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La plus grande décharge d'Amérique latine ferme, juste avant Rio+20

Décidée en 2004, mais maintes fois repoussée, la fermeture de cette décharge située près de Rio sera effective le 1er juin. Mais les 2 000 personnes qui y trient et vendent les ordures quotidiennement sont inquiètes pour leur avenir.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Une personne cherche des ordures susceptibles d'être recyclées à la décharge de Gramacho, près de Rio (Brésil), le 15 mai 2012. (CHRISTOPHE SIMON / AFP)

Sur une montagne d'ordures, un homme se repose sous un vieux parasol avant de reprendre son travail de tri à Gramacho. La plus grande décharge d'Amérique latine, située au bord de la baie de Rio (Brésil), fait vivre 20 000 personnes, mais le gouvernement a décidé de la fermer avant Rio+20, la conférence de l'ONU sur le développement durable, du 13 au 22 juin. Le terrain est instable et avec le poids des camions, on sent bouger cet ancien marécage, où les ordures, certaines toxiques, s'accumulent depuis sa création en 1976, en pleine dictature.

En 2004, une série d'infiltrations sont apparues dans cette décharge qui recevait 8 000 tonnes d'ordures par jour et la mairie de Rio a décidé de fermer Gramacho. Sa fermeture a été repoussée à plusieurs reprises et finalement fixée au 1er juin. Avant la fermeture, quelque 2 000 catadores, comme on appelle au Brésil les personnes qui trient et vendent les ordures pouvant être recyclées, se sont associés pour demander à la municipalité de les indemniser et ils ont fini par recevoir une prime de 7 500 dollars (6 000 euros).

"Que deviendront ces familles ?"

Mais tous les catadores ne sont pas satisfaits et beaucoup s'interrogent sur l'avenir des centaines de familles de la petite ville contiguë de Gramacho, où vivent 20 000 personnes, quand cet argent aura été dépensé. "La fermeture de la décharge aura un impact très grand sur nous car pour beaucoup c'était la seule source de revenus. Que deviendront ces familles ? Recevoir 7 500 dollars, c'est rien pour celui qui y a travaillé toute sa vie", déplore Ana Carla Nistaldo, 32 ans, qui a passé ici la moitié de sa vie.

Des chevaux mangent des ordures dans la décharge de Gramacho, près de Rio (Brésil), le 15 mai 2012. (CHRISTOPHE SIMON / AFP)

Dans sa maison située dans le quartier de la décharge, il y a deux télévisions, un micro-ondes et un lecteur DVD, et elle montre avec fierté les bagues, les cadres et les porte-photo qu'elle a fabriqués à partir de déchets. "J'ai élevé mes enfants avec l'argent des ordures et ils n'ont manqué de rien", dit-elle. Selon la mairie, le tri manuel a rapporté l'an dernier près de 12 millions de dollars au total (9,5 millions d'euros). Chaque catador se spécialise dans un matériel (plastique, métal, papier ou verre) qu'il revend à l'un des 42 dépôts du quartier ou à des tiers.

Déchets transférés dans une décharge privée

En dépit des risques que représentent les ordures toxiques, comme le méthane produit à partir de la décomposition et les maladies contractées, travailler dans la décharge est pour beaucoup la meilleure option dont ils disposent. "On nous paye au jour le jour, environ 45 dollars par jour, c'est mieux que pour un travail en ville", déclare le jeune Everton, l'un des rares ayant des projets pour l'avenir. "Je suis prêt à dépenser la moitié de mes indemnités pour faire des études." Au Brésil, le salaire minimum est de 622 reais par mois (250 euros). 

Pendant trente-six ans, ces travailleurs de l'ombre ont montré, parfois au prix de leur vie, qu'ils pouvaient être des acteurs clés du développement durable. Au Brésil, 60% des villes ne traitent toujours pas leurs déchets. Les ordures qui allaient à Gramacho seront transférées dans une autre décharge de la zone ouest et gérées par une entreprise privée. Une autre société, Nova Gramacho, sera chargée de l'exploitation du gaz méthane de Gramacho, qui en quinze ans rapportera 185 millions d'euros en crédits carbone, d'après la mairie de Rio.

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