"Cela démontre un grand danger d'autocensure et d'oppression" : en Turquie, une radio indépendante réduite au silence pour avoir évoqué le génocide arménien

Açik Radyo, qui existe depuis 30 ans, est censurée par les autorités turques pour ne pas avoir corrigé un invité qui a mentionné le génocide arménien à l’antenne.
Article rédigé par Marie-Pierre Vérot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des employés d'Açik Radyo basée à Istambul, le 16 octobre 2024 avant qu'elle ne cesse d'émettre sur ordre des autorités turques. (OZAN KOSE / AFP)

La censure se fait toujours plus forte en Turquie. Et elle s'appuie sur un sujet tabou : l'évocation du génocide arménien qui ne passe toujours pas. Pour l'avoir fait, Açik Radyo, qui signifie "radio ouverte", l'une des dernières stations indépendantes et pluralistes dans le pays, a été réduite au silence. Elle a dû cesser d'émettre mercredi 16 octobre, après 30 ans d'existence : elle a été censurée par les autorités pour ne pas avoir corrigé une invitée qui a mentionné le génocide arménien à l'antenne.

Une dernière émission, des auditeurs qui appellent, une chanson et le silence brisé par des larmes et des applaudissements. À 13 hreures, heure d'Istanbul. Açik Radyo a cessé d'émettre. Tuğba Tekerek y animait une émission : "C'était très triste parce que c'est si brutal de fermer une radio si précieuse. Cette radio, c'était une fenêtre sur des mondes différents, pour toutes les minorités les Arméniens, les Grecs. Par exemple, il y a un programme sur les musiques des deux côtés de la mer Egée, Turquie et Grèce", regrette-t-elle.

"Une telle approche, cela n'existe pas dans les autres médias en Turquie."

Tuğba Tekerek, animatrice sur Açik Radyo 

à franceinfo

La radio est punie pour ne pas avoir corrigé un invité qui évoquait le génocide arménien lors d'une émission remontant à avril dernier.

Açik Radyo, qui signifie "radio ouverte", était l'une des dernières stations indépendantes et pluralistes dans le pays, a été réduite au silence. (MARIE-PIERRE VEROT / RADIOFRANCE)

Selon RTÜK, le conseil supérieur de l'audiovisuel turc, équivalent de l'Arcom en France, cette expression démontre une attitude partisane et haineuse. "Si une institution comme Açik Radyo qui a 30 ans maintenant, a été fermée, c'est aussi un message pour le reste de la société qu'on n'est pas libre d'exprimer notre voix, notre opinion, avance İlksen Mavituna, l'une des plus anciennes voix de la radio. Cela démontre un grand danger d'autocensure et d'oppression envers des voix civiles d'opposition et alternatives."

Açik Radyo était aussi un des très rares espaces où les luttes sociales ou pour l'environnement pouvaient être évoquées. Tuğba Tekerek dénonce l'étouffement de toute voix différente de celle portée par le gouvernement dans l'espace public. "Je travaillais pour un journal qui a été fermé, je collabore à un média étranger [Deustche Welle Turkish] interdit en Turquie et maintenant Açik Radyo doit fermer", regrette-t-elle.

Açik Radyo va continuer à se battre pour exister, au moins sur internet. Mais, ajoute Ilksen Mavituna, en perdant sa fréquence elle perd "le plus précieux" : les ondes et l'espace public. Açik Radyo va contester cette décision en justice et en appelle au soutien du public.

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