Pérou: scandale autour du tourisme colonial dans la jungle
Partir en vacances solidaires avec pour seul bagage l’envie d’entrer en contact avec les populations locales. Un projet louable qui intéresse chaque année de plus en plus de voyageurs, avides de nouveaux horizons.
Au Pérou, les agences de tourisme ont trouvé le bon filon. A Cuzco, au sud-est du pays, les voyagistes proposent des incursions clandestines dans la réserve Madre de Dios. Une zone protégée en pleine forêt amazonienne où près de 600 Indiens de la tribu Mashco Piro ont élu domicile.
La Fenamad, l’organisation de défense des droits des peuples indiens, raconte qu’une patrouille de surveillance a aperçu début septembre 2014 deux embarcations au nom d’une société de tourisme avec des groupes de personnes à bord. «Les touristes prennent des photos, filment, tentent d’entrer en communication avec la population. Ils vont même jusqu’à leur apporter des vêtements, de la nourriture et de la bière.» Des cadeaux empoisonnés pour ces ethnies qui refusent tout contact avec le monde moderne.
Les safaris humains, des bombes épidémiques
Traqués «comme des jaguars pendant un safari», les Mashco Piro risquent d’être sacrifiés sur l’autel du tourisme. Comme ces Indiens sont particulièrement vulnérables aux maladies qu’ils pourraient contracter, le gouvernement péruvien a donc interdit dès 1990 d’entrer en relation avec les membres de cette ethnie. Un moyen pour l’Etat d'éloigner la menace sanitaire. En cas de manquement à la loi, les agences de tourisme ainsi que leurs clients sont passibles d’une peine de prison.
«Les gouvernements doivent prendre des mesures pour protéger les communautés indiennes, les voyagistes doivent respecter un code de conduite et les touristes doivent être informés et avertis», explique Mark Watson, directeur de Tourism Concern. Les organisations de défense des droits des peuples isolés en appellent à l’Etat péruvien pour augmenter la présence des autorités dans la région.
Jusqu’à présent, leurs alertes sont restées lettre morte. Le patron local du service national des zones naturelles protégées, le Sernanp, dit qu’il n’a pas connaissance de ces pratiques et que selon lui, aucune agence ne proposerait ce type de prestations. Pourtant, les safaris de ce genre ne datent pas d’hier, que ce soit en Amérique latine ou dans le reste du monde .
Des circuits touristiques aux allures de zoo humain
Ces pratiques ne sont pas sans rappeler le début du XXe siècle où, en France comme ailleurs, on exhibait des hommes tels des bêtes de foire dans des zoos humains. Mal nourris, vêtus de pseudo costumes traditionnels, ils étaient là pour satisfaire la curiosité des badauds.
Aujourd’hui, cette curiosité touche les Mashco Piro. Cette ethnie, déjà repoussée au nord du pays par des sociétés exploitant du caoutchouc, se voit encore une fois obligée de migrer. Cette fois-ci vers des endroits encore plus éloignés, à la frontière avec le Brésil, pour échapper à ces touristes un peu trop voyeurs.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.