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Maha Vajiralongkorn, le nouveau roi de Thaïlande impose son style
Après la mort en octobre 2016 du Roi Bhumibol Adulyadej, son fils a accédé au trône. Les cérémonies du couronnement ne se tiendront qu’à la fin 2018, après la crémation du Roi Bhumibol. Mais déjà, les premiers mois du prince héritier laissent entrevoir le style du nouveau roi de Thaïlande. Face aux militaires, il entend gouverner souverainement.
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«Sa Majesté ne nous a pas abandonnés. Elle est partout sur terre, dans l’eau, et dans l’air», déclarait le Premier ministre Prayut Chan-o-Cha au lendemain de la mort du Roi Bhumibol Adulyadej, après 70 ans de règne, le 14 octobre 2016.
Le chef de la junte militaire au pouvoir entendait ainsi rassurer le pays. Selon lui, le Roi ne mourrait jamais dans le cœur des Thaïlandais et la transition serait pacifique. Sur ces deux points, les circonstances actuelles lui donnent raison.
Les esprits chagrins, qui imaginaient le pays sombrer dans le chaos après la mort du roi Rama IX, se font depuis quelques semaines plus discrets. Certes, le défunt roi était pour de nombreux Thailandais une sorte de «demi-Dieu», le père de la nation, figure tutélaire du royaume. On le vénérait pour son aide aux populations marginalisées et sa contribution au développement du pays.
Alors, pendant les mois qui ont précédé la mort du monarque adulé par ses sujets, les rumeurs parlaient d’implosion, de divisions, voire de guerre civile. Mais aujourd’hui, chaque jour qui passe démontre que le prince héritier, Maha Vajiralongkorn, a endossé avec aisance son costume de nouveau roi de Thaïlande.
Nouveau roi, nouveau style
Général dans l’armée de l’air et pilote émérite, Maha Vajiralongkorn passait une partie de son temps en Allemagne. Ces dernières années, on le voyait plus souvent dans son pays d’origine pour remplacer son père, malade, lors d’innombrables cérémonies officielles.
Certes, le nouveau roi va devoir gagner les cœurs de ses concitoyens. Mais depuis son accession au trône, exactement 50 jours après la mort du roi Bhumibol, le prince héritier Vajiralongkorn, 64 ans, commence à affirmer sa façon d’exercer le pouvoir.
Il a pris le nom de Rama X et s’est montré très vite «politiquement pro-actif », comme l’affirme Paul Chambers, conseiller en relations Internationales à l’université Naresuan de Chiang Mai, située dans le nord du pays. Selon lui, le souverain «s’est attribué de nouvelles prérogatives monarchiques», après avoir réclamé, et obtenu, des changements (certes mineurs) dans le projet de texte de la nouvelle Constitution. Ce geste politique est loin d’être anodin.
La requête est en effet inhabituelle de la part du palais. Ce dernier intervient rarement sur la scène publique. D’autant que la monarchie est protégée par une loi de lèse-majesté particulièrement stricte envers ceux qui diffament la famille royale ou la royauté. Un simple post sur Facebook peut valoir plusieurs années de prison à son auteur.
Mais cette demande est pour Paul Chambers, le signe fort que le nouveau roi «veut montrer qu’il règne souverainement, y compris sur les militaires».
Le roi et l'armée
De fait, en Thaïlande, la stabilité du pays repose sur le roi et sur l’armée. Récemment, le Premier ministre, le Général Prayut Chan-o-Cha affirmait d’ailleurs ne vouloir, ni ne pouvoir, dissocier l’un de l’autre. «Notre pays est à la croisée des chemins. L’un mène à l’échec, l’autre va nous permettre d’écrire une nouvelle page de notre histoire. N’oublions pas que la Thaïlande est une monarchie depuis 700 ou 800 ans. Nous avons réussi à survivre et prospérer grâce à la monarchie. Même si le monde change, nous ne devons pas oublier nos racines.»
Selon Paul Chambers, auteur de nombreux livres sur la région et qui vit depuis 20 ans dans le royaume, le roi veut absolument réconcilier le pays, très divisé par les crises politiques violentes. «Sa majesté Rama X a prouvé qu’il était parfaitement capable de gérer et de travailler avec la junte et les militaires, et il fera en sorte que la promesse d’élections soit tenue», affirme le spécialiste. C’est bien évidemment sur ce point que se situe le grand défi pour l’avenir de la Thaïlande. Les militaires ont d’ores et déjà lancé quelques signes.
Quelques semaines après l’accession au trône du nouveau roi, la junte avait annoncé vouloir mettre en place un comité national de réconciliation, avant les élections démocratiques, normalement prévues en 2018. Mais la tâche sera rude. Les membres de ce comité devront entendre les différentes factions en présence. Il faudra alors tenter de forcer un accord pour assurer une transition pacifique vers un retour du pouvoir démocratique aux civils. La route reste longue…
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