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Au Danemark, un retour en douceur pour les djihadistes

Confronté au retour de jeunes gens partis faire le djihad en Syrie, le Danemark a choisi de les accompagner dans leur réinsertion.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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  (Kader Mïkal, professeur au lycée Langkaer, sert de mentor aux jeunes djihadistes revenus au Danemark. © Radio France / Gaële Joly)

Comment traiter les djihadistes à leur retour au pays ? Alors qu'en France et en Grande-Bretagne, ils sont poursuivis par la justice, au Danemark, on préfère la méthode douce. Depuis 2011, plus d'une centaine de Danois ont pris le chemin de la Syrie. Pour faire face au retour de leurs ressortissants, les services sociaux et la police d'Aarhus, la deuxième ville du pays, ont mis en place en janvier un programme de dé-radicalisation. Sur les seize Danois rentrés au pays après avoir tenté le djihad, dix suivent le programme d’Aarhus.

C’est le cas de deux élèves de 17 ans, du lycée Langkaer, situé à Tilst, dans la banlieue d'Aarhus. Ils sont partis en Syrie, du jour au lendemain. Six mois plus tard, les deux adolescents rentraient, "horrifiés ", disent-ils, par ce qu'ils ont vu là-bas. A leur retour, ils pensaient passer par la case prison, mais finalement, très vite, ils sont retournés au lycée, après un simple entretien avec les services secrets.

Kader Mïkal les a accueillis à leur retour. Originaire de Djibouti, professeur de français et d'arabe au lycée Langkaer, il est aussi l'un mentor du programme de dé-radicalisation d'Aarhus.

Comme un genre de grand frère, Kader Mïkal accompagne les jeunes djihadistes au quotidien : "Quand ils sont rentrés on avait des psychologues, la famille était là. La police, les gens ne voulaient que du bien pour eux et ça, même pour eux, c'était étonnant, et ça change les idées qu'ils peuvent se faire de la société danoise" .

Au Danemark un programme de déradicalisation : le reportage de Gaële Joly

"Aujourd'hui, je suis retourné à l'école, j'ai une vie normale"

Ibrahim, lycéen d'origine somalienne mais qui a grandi au Danemark, a suivi une trajectoire similaire.

Il a passé six mois en Syrie, pour "libérer la population du régime de Bachar-Al-Assad." "C'était un combat pour l'humanité" , explique-t-il. Sur place, il a participé à de nombreux combats aux côté d'une brigade islamiste, mais pas de l'Etat Islamique.

S'il est revenu, dit-il, "c'est parce que sa mère l'a supplié de rentrer à la maison" . Quand il est rentré, son père a appelé la police. Le jeune homme raconte que les services secrets ne l'ont pas menacé : "ils sont venus frapper à ma porte au bout d'une semaine, et ils m'ont demandé si j'avais besoin d'aide."  

Dialogue et méthode douce pour réinsérer les jeunes

Plutôt que de parler de méthode douce, les autorités d'Aarhus préfèrent parler d'approche par le dialogue. Un dialogue entre la police et les services sociaux, avec les familles, l'école.

C'est tout un maillage qui se forme autour du jeune djihadiste, pour réussir à le réintégrer, explique Allan Aarslev, le responsable du programme de dé-radicalisation, installé au dernier étage du QG de la police d'Aaurhus : "On ne donne pas des cadeaux aux gens qui reviennent de Syrie, on aide ceux qui ont en ont besoin. Il ne s'agit pas de dire en rentrant de Syrie, je veux un appartement, je veux retourner en cours. On estime le risque, on voit ce qu'on peut faire pour eux." La réinsertion des jeunes limite les risques selon lui.

Quant à ceux qui ne veulent pas se réinsérer, la police d'Aarhrus les garde sous étroite surveillance, et se réserve le droit de les incarcérer, si elle estime qu’ils représentent un danger pour la société.   

"On ne fait pas de lavage de cerveaux"

Le coût du programme est estimé à 400.000 euros. L'autre volet du dispositif passe par le dialogue avec la communauté musulmane de la ville.

L'an dernier, sur les trente jeunes qui ont quitté Aarhus pour la Syrie, vingt-deux avaient fréquenté la mosquée de Grimhojvej, réputée pour être la plus radicale de la ville. Les responsables de la mosquée ont été accusés d'encourager les jeunes à partir faire le djihad.

Depuis janvier, ils ont finalement accepté de collaborer avec la police et la mairie. Fadi Abdallah est le porte-parole de la mosquée de Grimhojvej :"Pour nous coopérer avec la police c'est une manière de montrer qu'on ne fait pas de lavage de cerveaux avec ces jeunes, parce qu'on nous a accusés de ça. Nous on coopère avec la police parce qu'on veut empêcher les jeunes de partir".

Les résultats sont plutôt encourageants. Alors qu'en 2013, trente jeunes ont quitté Aarhus pour la Syrie. En 2014, un seul est parti faire le djihad.

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