoyens et militants. De son côté, le comité de défense des droits de l’homme s’est réuni pour réfléchir aux modes de "résistance" possibles. 

Au bout de la grande table, Alexandre, inspecteur de police à Sao Paulo, prend la parole. Il sait qu’en dénonçant les dérives de sa profession à visage découvert, il se met en danger. C’est sa manière de résister. "Bien sûr que j’ai peur, mais je dois dépasser ça. Quand un président déclare que la police est là pour tuer et non pour protéger, c’est une manière de légitimer une violence qui est déjà présente chez les policiers", témoigne-t-il.

On ne peut que s’attendre à une augmentation considérable des violences policières dans les prochains jours. Et toujours contre les mêmes : les jeunes hommes noirs des banlieues.

Alexandre, un policier opposé au président Bolsonaro

à franceinfo

À ses côtés, Rose Nogueira, 72 ans, acquiesce. Cette ancienne révolutionnaire, journaliste, s’est battue pendant la dictature. Depuis la victoire de Bolsonaro, elle reprend du service. "De nombreuses personnes ont perdu la vie, ont été torturées ou persécutées en prison, déclare-t-elle. Moi, j’ai été emprisonnée et violée neuf mois par les escadrons de la mort, avec un bébé d’un mois que j’allaitais. Comme mon lait les gênait, ils m’ont injecté un produit pour le stopper."

Un programme du candidat de gauche, Fernando Haddad, défait à la présidentielle du 28 octobre au Brésil. (SANDRINE ETOA-ANDEGUE / RADIO FRANCE)

Pour Carlos Edouard Pestano Mangalez, sociologue, mobiliser dans cette société brésilienne divisée est devenu difficile. "C’est un travail considérable. Les partis de gauche sont fracassés. Les syndicats aussi. Même les mouvements sociaux sont affaiblisconstate-t-il. C’est difficile de rassembler tout le monde pour s’organiser. C’est un peu comme si on était remonté 40 ans en arrière et qu’il fallait tout reprendre à zéro."

Il faut essayer petit à petit de se rassembler dans les conseils de quartiers, les banlieues, les assemblées générales d’usine. C’est comme ça qu’on est sortis de la dictature.

Carlos Edouard Pestano Mangalez, sociologue

à franceinfo

Mais dans la rue, dans les universités, il sera de plus en plus difficile de militer, redoute Bruno Konder Comparato, professeur de science politique à l’université de Sao Paulo. "La police ne va pas hésiter. Ce qu’il faut, c’est établir le front. On ne sait pas jusqu’où ils vont aller, prévient-il. La résistance pour moi, c’est montrer qu’il y a des limites." La lutte au Brésil ne fait que commencer.    

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