Cet article date de plus de douze ans.

L’héritage politique de la crise de 2010 en Thaïlande

Depuis plusieurs années, la Thaïlande vit au rythme de tensions entre deux camps politiques. Si la situation est aujourd’hui sous contrôle, une étincelle peut rapidement mettre le feu aux poudres et ramener la violence dans la rue.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Bangkok, le 19 mai 2012: 45.000 «chemises rouges» marquent le second anniversaire des violences meurtrières de 2010 qui avaient endeuillé la Thaïlande. (BANGKOK POST PHOTO/PORNPROM SARTTARBHAYA  )

Entre mars et mai 2010, les rues de Bangkok voient défiler des centaines de milliers de personnes réclamant la démission des représentants du Parti démocrate alors au pouvoir (aujourd'hui opposition parlementaire). Les manifestants sont favorables à Thaksin Shinawatra, l'ex-Premier ministre exilé à Dubaï depuis 2008.

Renversé par un coup d'Etat militaire en 2006, il s’était enfui avant une condamnation à deux ans de prison pour abus de pouvoir. Ces pro-Thaksin, appelés «chemises rouges» - groupe de pression politique formé en 2006 contre la junte - sont violemment réprimés par l'armée. Le bilan de l’épreuve de force fait plus de 90 morts et 1.900 blessés, civils pour la plupart.

L’année d’après, en juillet 2011, le camp Thaksin gagne les élections, permettant à Yingluck Shinawatra, la sœur de l’ancien ministre, de devenir chef du gouvernement sous l’étiquette du Puea Thaï (2e avatar du parti originel de Thaksin, le Thai Rak Thaï, fondé en 1998).

Une «chemise jaune», lors d'un blocage de l'aéroport international de Bangkok, le 2 décembre 2008. Elle brandit des pancartes favorables à la famille royale thaïlandaise. (AFP PHOTO/SAEED KHAN  )

Un pays du sourire qui cache des disparités
La Thaïlande montre des divisions profondes entre populations défavorisées urbaines et rurales, ralliées en grande partie aux «chemises rouges», et élites de la capitale réunies dans l’opposition derrière le roi Bhumibol Adulyadej, l'armée, la justice et les hauts-fonctionnaires.

Une opposition regroupant le Parti démocrate soutenu par la très conservatrice Alliance du peuple pour la démocratie, mère des «chemises jaunes» (couleur de la monarchie) un mouvement anti-Thaksin fondé en 2006 par Sondhi Limthongkul, un magnat de la presse. On leur doit le blocage des deux aéroports de Bangkok en 2008.

Le pire de nouveau évité
En rejetant plusieurs recours de l’opposition contre un projet du gouvernement de réviser la Constitution de 2007, promulguée par la junte alors au pouvoir, la Cour constitutionnelle a calmé le jeu le 13 juillet 2012. Les magistrats ont jugé que les amendements proposés ne menaçaient pas la monarchie, contrairement à l'argument avancé par les «chemises jaunes».

Le projet de révision prévoyait notamment de mettre en place une «loi de réconciliation», permettant d’effacer certains aspects jugés non démocratiques de la Constitution. Pour ce faire, le gouvernement Yingluck avait annoncé en janvier 2012 quelque 49 millions d'euros pour les victimes des crises politiques depuis 2005, au titre de l'effort de réconciliation. Pour l'opposition, la chef du gouvernement se sert de ce projet d'amnistie pour faire revenir Thaksin sans qu'il purge sa peine de prison.

 

Entretien avec Yingluck Shinawatra, Premier ministre thaïlandais

France 24, le 19 juillet 2012

La rue, comme baromètre des tensions
Si la cour constitutionnelle a évité le retour des violences, elle n’a pas fait taire la rue. Le 9 août 2012, des centaines de «chemises rouges» se sont rassemblées dans la capitale, devant le tribunal pour soutenir 24 de leurs leaders. Ces derniers sont accusés de terrorisme pour leur rôle dans la crise du printemps 2010, un procès finalement reporté au 29 novembre.

Un printemps sanglant qui laisse encore des traces. Aucune inculpation ni jugement n’ont eu lieu, même si l'ex-Premier ministre thaïlandais Abhisit Vejjajiva a témoigné pour la première fois sur la répression, le 30 août 2012.

Les autorités avaient dans un premier temps assuré que l'armée n'était pas responsable des morts, mais le gouvernement de Yingluck Shinawatra a indiqué en novembre 2011 avoir des preuves claires que des soldats étaient au moins responsables de la mort de Hiro Muramoto, un journaliste japonais fauché par une balle alors qu’il couvrait l’événement.

L’équilibre politique reste donc fragile en Thaïlande. Et le pays pourrait s'enflammer rapidement si le gouvernement tentait de faire rentrer en Thaïlande Thaksin qui, de son exil à Dubaï, a récemment récupéré son… passeport.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.