Total montré du doigt pour sa présence en Birmanie
Dans un communiqué de l'Elysée, le président de la République, Nicolas Sarkozy réclame de “nouvelles sanctions” contre la Birmanie, à la suite de la condamnation de la principale opposante du pays, Aung San Suu Kyi, à 18 mois de réclusion supplémentaire, l'empêchant de se présenter aux prochaines élections prévues l'an prochain.
Réclamant des mesures de rétorsion touchant au commerce du bois et des rubis, le président de la République évite d'évoquer le cas Total, plutôt gênant pour la France. Le pétrolier de La Défense, près de Paris, exploite en effet le champ gazier de Yadana, dans la mer d'Andanam, qui contient environ 150 milliards de mètres cube de gaz, exploitable pendant 30 ans (cliquer ici pour accéder à la description du projet par Total). Pour ce projet , la compagnie pétrolière a déjà investi près d'un milliard et demi d'euros dans les années 90, soit un tiers des investissements étrangers de l'époque en Birmanie.
POTS-DE-VIN
Et la richesse gazière de la Birmanie ne s'arrête pas là. Pourvue de 19 champs, avec des réserves estimées à 2540 milliards de m3, elle se trouve dans le peloton de tête des pays producteurs. Des chiffres qui expliquent l'acharnement de Total à demeurer dans ce pays, malgré les critiques dont la compagnie fait régulièrement l'objet.
La condamnation d'Aung San Suu Kyi et la vague d'indignation et demandes de sanctions qu'elle suscite fait monter la pression d'un cran. Partout à travers le monde, et en particulier en France, des voix s'élèvent pour demander la mise sous séquestre des sommes versées par Total à la Birmanie pour avoir le droit de faire des affaires avec son gaz naturel. Selon certains opposants, le montant des pots-de-vin versés par Total rien que pour s'assurer du contrat d'exploitation a atteint 50 millions de dollars. Et la manne ne s'est pas arrêtée depuis.
Pour expliquer leurs demandes de sanctions “ciblées”, les pays occidentaux avancent qu'il s'agit d'“épargner le plus possible la population”, comme l'écrit le communiqué de l'Elysée. La mise sous séquestre des subsides de Total risquerait d'avoir des conséquences sur la production de gaz, ce qui toucherait aussi la Thaïlande voisine, vers laquelle serpente le gazoduc de Yadana. Présidente en exercice de l'L'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean), la Thaïlande a exprimé sa “profonde déception” après le jugement d'Aung San Suu Kyi, sans aller jusqu'à demander des sanctions.
Principal opérateur - et donc principal bénéficiaire - du gisement de Yadana, Total n'est pas non plus le seul. Il opère en partenariat avec une compagnie thaïlandaise (PTTEP), et surtout, avec une compagnie américaine, Chevron, la seconde du pays derrière Exxon. A ce titre, le président américain Barack Obama, dont le pays a tenté - sans succès - (lire notre précédent article), de faire passer des sanctions au conseil de sécurité de l'ONU, a fait preuve de la même amnésie sélective que Nicolas Sarkozy concernant l'exploitation gazière.
Grégoire Lecalot
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.