Indonésie: bataille de Jokowi et Subianto pour le fauteuil présidentiel
Le gouverneur de Jakarta, Joko Widodo, est considéré comme un candidat de rupture sans liens avec l'ère Suharto (1967-1998). Ce qui n’est pas le cas de son rival, Prabowo Subianto, ex-général durant la dictature.
Joko Widodo, l’anticonformiste
Le premier, qui a remporté toutes les élections auxquelles il s’est présenté, est considéré comme un réformateur. Parfois appelé l’«Obama indonésien», comme le rappelle RFI, ce dirigeant de 53 ans n'est touché par aucun scandale dans un des pays les plus corrompus au monde.
Ancien vendeur de meubles ayant réussi par son seul travail, Jokowi est d’origine modeste. Chose rare dans le monde politique indonésien, où la plupart des caciques ont des appuis dans l’armée ou sont issus de familles influentes.
Lors de ses mandats de maire (Solo, à Java, en 2005) et de gouverneur (Jakarta, à Java, en 2012), il a mis en place des réformes sociales pour les plus démunis (nombre d’Indonésiens ne bénéficient pas des bienfaits de la croissance et vivent sous le seuil de pauvreté) : instauration de bourses étudiantes, carte d’accès aux soins de santé ou relèvement du salaire minimum.
Sa présence sur le terrain, sa probité et son combat contre la corruption, l'ont rendu populaire. Notamment auprès de la jeunesse, en crise de confiance envers la classe politique dominante.
Favori à l’issue de la campagne sous l’étiquette du Parti démocratique indonésien de lutte, Joko Widodo pourrait, grâce à son charisme et à son travail auprès des citoyens ordinaires, dont il revendique la filiation, modifier le jeu politique.
Prabowo Subianto, l’homme à poigne
Son challenger Prabowo Subianto a, pour sa part, mis en avant ses positions très nationalistes pendant la campagne électorale.
Candidat à la présidence depuis 12 ans, Prabowo Subianto fait partie d’une des plus riches familles du pays, dont la lignée remonte aux sultans de Java, comme le montre le portrait réalisé par le Sydney Morning Herald. Ainsi, le journal australien annonce la couleur : il a fait fortune dans le commerce du pétrole et du gaz, du papier et de l’huile de palme. Son père a lui-même été nommé ministre du Commerce par Suharto.
Si durant sa campagne avec le parti Gerindra, il s’est engagé à respecter la liberté religieuse, il dit aussi que c’est à l’Etat de gérer les religions pour garantir leur «pureté». S’il s’insurge contre la corruption, il compte au rang de ses amis politiques des hommes mis en cause dans les affaires, comme le milliardaire Hashim Djojohadikusumo qui n’est autre que son frère cadet.
Ce qui caractérise cet homme de 63 ans, c’est son style d’homme à poigne, hérité de son passage dans l’armée sous le règne Suharto, dont il a un temps été marié à la fille (il a divorcé en 2001).
Interdit d’entrée aux USA en 2000 en vertu de la convention des Nations Unies sur la torture, il n’hésite pas à se comparer aux Kennedy voire même à Nelson Mandela, dans le combat qu’il dit mener en faveur des pauvres.
Aujourd’hui, il prône le nationalisme, le protectionnisme économique, la redistribution des biens des riches aux pauvres, le tout avec de nombreux relents xénophobes. Ce qui n’est pas pour rassurer les marchés et encore moins une partie des Indonésiens encore traumatisés par les 32 ans de règne de Suharto.
La peur des violences
Alors que la première économie d'Asie du Sud-Est cherche à retrouver croissance et investissements étrangers, les tensions liées aux résultats de la présidentielle – attendus le 22 juillet – font tanguer les marchés qui craignent plus que tout un blocage politique, vecteur potentiel d’une période d’incertitude.
Car, selon le quotidien Jakarta Post, qui soutient Jokowi, «la perspective de violences pourrait considérablement augmenter dans l'hypothèse où les dirigeants des partis politiques perdaient le contrôle de leur base. Toute déstabilisation risquerait de secouer les marchés».
En 1998, précédant la chute de Suharto, l'Indonésie a connu des violences meurtrières et des pillages. Une décennie de stabilité relative a suivi sous la présidence du chef de l'Etat sortant, Susilo Bambang Yudhoyono, dont la fin de mandat est aujourd’hui entachée par des soupçons de corruption.
Cette élection présidentielle, la troisième au suffrage universel direct en Indonésie depuis 1998, a donc valeur de test pour la jeune démocratie et ses 190 millions d'électeurs.
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