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Dépigmentation : les marques surfent sur les rêves de blancheur des Asiatiques

La dépigmentation a le vent en poupe depuis plusieurs décennies en Asie du Sud, où blancheur cutanée rime avec beauté. Les marques de cosmétiques creusent le sillon... et dérapent.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Un produit blanchissant de la marque L'Oréal dans un magasin de Shanghaï (23 juillet 2008)  (ZHOU JUNXIANG / IMAGINECHINA)

Avoir la peau claire est considéré comme un critère de beauté dans plusieurs pays d'Asie du Sud. Les visages poudrés des geishas japonaises en disent long sur cette conception esthétique ancrée dans les traditions locales. «Depuis les années 70, l'Asie est le marché qui connaît la croissance la plus rapide en ce qui concerne les produits blanchissants», rapporte Asian Scientist Magazine.

En Chine, le plus gros consommateur de ces produits dans la zone, cette obsession se résume en une expression : «Bai-fu-mei» (expression que l'on pourrait traduire par «la blancheur de la peau est synonyme de bonne santé et de beauté»). 

La blancheur de la peau est associée dans cette région au fait que l’on ne travaille pas à l’extérieur, sous le soleil, ce qui suppose que l’on appartient à une classe sociale supérieure. «Pendant des siècles, les femmes en Asie du Sud ont été élevées dans l’idée qu’une peau claire rime avec beauté», soulignait en 2012 un article de la BBC. Une peau pâle rime aujourd'hui avec succès et bonheur. Du moins, ce sont les messages que tiennent à faire passer les marques, surfant ainsi sur les complexes de leurs client-e-s potentiel-le-s. 


Blancheur : la pilule ne passe pas
Si les entreprises misent sur les préjugés pour vendre, elles dérapent souvent. Une pub pour des pilules blanchissantes a récemment fait scandale en Thaïlande. L’entreprise Seoul Secret a dû retirer de la Toile une vidéo début janvier 2016 sous la pression du public, qui l’a jugée raciste. «Notre société n'avait pas l'intention de transmettre un message raciste ou discriminatoire», s'est excusée la firme dans un communiqué.

«Le blanc fait de vous un gagnant», dixit le slogan de la pub, rapporte l’AFP. «Ce n'est pas facile de rester à ce niveau pendant une longue période», affirme dans la vidéo la chanteuse Cris Horwang. «Si j'avais arrêté de prendre soin de mon corps et de mon teint blanc, tout ce que j'avais investi aurait disparu», continue-t-elle. «La peau du modèle devient alors noire, et elle se tourne avec envie vers un second modèle à la peau claire qui apparaît à côté d'elle en souriant.»


Toujours en Thaïlande, la multinationale Unilever a également été épinglée par le biais de sa filiale Citra. Elle s'est excusée en octobre 2013 après avoir sous-entendu dans une pub qu'une étudiante à la peau foncée était moins brillante qu'une autre à la peau claire.

«En Inde, une publicité pour une crème blanchissante, fabriquée par (…) Unilever avait aussi fait scandale, rappelle Isabelle Mougère sur le site d'information TerriennesDans le plus pur style bollywoodien, on y voit en plusieurs épisodes une jeune femme délaissée par son fiancé pour une jeune femme au teint diaphane, qui tente grâce à cette crème magique de reconquérir l'élu de son cœur.» Ici, teint clair rime avec amour. En Inde, où l'organisation de la société en castes participe à valider cette vision cosmétique, le slogan fait mouche. 

La riposte s'organise
C'est dans ce pays que l'ONG Women of Worth a lancé en 2009 une campagne baptisée «Dark is beautiful (Le noir, c'est beau)» pour protester contre ce type de messages que les stars de Bollywood, la puissante industrie du cinéma indien, n’ont aucun scrupule à relayer. Les comédiens Saif Ali Khan et Priyanka Chopra ont prêté leur image à la marque Pond's dans la production d'Unilever incriminée.  



Le comédien star Shah Rukh Kahn («The King of Bollywood») s’est attiré, lui, les foudres du public après une apparition dans une publicité de la marque Fair and Handsome (Enami), explique The Washington Post.  Sur le site du produit, son portrait trône en bonne place.  



Un vendeur pose avec des produits dépigmentants pour hommes dans une boutique à New Dehli, en Inde, le 4 septembre 2007.  (AFP PHOTO/MANAN VATSYAYANA)

En 2014, l'Advertising Standards Council of India (organisme de régulation de la publicité) s'est engagée à bannir en Inde les publicités dépeignant comme inférieures les personnes qui ont un teint foncé. 

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