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Entre mondialisation et coutumes ancestrales, le Bhoutan à l'assaut du bio

Le Bhoutan a l'intention de devenir le premier pays totalement bio. Ce royaume, perché dans l'Himalaya, est à la pointe en termes de protection de l'environnement. Mais cette volonté d'agriculture biologique intégrale vise aussi, pour le petit pays, à se démarquer au cœur de la mondialisation.
Article rédigé par Lola Bondu
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
«Nous travaillons à devenir le premier pays du monde à être 100% biologique.» La déclaration du premier ministre bhoutanais, Jigme Thinley, lors de son discours à la Conférence Rio+20 en 2012 en a épaté plus d'un. Le Bhoutan compte passer au tout bio avant 2020 et devenir le premier pays au monde à réaliser l'exploit.

Ce royaume perché dans l'Himalaya est un habitué des avancées écologiques. Il est considéré comme un élève modèle, selon Climate Action Tracker : ses forêts récupèrent plus de CO2 que le pays n'en émet (6 millions de tonnes contre 1,5 émise chaque année), ses centrales hydrauliques produisent la majorité de l'électricité ou encore les voitures y sont interdites une fois par semaine. Le Bhoutan se trouve à la pointe des actions environnementales. Pour célébrer la naissance du prince héritier, en février 2016, le royaume a même planté 108.000 arbres dans le pays.


Cette politique écologique est issue de la volonté de son jeune roi, Jigme Khesar Namgyel Wangchuck. Lors de son accession au trône en novembre 2008, le souverain de 36 ans a choisi d'approfondir la philosophie de son père pour la recherche d'une croissance économique «responsable» et respectueuse de l'environnement.

Stratégie économique face à la mondialisation
Mais plus qu'une volonté écologique, ce plan pour une nation 100% bio renferme une stratégie économique. Peter Melchett de la Soil Association, organisme britannique pour les cultures biologiques, estime dans Le Monde que cela va «fournir au pays la réputation d'une alimentation de grande qualité biologique ce qui, à long terme, lui donnera un avantage sur le marché et la possibilité de pratiquer des prix élevés». D'autant plus qu'en 2014, le marché mondial du bio représentait, 67.9 milliards d'euros.

Coincé entre la Chine et l'Inde, le Bhoutan pourrait ainsi se démarquer. C'est ce qu'il tente de faire depuis son arrivée dans le bain de la mondialisation. Auparavant, le royaume était totalement fermé aux étrangers. Il s'est ouvert au tourisme en 1974. Depuis, le pays cherche à se créer une identité à part entière. Le précédent roi a ainsi lancé le BNB, le «Bonheur National Brut», qui prend en compte le bien-être de la population. Bien qu'il soit contesté, l'indicateur de richesse concurrent du PIB a fait connaître le Bhoutan à l'international.

Avec la stratégie du 100% bio, le royaume cherche à perpétuer cette reconnaissance. 70% de la population bhoutanaise – 750.000 habitants – dépendent du secteur primaire et utilisaient 15 kg d'engrais chimiques par hectare en moyenne en 2012 pour les cultures de maïs, de riz, d'orge ou encore de pommes de terre. Ce chiffre reste faible face aux 137 kg par hectare en France.

Un programme biologique national a déjà été instauré en 2005, mais la mise en place d'une agriculture biologique intégrale reste difficile dans la pratique. Surtout que l'opposition démocrate a remporté les dernières élections parlementaires, en 2013. Le Bhoutan a depuis comme but l'autosuffisance alimentaire. «Il s'agit aussi d'un affrontement de politiques, entre l'objectif d'autosuffisance alimentaire et l'objectif du tout bio, analyse Norden Lepcha du programme biologique national, dans Reporterre. Face à ces objectifs potentiellement contradictoires, il ne nous est pas donné la bonne direction.»

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