Téléphones mobiles : technologie «made in Sud»
Plusieurs pays émergents ou en voie de développement suivent la piste chinoise en matière de production de téléphones portables et de tablettes, un domaine où l’innovation technologique est du ressort, souvent exclusif, des pays asiatiques et occidentaux. Les mobiles et tablettes 100% brésiliens, congolais, tunisiens ou indiens existent. Même si, pour l’heure, le succès reste confidentiel comparé à ceux du géant sud-coréen Samsung, leader du marché, de l’Américain Apple ou du Chinois Xiaomi.
En Côte d'Ivoire, la tablette éducative «made in Cocody» (une commune de la capitale, Abidjan), a été baptisée Qelasy. En 2014, elle a été présentée au Congrès mondial de la téléphonie mobile de Barcelone qui se tient jusqu'au 5 mars 2015 en Espagne. «C’est une tablette conçue par des Ivoiriens, entièrement conçue et designée à Cocody (…) et assemblée dans des usines ailleurs», explique l’ingénieur ivoirien Thierry N’Douffou, son inventeur. Le «cartable électronique» Quelasy, destiné à des élèves et à des étudiants, est disponible à patir de 275 euros (180.000 F CFA) sur le marché ivoirien depuis 2014. Une autre tablette, sud-africaine cette fois-ci, s’est également choisie une cible précise : le monde rural. Millbug Vuya, fabriquée par une une entreprise cofondée en 2012 par Sabelo Sibanda and Thulisile Volwana, fonctionne à l’énergie solaire. La tablette, lancée en 2014, est vendue à environ 114 euros (1499 rands sud-africains).
Un équipement sur-mesure
Au Congo, c’est la marque VMK qui fait la fierté de tout un pays. L’entreprise, créée par l’informaticien Verone Mankou, produit depuis 2012 la tablette Elikia – proposée à 130 euros –, un smartphone et depuis peu un téléphone portable basique. VMK, qui dispose de filiales en Inde et en Chine, fait appel à des ateliers de design et à des usines hors du Congo. Après avoir inauguré une première boutique à Brazzaville, c’est à Abidjan que la gamme est distribuée depuis février 2015. Pour les jeunes créateurs (ils ont tous la trentaine) de Quelasy, Millbug Vuya ou VMK, il faut à la fois satisfaire une offre nationale et aller à la conquête du monde, en premier lieu des voisins africains.
Une ambition qui a certainement habité le Nigérian Saheed Adepoju mais qui tournera très vite court. En 2014, le patron du groupe Encipher fait part de sa décision de retirer de la vente la première tablette nigériane Inya, vendue principalement sur le marché local dès 2012. L’aventure Inya («Un» en Igala, langue nigériane) avait commencé en 2010, à la suite du lancement du premier iPad.
En Afrique du Nord, l’Evertek X9 est mis sur le marché en 2009. L’appareil est considéré comme le premier mobile de fabrication tunisienne. Le téléphone, qui peut accueillir deux puces simultanément, est produit par l’entreprise Cellcom (filiale du groupe israélien de télécommunications). En 2014, la succes story se poursuit avec l’Everslim, smartphone haut de gamme dont le prix a été fixé à 879 dinars (environ 402 euros).
Plus loin, au Brésil, le premier mobile conçu grâce à l'expertise locale est présenté en mai 2007. Le MG 230 de LG est né de la collaboration entre la société coréenne, premier fabricant de mobiles au Brésil, et le Laboratoire des systèmes intégrés (LSI) de l'Ecole polytechnique de l’université de Sao Paulo. L’appareil sera d’abord produit en masse au Salvador avant d’être disposnible dans son pays d'origine quelques mois plus tard. Près de dix ans après, le pays s'est, semble-t-il, lancé un nouveau défi. Le premier téléphone mobile crypté, fabriqué par l'entreprise brésilienne spécialisée dans la sécurité Sikur, devrait être ainsi mis en vente 2016.
