Mexique : des législatives gangrénées par la violence
Les résultats définitifs des scrutins n’avaient toujours pas été publiés le 9 mai. «Scrutins» au pluriel car, outre les législatives, les Mexicains étaient également invités aux urnes pour renouveler les gouverneurs de neuf Etats du pays et un millier d'exécutifs locaux.
Premier fait marquant : le taux de participation s’élève à 48%. «Une participation historique», commente le journal La Razón cité par RFI : les électeurs étant apparemment d’habitude beaucoup moins nombreux à se rendre aux urnes.
Second fait marquant: profitant d'une réforme électorale qui autorise depuis 2014 des candidatures indépendantes, un candidat de l'Etat de Nuevo Leon (nord), Jaime Rodriguez Calderon, surnommé «El Bronco» («la grande gueule») va devenir le premier candidat indépendant élu gouverneur. «Sa victoire est interprétée par les analystes comme un terrible coup de boutoir porté aux partis traditionnels, décrépits par la corruption», rapporte Libération.
Côté résultats, le PRI obtiendrait entre 29,87% et 30,85% des suffrages exprimés, suivi par le parti conservateur PAN, crédité de 21,47% à 22,7% des voix, selon l'Institut national électoral.
De son côté, le principal parti de gauche mexicain, le Parti de la révolution démocratique (PRD), est le grand perdant de ces élections. Il est crédité seulement de 11-12% des voix, contre 18,4% en 2012. Il paie le prix de son implication dans le drame des 43 étudiants disparus d'Iguala. Le maire d'Iguala, José Luis Abarca, et son épouse, accusés d'avoir ordonné l'attaque contre ces jeunes et depuis incarcérés, étaient tous deux affiliés au PRD. Une affaire qui, comme le dit Le Monde, «avait révélé l’infiltration des autorités locales par le crime organisé». La preuve aussi que la criminalité touche toutes les formations du paysage politique mexicain.
De la violence avant toute chose
D’une manière générale, les violences et la guerre des cartels de la drogue ont marqué les scrutins de 2015. Au cours de la campagne, au moins sept candidats et neuf responsables de l'organisation de ces élections ont été assassinés sur fond de violences endémiques liées au trafic de drogue. Pour le seul mois d'avril 2015, le Mexique a enregistré un total de 1374 meurtres, soit le bilan le plus élevé en près d'un an, selon des données de la police fédérale citées par Reuters.
Quelque 40.000 policiers et soldats avaient été déployés dans le sud du pays pour assurer la sécurité du vote mais de nombreux incidents ont été signalés dans les Etats de Guerrero, d'Oaxaca et du Chiapas. Dans le reste du Mexique, le vote s’est déroulé sans incidents majeurs.
L'incapacité des autorités à endiguer les violences et les accusations de portées contre le président Peña Nieto, dont la cote de popularité a plongé, ont pesé sur son parti, le PRI.
Tout le monde n’est pas de cet avis. «Le signal envoyé par les électeurs au gouvernement est qu'il a plutôt bien travaillé au cours des trois dernières années», analyse un expert du Centre de recherches et d'enseignement économiques à Mexico.
Car les autorités se prévalent de quelques succès. On a constaté «une baisse du taux d’homicides, passé de 18,6 à 13,1 pour 100.000 habitants entre 2012 et 2014», expliquent-elles. De plus, «93 des 122 hommes les plus recherchés du pays» ont été arrêtés. A commencer par Joaquin «Chapo» Guzman, interpellé après 13 ans de cavale.
Mais ces différentes actions n’ont apparemment pas endigué le phénomène. Elles «ont fragmenté les cartels, donnant naissance à des gangs régionaux plus violents», constate un avocat mexicain, cité par Le Monde. Dans le même temps, la répression «attise les rivalités entre ces gangs et les incite à élargir leurs activités aux enlèvements et aux extorsions contre la population», selon un universitaire lui aussi cité par Le Monde.
Les organisations de défense des droits de l’Homme et l’ONU dénoncent les effets de la militarisation de la lutte contre les cartels. Entre 2006 et 2012, il y aurait eu plus de 70.000 morts et 26.000 disparus sur une population de 118 millions d’habitants.
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