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Haïti: pour les victimes du choléra, un long combat contre l'ONU

Le 18 août 2016, l’ONU avait reconnu sa responsabilité dans l’apparition de l'épidémie de choléra qui sévit à Haïti depuis octobre 2010. Mais le 19 août, une cour d'appel fédérale à New York a confirmé l'immunité judiciaire de l'institution. Un soulagement pour les Nations Unies, une déception pour les avocats des familles des victimes.
Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des victimes du choléra manifestent devant une base de ​​la Minustah à Port-au-Prince, le 15 octobre 2015. (AFP PHOTO / HECTOR RETAMAL)

Quelques jours auparavant, Beatrice Lindstrom de l'Institut pour la justice et la démocratie en Haïti avait déclaré : «Les Nations Unies doivent faire des excuses publiques», établir «un plan pour verser des compensations aux victimes» et s'assurer que le choléra est «éliminé d'Haïti à travers de solides investissements dans les infrastructures d'eau et d'assainissement».

En 2011, des familles de victimes avaient déposé à New York de nombreuses plaintes contre l’ONU.

Toutes rejetées par la justice américaine en raison de l'immunité conférée à toutes les missions onusiennes. La décision de la Cour d'appel à New York met fin au combat des avocats des victimes qui militaient pour le paiement de réparations financières aux familles des 10.000 personnes mortes ces six dernières années.

Ils réclamaient 100.000 dollars pour chaque mort et la moitié de cette somme pour chaque personne infectée. Ces demandes avaient toujours été jugées irrecevables au vu de la convention sur «les privilèges et immunités» protégeant les membres des Nations unies.

Si aujourd’hui, cette exigence de réparation financière n’a donc plus lieu d’être, Farhan Haq, le porte-parole de l'ONU s’est engagé à apporter une aide matérielle aux victimes : «Les Nations Unies ont une responsabilité morale envers les victimes de l'épidémie de choléra et elles doivent aider Haïti à la surmonter grâce à la construction de systèmes de santé, d'assainissement et d'accès à l'eau potable. Le Secrétaire général travaille activement à l'élaboration d'un plan pour fournir une assistance matérielle et un soutien aux Haïtiens les plus directement touchés par le choléra. Les victimes de la maladie et leurs familles doivent être au cœur de nos efforts».

2010 : apparition de l’épidémie suite au séisme qui a ravagé l’île
Les premiers cas d’infection sont apparus sur les bords d'un affluent du fleuve Artibonite, à proximité de la base des Casques bleus népalais de la Minustah (la Mission onusienne dans le pays) à Mirebalais, dans le centre du pays. Leurs déjections polluent une rivière au nord de Port-au-Prince.

Très vite, les Casques bleus sont accusés par la population d’être responsable du développement du virus dans l’île. Des émeutes anti-onusiennes éclatent.

Ces accusations sont très vites corroborées par de nombreuses enquêtes scientifiques, notamment celles réalisées par les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies. Mais les Nations Unies nient leur implication, estimant impossible de déterminer formellement l'origine de la maladie. Ils estiment qu’il y a «une insuffisance de preuves» et «une multiplicité de facteurs (qui) expliquent la propagation de l'épidémie».

En 2013, le tribunal fédéral de Manhattan est saisi d’une plainte en recours collectif contre l’ONU par les avocats de victimes qui l’accusent de «négligence, d’imprudence et de conduite tortueuse». Mais l’organisation internationale invoque alors l’immunité diplomatique. A ses yeux, cette demande n'est «pas recevable au titre de la section 29 de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies» de 1946.
 
L'ONU rappelle qu’elle a lancé un vaste programme de 2,2 milliards de dollars sur dix ans pour améliorer les infrastructures sanitaires du pays mais que l'argent manque pour traiter entretemps les malades et prévenir de nouveaux cas. Dernièrement, le porte-parole adjoint des Nations Unies, Farhan Haq, a précisé que le nouveau plan d'action de l'organisation «sera présenté au public dans les deux prochains mois, une fois qu'il aura été entièrement élaboré, en accord avec les autorités haïtiennes, et discuté avec les Etats membres».
 
Les scientifiques tirent le signal d’alarme
En marge de ce combat juridique, le choléra constitue un défi majeur pour le pays dont les structures sanitaires restent déplorables malgré l'action humanitaire: 72% des Haïtiens n'ont pas de toilettes à domicile et, selon l'ONU, 42% des habitants n'ont toujours pas un accès sûr à l'eau potable.

Les cas d’infections étaient tombés de 60.000 en 2013 à 28.000 en 2014, son plus bas niveau depuis le déclenchement de l'épidémie. Mais en 2015, l'épidémie de choléra a connu une nette recrudescence et remis en cause les progrès accomplis ces dernières années. En cause, le manque de fonds, le départ de nombreuses ONG et la chute du nombre de centres de traitement.

Le dernier rapport, publié le 4 août par l'épidémiologiste français Renaud Piarroux, n’est pas des plus rassurants : «De janvier à juin 2016, plus de 21.000 cas et 200 décès ont été recensés en Haïti et la perspective d'une saison des pluies qui se prolongera jusqu'en novembre ou peut-être jusqu'en décembre nous laisse craindre un bilan particulièrement meurtrier du choléra cette année, la barre des 400, voire des 500 décès pouvant aisément être franchie.»
 
Le choléra a frappé l’un des pays les plus pauvres du monde
La maladie provient d’une souche 01, «du type le plus dangereux». Cette souche est à l'origine de la majorité des flambées de choléra dans le monde, selon l'Organisation mondiale de la santé. En six ans en Haïti, elle a fait près de 10.000 morts et infecté près de 750.000 personnes.

Le choléra, une maladie entérique aiguë causée par la bactérie Vibrio cholerae, entraîne diarrhées, déshydratation, insuffisance rénale et parfois la mort. Elle s’est répandue dans le monde au 19e siècle, à partir de son réservoir d'origine, le delta du Gange en Inde. Haïti n’avait pas été touché depuis plus d’un siècle.
 
 

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