Australie: les conservateurs tordent le cou à la taxe carbone
Le pays rejette environ 1,5% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Mais il est l’un des plus gros émetteurs de la planète par tête d'habitant en raison de l'importance de son secteur minier et de sa dépendance à l'électricité produite grâce au charbon. Un secteur qui est le moteur de la croissance australienne depuis 15 ans. Le pays compte plusieurs géants du secteur, dont Rio Tinto et BHP Billiton.
La chambre haute du Parlement a voté le 17 juillet par 39 voix contre 32 pour l'abolition de la taxe carbone. La mesure figurait parmi les promesses du parti conservateur, arrivé au pouvoir en septembre 2013. Le Premier ministre Tony Abbott arguait que le coût de cette taxe était supporté par les consommateurs, via une hausse des factures d'électricité.
«C'est une grande nouvelle pour les familles australiennes et les petites entreprises de notre pays», s'est félicité Tony Abbott. Lequel avait, dans le passé, qualifié «de sottises absolues» les études scientifiques attribuant à l'action humaine le réchauffement climatique. «Nous honorons nos promesses envers vous (la population, ndlr) et bâtissons une économie forte et prospère pour une Australie sûre», a-t-il ajouté.
La taxe, décidée par le gouvernement de Julia Gillard après des années de débat houleux y compris au sein de la formation travailliste, était entrée en vigueur en juillet 2012. Et ce malgré l'opposition forcenée des groupes miniers et du parti conservateur. Elle obligeait les plus gros pollueurs - surtout les entreprises du secteur - à payer en fonction des émissions de carbone produites, afin de les inciter à réduire ces émissions.
Les quelque 350 principaux émetteurs de CO2 devaient payer une taxe d'un montant fixe de 23 dollars australiens (16 euros au taux de change actuel) par tonne de carbone.
L'abolition de la taxe a été saluée par les groupes miniers. Pour BHP Billiton, cette taxe avait «un impact négatif sur la compétitivité de l'Australie».
Les travaillistes prévoyaient de la remplacer par un système d'échange de quotas d'émissions de CO2, en 2014, comme ceux que possèdent déjà la Nouvelle-Zélande ou l'Union européenne. De son côté, le gouvernement de Tony Abbott entend mettre en place un plan «d'action directe». Lequel comprend notamment des incitations financières aux entreprises souhaitant améliorer leur bilan énergétique.
Peu avant le vote, la dirigeante des Verts, Christine Milne, avait estimé qu'abolir cette taxe ferait de l'Australie «un paria international». Pour le chef du parti travailliste, Bill Shorten, Tony Abbott «a rendu ridicules les Australiens». Il «tire l'Australie en arrière alors que le reste du monde va de l'avant», a ajouté le leader de l'opposition.
Selon un rapport publié par plusieurs think tank (Climate Analytics, Potsdam Institute et Ecofys) en marge des négociations climat à Varsovie en novembre 2013, les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l'Australie risquent de croître d'ici à 2020 de 12% au lieu de baisser de 5%. Motifs : le démantèlement de la législation climat, et notamment la suppression de la taxe carbone.
Selon l'économiste Paul Burke, qui travaille sur les énergies et l'environnement à la Crawford School au sein de l'Université nationale d'Australie, la taxe «fonctionnait: elle réduisait les émissions et contribuait aux recettes de l'Etat».
L'abolition de cette taxe «nie trois réalités: le changement climatique du fait de l'action humaine, le rôle du gouvernement en tant que défenseur du bien public, l'émergence d'une révolution de velours sur l'énergie-carbone», a renchéri son confrère Michael Raupach, directeur de l'Institut sur le changement climatique au sein de la même université.
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