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Les Maldives s'enfoncent dans une crise politique

L'ancien président, qui a annoncé hier sa démission, a été légèrement blessé dans des heurts entre la police et ses partisans, à Malé, la capitale. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La police est intervenue pendant une manifestation organisée par les partisans de l'ancien président Mohamed Nasheed, le 8 février 2012 à Malé (Maldives).  (ISHARA S. KODIKARA / AFP)

La crise politique s'intensifie aux Maldives. Des heurts entre la police et des manifestants, partisans du président déchu Mohamed Nasheed, ont éclaté mercredi 8 février sur deux îles de cet archipel musulman de l'océan Indien. La veille, le président avait quitté le pouvoir dans la foulée d'une mutinerie de policiers et sous la pression de la rue.

Le pays est plongé dans une crise politique depuis l'arrestation à la mi-janvier du président de la Cour criminelle, Abdullah Mohamed, accusé de corruption. Depuis plusieurs semaines, des manifestations ont lieu dans les rues de Malé, la capitale de cet archipel d'ordinaire plus connu pour ses attributs de carte postale. 

Mardi 7 février :

• Acte 1 : le président démissionne 

Quelques heures plus tôt, il démentait encore fermement les rumeurs sur son départ. Mais après trois semaines de manifestations de l'opposition et une mutinerie de policiers, Mohamed Nasheed a finalement annoncé sa démission mardi et remis le pouvoir au vice-président, Mohamed Waheed Hassan Manik. 

Mutinerie aux Maldives et démission du président ( Reuters)

Ancien militant des droits de l'homme, Mohamed Nasheed était devenu en 2008 le premier président élu à l'issue d'un scrutin pluraliste dans l'histoire de l'archipel, mettant fin à trente ans de mandat de Maumoon Abdul Gayoom. Il avait aussi milité contre le réchauffement climatique, alertant de la menace de la montée des eaux. Mais des problèmes économiques, en particulier un fort taux d'inflation, ont affecté sa popularité. 

Depuis, Maumoon Abdul Gayoom, à la tête de l'opposition, accuse le président Nasheed de dérive autoritaire. 

A la télévision, Mohamed Nasheed a justifié sa démission par le fait que son maintien à la tête de l'Etat l'aurait forcé à recourir à la force contre la population, ce qu'il ne voulait se résoudre à faire. 

• Acte 2 : l'opposition réclame son arrestation 

Dans la foulée, un chef de l'opposition, Hassan Saeed, a demandé l'arrestation de l'ex-président : "Nous avons demandé à l'armée de maintenir [Nasheed] en détention provisoire pour qu'il réponde de corruption et de mauvais usage du pouvoir", a-t-il déclaré.

"Son mandat a été entaché de népotisme et de corruption et il a souvent violé la Constitution", a-t-il poursuivi, arguant que "la démission de Nasheed nous donne une chance de restaurer la séparation constitutionnelle de la justice et du pouvoir et l'indépendance de la justice."

Mercredi 8 février :

• Acte 3 : Mohamed Nasheed dénonce un coup d'Etat

Mercredi, devant ses partisans, l'ancien président donne une nouvelle raison pour justifier sa démission. Il aurait en fait été évincé du pouvoir, "forcé de démissionner". Il dénonce un coup d'Etat fomenté par des rebelles au sein de la police et de l'armée. "Ils m'ont dit que si je ne démissionnais pas, ils devraient faire usage de leurs armes", raconte-t-il, accusant son successeur d'en avoir profité pour prendre la tête du pays.  "Je crois [que Mohamed Waheed Hassan Manik] a toujours entretenu l'idée de devenir président. Il n'en a jamais été capable. Quand l'occasion s'est présentée, il l'a saisie."

Devant des cadres de son parti, le Maldivian Democratic Party (MDP), il a donc appelé son successeur à démissionner à son tour. Par ailleurs, il a demandé à la justice d'ouvrir une enquête sur "le coup d'Etat [de mardi]".

• Acte 4 : les violences s'étendent

Pour la première fois, les violences se sont étendues en dehors de la capitale : des manifestants pro-Nasheed ont attaqué des postes de police et mis le feu à des bâtiments gouvernementaux sur au moins deux îles du sud de l'archipel.

A Malé, des heurts entre la police et plusieurs milliers de partisans de Nasheed se sont produits sur une place du centre. Pour disperser la foule armée de pierres, les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes.

Maldives : les partisans du président déchu Nasheed manifestent ( Reuters)

Mohamed Nasheed a été légèrement blessé ainsi que d'autres adhérents du MDP, selon un membre du parti.

• Acte 5 : les tour-opérateurs se veulent rassurants

Cette instabilité politique nuit à l'image du pays, qui a attiré l'an dernier plus de 850 000 visiteurs, touristes fortunés et couples venant y fêter leur lune de miel. Or le tourisme couvre un tiers du produit intérieur brut du pays, composé de 1 192 îles abritant de luxueux hôtels. 

"L'isolement géographique des établissements hôteliers et les îles permettent aux touristes d'être tenus à l'écart de l'activité quotidienne de la population locale, a souligné l'Association des agents de voyages et tour-opérateurs des Maldives. Nous voulons garantir que les vacances des touristes (...) ne seront pas affectées par les événements actuels."

Une baisse majeure de la fréquentation aurait un impact immédiat sur les finances du gouvernement qui, en 2009, avait demandé un prêt de 93 millions de dollars au Fonds monétaire international.

• Acte 6 : Les Etats-Unis appellent au calme

Les Etats-Unis ont annoncé mercredi qu'un haut responsable de la diplomatie américaine se rendrait aux Maldives, afin de "s'entretenir" avec toutes les parties, tout en appelant "au calme".

Le secrétaire d'Etat américain adjoint pour l'Asie centrale et méridionale, Robert Blake, doit arriver à Malé samedi, selon la porte-parole du département d'Etat, Victoria Nuland. "Nous exhortons le gouvernement et les partis à coopérer afin de trouver une issue pacifique. Nous continuons à surveiller la situation", a-t-elle dit lors de son point presse quotidien.

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