Tablettes et mobiles pour tous
En Côte d’Ivoire, en Tunisie ou au Brésil, la plus-value «locale» est liée à un input matériel ou intellectuel, même si la production est délocalisée, souvent vers la Chine qui dispose d'une main d'œuvre qualfiée et abordable. Pour le gouvernement indien, la démarche sera tout autre bien qu'il ait fait appel à sa diaspora. Il s’est adressé à un fabricant, l’entreprise britannique Datawind créée par les frères Tuli (Suneet et Raja sont originaires d’Inde mais ils ont grandi au Canada), à qui il a soumis un cahier de charges. A savoir produire un portable qui soit le plus abordable possible pour les étudiants. Mise en vente en 2011, la première version de la tablette Akash sera vendue à 35 dollars (31 euros).
C’est la même philosophie qui a prévalu à Haïti où est née l’entreprise Surtab et la tablette éponyme. La diaspora joue également un rôle dans le dispositif. La société, créée par le Belge Maarten Boute et le Haïtien Richard Coles, produit sur place. Le modèle de base de Surtab, est vendu à son lancement en 2013, à environ 71 euros (85 dollars). Tout comme Akash que l’on retrouve au Mexique ou au Nicaragua, Surtab suscite l'intérêt dans les Caraïbes.
A contrario des Indiens ou des Brésiliens, la production d'appareils électroniques «100% locale» sur le continent africain semble relever plus du patriotisme que d'un véritable intérêt économique. Les prix pratiqués en Afrique avoisinnent ceux des marques déjà commercialisées. «Le prix moyen de vente pour tous les smartphones (en 2014) était estimé à 314 dollars américains, un chiffre en baisse de 6,3% par rapport à l'année précédente (il était de 335 dollars américains). En 2018, le prix moyen sera de 267 dollars», explique-t-on dans Computer World qui citait une étude de l'International Data Corporation, une structure spécialisée dans l'analyse des évolutions du secteur des télécommunications. Les frontières du prix le plus bas pour accéder à la bourse des populations des pays émergents ou en voie d'être développés ne cessent d'être repoussés... par les acteurs du Net. «Le géant américain de l'internet Google commercialise en Inde un téléphone portable à 105 dollars, Microsoft propose un moddèle à 29 dollars et la fondation Mozilla (moteur de recherche Firefox) un à 25 dollars», rapporte l'AFP.
Miser sur les applications
Tout est bon pour profiter d'un marché qui a crû de 23% en 2014, soit 1,2 milliard de smartphones vendus: ils représentent désormais le principal enjeu du marché de la téléphonie mobile. Ainsi, la vente des téléphones intelligents dépasse celles des mobiles traditionnels. 64% ont été achetés en Amérique latine, dans les pays asiatiques émergents, au Moyen-Orient, en Afrique (surtout en ville) et en Chine, selon une étude du cabinet allemand GFK, reprise par l'AFP.
Les marchés de la téléphonie mobile et des tablettes (dont les ventes ralentissent) sont si concentrés qu'il est difficile pour les acteurs africains de s'aligner sur la surenchère technologique dont font preuve les principaux opérateurs et la multitude de leurs concurrents. L'enjeu est ailleurs et il concerne les contenus, selon les spécialistes. Dans les tablettes ou smartphones, ce sont les applications et notamment leur accessibilité qui feront la différence dans les prochaines années.
Selon l’étude The Next Frontier Mobile co-réalisée en 2014 par sa structure, «76% des acheteurs de smartphones en Chine, en Inde, au Vietnam, au Nigeria et au Brésil sont sensibles au fait que le contenu de l’appareil leur soit familier», explique Marco Veremis, le patron de l’entreprise Upstream (spécialiste de la monétisation appliquée au mobilles), dans un article. Le succès du Chinois Xiaomi, qui propose des logiciels et des services ciblés, est notamment cité en exemple dans le texte.
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