Comprendre l'affaire Cesare Battisti en trois points
La justice brésilienne souhaite expulser l'écrivain italien qui a été condamné à perpétuité par la justice de son pays. Retour sur une affaire qui dure depuis plus de trente-cinq ans.
L'écrivain italien et ancien militant d'extrême gauche Cesare Battisti, condamné à la prison à perpétuité par la justice de son pays pour des meurtres commis dans les années 1970, a été libéré au Brésil, vendredi 13 mars. Il est désormais dans l'attente d'une décision sur son expulsion. Cesare Battisti avait été arrêté jeudi par la police fédérale à Embu das Artes, une ville de l'Etat de Sao Paulo. Mais il a été ramené à son domicile et a obtenu un habeas corpus (procédure qui énonce la liberté fondamentale de ne pas être emprisonné sans jugement), selon son avocat.
"Il est libre comme n'importe quel citoyen, et nous allons présenter un recours devant le tribunal régional fédéral" de Brasilia, précise l'avocat. Pourquoi le Brésil veut-il désormais extrader l'écrivain ? Que lui reproche la justice italienne ? Que peut-il se passer pour Battisti ? Eléments de réponse.
Ce que dit la justice brésilienne
La semaine dernière, une juge fédérale a annulé le visa de Cesare Battisti et a ordonné qu'il quitte le pays. On ignore si cette expulsion est imminente, le système judiciaire brésilien permettant plusieurs procédures d'appel.
La juge fédérale a ordonné, le 3 mars, l'expulsion de l'ancien militant, une sentence qui remet en question une décision de la Cour suprême. Il s'agit "d'un étranger en situation irrégulière au Brésil et qui, en tant que criminel condamné dans son pays pour meurtre, n'a pas le droit de rester" au Brésil, a statué la juge. La défense de Battisti a annoncé son intention de faire appel de cette décision.
La juge soulignait que l'écrivain devait être expulsé au Mexique ou en France, pays où il s'est rendu après voir fui l'Italie avant de finalement se réfugier au Brésil. Selon elle, cette décision n'est pas contradictoire avec celle de la Cour suprême ni celle de l'ancien président Lula de ne pas expulser Battisti, étant donné "qu'il n'est pas nécessaire de livrer l'étranger à son pays de nationalité".
Ce que reproche la justice italienne à Battisti
Cesare Battisti est réclamé par l'Italie après avoir été condamné en 1993 par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre meurtres et complicité de meurtres à la fin des années 1970. Durant cette période en Italie, les années de "plomb" du terrorisme, des attentats sont commis par l'extrême droite et l'extrême gauche.
Cesare Battisti a toujours clamé son innocence dans l'affaire des homicides commis par les Prolétaires armés pour le communisme (PAC), en 1978 et 1979 : la justice italienne lui impute directement le meurtre d'un surveillant de prison et d'un policier. Dans deux autres cas, il est jugé complice de meutres. Il affirme "assumer cette période historique", tout en se disant innocent. "Je suis condamné pour des crimes qui ont été commis par l'organisation dont je faisais partie, cela ne veut pas dire que je les ai commis", explique-t-il en 2002.
Ce qu'il a fait pendant sa longue cavale
L'ancien militant des PAC, arrêté en 1979, s'est évadé de sa prison italienne en octobre 1981, où il purgeait une peine de douze ans pour "participation à une bande armée" et "recel d'armes". En cavale, il vit au Mexique et en France, où il écrit des romans policiers. Il trouve refuge en France de 1990 à 2004, bénéficiant de la protection du président socialiste François Mitterrand, qui s'était engagé à n'extrader aucun militant d'extrême gauche renonçant à la lutte armée.
En 2004, sous la présidence de Jacques Chirac, les autorités françaises décident de l'extrader, mettant ainsi fin à la "doctrine Mitterrand". Profitant d'une libération conditionnelle, Cesare Battisti avait disparu. Des personnalités de gauche - dont la romancière Fred Vargas, qui a écrit un livre intitulé La vérité sur Cesare Battisti, le philosophe Bernard-Henri Lévy ou l'abbé Pierre - protestent contre une éventuelle extradition. Le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, et son conseil municipal, votent une motion de soutien.
Devant le risque très sérieux d'être extradé, il se soustrait en août 2004 à son contrôle judiciaire. Il s'enfuit au Brésil sous une fausse identité avec, selon lui, l'aide des services secrets français.
Après trois années de clandestinité, il est arrêté à Rio en 2007 et écroué dans l'attente d'une décision définitive sur son sort. La justice italienne réclame son extradition. Lui observe une grève de la faim, affirmant préférer "mourir au Brésil plutôt que de retourner en Italie" où, selon lui, sa vie est menacée. En 2009, la Cour suprême brésilienne autorise son extradition, mais laisse la décision finale au président Lula. En 2010, il refuse de le faire extrader. Furieuse, l'Italie rappelle son ambassadeur à Brasilia.
Le 22 juin 2011, le Conseil national de l'immigration accorde à Battisti un permis de résidence permanente dans le pays. Désormais, la juge fédérale en charge du dossier estime que ce statut est "incompatible avec la loi brésilienne dans le cas précis d’un criminel étranger", indique Le Monde (article abonnés). Depuis, Battisti vivait discrètement à Cananeia, un port du sud-est du Brésil, continuant d'écrire.
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