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Cambodge: l'industrie textile fer de lance des revendications sociales

La sanglante répression menée contre les ouvriers du textile, alliés aux partisans de l'opposition, début 2014 à Phnom Penh, met en perspective leurs conditions de travail. En 2012 au Cambodge, l'industrie textile pesait 4,6 milliards de dollars à l'exportation. Une manne pour un gouvernement confronté à la grogne grandissante du secteur depuis plusieurs années.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Phnom Penh, au Cambodge, le 3 janvier 2013. Des manifestants transportent un travailleur du textile blessé lors d'affrontements avec la police militaire. Cette dernière a ouvert le feu sur les protestataires. (AFP PHOTO / THOMAS CRISTOFOLETTI)
Article initialement publié le 5 juin 2013

La violente répression d'une manifestation d'ouvriers du textile réclamant des augmentations de salaire, sur lesquels les forces de l'ordre ont ouvert le feu, a fait au moins trois morts le 3 janvier 2014. Déjà le 5 juin 2013, ils étaient quelque 3.000 travailleurs cambodgiens à manifester contre l'arrestation de grévistes au cours d'une opération policière dans une usine de confection de vêtements de sport, sous-traitante pour le géant américain Nike, située dans la province de Kampong Speu, au sud du pays.

Des manifestations ont lieu régulièrement depuis plusieurs mois dans ce pays qui compte quelque 650.000 ouvriers du textile (sur 14 millions d'habitants), surtout des femmes, dont 400.000 travaillent pour des sociétés produisant des vêtements pour de grandes marques européennes (les flux vers l'UE ont progressé de 70% en 2011). 

Les salaires bas attirent les investisseurs
«Les usines appartiennent à 80% à des groupes chinois et à 10% à des coréens», selon un témoignage relayé par Les Echos370 usines exportatrices sont installées au Cambodge, dont 102 rien qu'en 2012. Le Cambodge profite ainsi des relocalisations massives de pays voisins comme le Vietnam, la Thaïlande ou la Chine en rapport avec l'augmentation des salaires dans ces pays. 

Le gouvernement du royaume a vu l'intérêt de garder le salaire de base à un plancher ne dépassant pas les 61 dollars par mois – les syndicats en veulent 100 – pour ne pas faire fuir les investisseurs.


Depuis deux ans, les mauvaises conditions de travail sont au cœur des inquiétudes. Des scènes d'évanouissements collectifs ont eu lieu dans des ateliers mal ventilés, alors que les ouvriers sont souvent sous-alimentés et victimes de surmenages.

«On travaille douze heures par jour, parfois 7 jours sur 7 pour gagner plus. Je ne peux même pas bien manger car j'essaie de mettre de l'argent de côté, j'achète juste le minimum pour survivre», témoigne pour l'AFP une jeune femme.

Le 20 mai 2013 à Phnom Penh, un local avait englouti les ouvriers y travaillant, rappelant le dramatique effondrement d'un immeuble au Bangladesh un mois auparavant. Et aussi les conditions déplorables dans lesquelles les petites mains asiatiques confectionnent à la chaîne les T-shirts des Européens.

Travailleurs cambodgiens du textile devant un tribunal provincial, lors d'une manifestation à Kampong Speu, à l'ouest de Phnom Penh, le 5 juin 2013.  (STR/AFP)

Aujourd'hui, le gouvernement semble prêt à employer la manière forte pour faire taire les revendications, alors que l'opposition menée par Sam Rainsy du CNRP s'est ralliée au mouvement des ouvriers du textile dans un grand élan démocratique. La victoire aux législatives, le 28 juillet 2013, du CPP, parti du Premier ministre Hun Sen au pouvoir depuis 1985, est contestée. Sam Rainsy, rentré d'exil avant le scrutin, dénonce des fraudes massives.

Quant à la population, elle vit de plus en plus mal l'accaparement des richesses, notamment des terres, par les proches du pouvoir.

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