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L'urgence d'une réforme agraire au Paraguay

L'arrivée au pouvoir en 2008 de Fernando Lugo, l’ancien «évêque des pauvres», avait soulevé l'espoir des classes populaires du Paraguay. Mais sa coalition, paralysée par ses tensions internes, n’a pu s’attaquer de front aux graves difficultés du pays, à commencer par celle de la propriété de la terre.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Campement de paysans sans terre, installés près d'un champ de soja appartenant à un propriétaire brésilien à Nacunday, à l'est du Paraguay (15-11-2011) (AFP - Norberto Duarte )

Alors que 350.000 paysans (sur une population de 6,2 millions d’habitants) sont démunis de tout dans ce pays, 2% des habitants possèdent 80% des terres.

CARTE PARAGUAY (AFP)

Le problème est aggravé par le fait que les grands propriétaires sont installés dans la région la plus fertile de ce pays enclavé, à l’est, aux confins de l’Argentine et du Brésil, sur les rives du fleuve Parana. Souvent Brésiliens (d’où leur nom de «brasiguayens»), ils ont acheté leurs domaines il y a une quarantaine d’années dans des conditions très avantageuses accordées par l'ancien dictateur d'extrême droite Alfredo Stroessner. Entre 1954 et 1989, Stroessner (mort en 2006 à l'âge de 93 ans) a gouverné sans partage pendant qu’un tiers de ses compatriotes prenaient le chemin de l’exil. Il avait mis le pays en coupe réglée et accueillait de grands délinquants ou criminels nazis comme Josef Mengele, le médecin tortionnaire d’Auschwitz.

Aujourd'hui, la réforme agraire est d’autant plus complexe à mener que les titres de propriété existants désignent au total une surface plus importante que celle du territoire national ! Selon les organisations de paysans, près d’un tiers des 40 millions d’hectares du Paraguay sont occupés par des propriétaires fonciers qui n’ont aucun document prouvant que ces terrains leur appartiennent.

Le débat sur les cultures transgéniques au Paraguay


afpfr, 20-9-2010

La monoculture du soja
La concentration des terres a favorisé la monoculture, notamment le soja dont le Paraguay est le 4e exportateur mondial (derrière les USA, le Brésil et l’Argentine), au détriment des cultures traditionnelles comme le maïs. En 10 ans, les surfaces consacrées à cet oléagineux, transgénique à plus de 70%, sont passées de 1 million d’hectares en 1996 à 2,7 millions en 2010. Dans le même temps, le Paraguay est l’un des 10 plus gros exportateurs de viande au monde : il possède 13 millions de têtes de bovins. Soit deux têtes par habitant.

La culture intensive du soja a bouleversé la structure agricole du pays. Nombre de petits paysans ont ainsi vendu leurs terres à de grandes entreprises, pour la plupart brésiliennes, aux méthodes industrielles. Conséquence : aujourd’hui, «vergers, bois, petites prairies, bâtiments de ferme, et jusqu'aux maisons et chemins, tout est rasé et aspergé par des ULM qui inondent les terres de puissants herbicides avant que les semoirs ne viennent achever le travail».

L’activité attire de nombreux agriculteurs brésiliens, qui seraient au nombre d’un demi-million. Le gouvernement du président Fernando Lugo a tenté de lutter contre le phénomène : il a ainsi récemment fait voter une loi interdisant la vente à des étrangers des territoires situés à plus de 50 km des frontières.

Des paysans sans terre affrontant la police anti-émeutes à Asuncion, capitale du Paraguay (27-3-2012) (AFP - NORBERTO DUARTE )

Dans le même temps, le nombre de Paraguayens dépourvus de propriété a augmenté tandis que la majorité des paysans voyaient leurs revenus diminuer. Une situation à l’origine de nombreux conflits qui se traduisent notamment par des occupations de terres. Ces opérations dégénèrent parfois en violences: le 15 juin, 17 personnes (six membres des forces de l'ordre et 11 paysans) ont ainsi été tuées lors d'échanges de tirs Curuguaty, à 250 km au nord-est d'Asuncion, la capitale du Paraguay, selon le procureur de l'Etat.

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