Jouer au golf, un sport à hauts risques politiques pour Barack Obama
Dimanche, le président américain s'est fait un 18 trous avec Tiger Woods. Voilà qui va relancer les critiques sur le sport favori du locataire de la Maison Blanche.
Barack Obama s'est offert un 18 trous avec Tiger Woods, dimanche 17 février, sur le parcours de Palm Beach, en Floride. Pendant que Michelle et les enfants étaient au ski, le président s'est adonné à son péché mignon : le golf. Taquiner la petite balle blanche est devenu "le sport non-officiel de tous les présidents américains", comme l'écrit le New York Times (en anglais), mais demeure politiquement très risqué.
Un président golfeur ne fait pas travailleur
Barack Obama a allègrement franchi la barre des 100 parties depuis son entrée en fonctions. A chaque fois, le président taquine la balle blanche durant cinq à six heures. Un total qui, s'il est loin du record de Woodrow Wilson et ses 1 200 parties en deux mandats, interroge.
Les républicains ne se sont pas privés de l'attaquer sur ce sujet pendant la dernière campagne présidentielle. Un site pour lever des fonds, FortyFore.com (un jeu de mots avec forty four, car Barack Obama est le 44e président des Etats-Unis, et fore, une interjection utilisée par les golfeurs), permettait aux électeurs de donner 18 dollars, autant que de trous sur un parcours, pour permettre à Barack Obama de pratiquer le golf à plein temps et laisser Mitt Romney travailler à la Maison Blanche.
Mitt Romney a attaqué son adversaire sur les moments les plus critiques : Barack Obama au golf lorsque les Marines ont lancé l'opération pour tuer Ben Laden, pendant les funérailles du président polonais, pendant la marée noire en Louisiane ou lors d'un tremblement de terre sur la côte est. Ses partisans ont même mis en ligne un compteur du nombre de parties du président, avec en face le nombre de morts en Afghanistan.
Cette question d'image est encore plus prégnante en temps de guerre. George W. Bush avait expliqué au site Politico (en anglais) que "jouer au golf pendant la guerre en Irak envoyait le mauvais signal", et avait remisé ses clubs au placard. De la com et rien que de la com : le prédécesseur de Barack Obama avait certes arrêté le golf mais continué à faire du VTT… Sans parler du fait que Bush Junior a pris plus de vacances que Barack Obama, comme le relève Factcheckers.com (en anglais). La différence, c'est qu'il les passait dans son ranch.
Pas de politique sur les greens !
Beaucoup regrettent que le président américain ne mette pas sa passion au service d'une grande cause. Lyndon Johnson avait obtenu en 1964 le vote historique du Civil Rights Act, ouvrant l'égalité entre les Blancs et les Noirs, en négociant avec des sénateurs autour d'un 18 trous, quand Bill Clinton jouait au golf pour lever des fonds pour sa campagne. Rien de tel pour Barack Obama, qui voit ce sport comme l'occasion de passer six heures au grand air sans avoir tous les problèmes du monde à gérer.
Le site Politico (en anglais) a analysé en 2011 les participants à toutes les parties de golf du chef d'Etat. Conclusion : "Depuis que Barack Obama est président, le cercle de ses partenaires de golf s'est considérablement réduit." Le président ne joue qu'avec le vice-président, Joe Biden – qu'il décrit dans Time (en anglais) comme "calme sous la pression, c'est pour ça que je l'ai pris à ce poste" –, et une poignée d'hommes politiques.
Le golf "ne fait pas très démocrate"
Même aux Etats-Unis, où 26 millions de personnes pratiquent le golf, cette activité reste considérée comme un sport de riches. John Fitzgerald Kennedy, qui jouait régulièrement malgré ses problèmes de dos, essayait de le faire le plus discrètement possible. "Ça ne faisait pas très démocrate", relève un journaliste spécialisé en golf à l'époque, sur Golf.com (en anglais). L'explosion de Tiger Woods au plus haut niveau a un peu démocratisé ce sport. Un peu. Pas assez : Barack Obama limite au maximum les clichés pris sur le green, et il a encore maintenu les caméras à l'écart de sa rencontre avec l'un des meilleurs golfeurs du monde.
Le président, qu'on présente volontiers comme un fan de basket, ne laisse rien filtrer de sa passion pour le golf. N'allez pas demander à son porte-parole quel est le handicap de son patron. "C'est classé secret-défense", répond-il en souriant, relève ESPN (en anglais). Les mieux informés estiment son handicap à 17, ce qui le classe dans la moyenne haute des présidents américains – Joe Biden est nettement meilleur, à 6. Quant à savoir si Tiger Woods l'a laissé gagner dimanche… Barack Obama ne dévoile jamais le résultat de ses parties.
Pourtant, ça fait partie du folklore
Pour trouver trace du premier président golfeur, il faut remonter à William Taft au début du XXe siècle, "un sumo sur un parcours", comme le décrit Don Van Natta, auteur d'un livre sur les présidents et le golf, interviewé sur la radio américaine NPR (en anglais).
Quinze des dix-huit derniers locataires de la Maison Blanche jouaient au golf et ont laissé des anecdotes croustillantes. Dwight Eisenhower n'a rien eu de plus pressé à faire que d'installer un green dans le jardin de la Maison Blanche pour pouvoir "putter" entre deux réunions. Richard Nixon a pris des cours de golf dans le Bureau ovale, quand Ronald Reagan a carrément installé un practice dans les couloirs d'Air Force One, l'avion présidentiel. Bill Clinton trichait sur son score. Gerald Ford a inspiré au comédien Bob Hope cette phrase restée célèbre : "Gerald Ford était le président le plus puissant du monde, mais ne faisait peur à personne. Jusqu'au jour où il s'est mis à jouer au golf…" La réputation de grand maladroit de ce dernier vient tout autant de ses chutes spectaculaires en descendant d'avion que des nombreux spectateurs qu'il a blessés avec sa balle le long des greens.
Petit conseil aux futurs candidats pour 2016 : investissez dans des clubs et des balles ! A votre avis, quel est le point commun de tous les battus aux élections américaines depuis 1980 (de Michael Dukakis à Mitt Romney en passant par Bob Dole) ? Ils ne jouaient pas au golf.
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