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Guatemala, Honduras, Salvador: les jeunes, premières victimes de la violence

En mars 2017, 40 adolescentes sont mortes dans l’incendie d’un foyer, puis une mutinerie a eu lieu dans une prison pour mineurs au Guatemala. Ces événements mettent en lumière l'inefficacité du système de protection des jeunes dans un pays gangrené par la violence, où les gangs recrutent même des enfants de huit ans. Ce constat vaut aussi pour le Honduras et le Salvador.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min

Guatemala, Honduras et Salvador constituent le tristement célèbre «Triangle du  nord». Lequel voit prospérer les gangs et bat des records de criminalité, avec le taux d'homicides le plus élevé du monde.

Selon les chiffres des instituts médico-légaux, cette région d’Amérique centrale a enregistré en 2014 quelque 15.802 homicides. 4.281 meurtres ont été recensés au Guatemala, 4.942  au Salvador sur les premiers mois de l’année. Au Honduras, rien que sur un semestre, il y a eu 2.628 homicides. Point commun de ces victimes, dont la moitié est décédée de mort violente, elles avaient moins de 25 ans.

Surpopulation et violation des droits de l'Homme
Pour mener à bien leurs activités illicites, les gangs n’hésitent plus à recruter des membres de plus en plus jeunes, des adolescents et même des enfants de huit ans. Leur jeune âge leur évite d’être condamnés ou d’écoper de lourdes peines.

Pour autant, leur placement dans des centres de détention pour mineurs ne fait que les enfermer dans la violence. En cause, notamment, la surpopulation de ces lieux coercitifs, la corruption et les violations des droits de l’Homme.


Revoir le modèle de protection des mineurs au Guatemala
Ainsi, au Guatemala, la mutinerie du 19 mars 2017 dans le centre pénitentiaire Etapa II a pour origine les sévices infligés aux jeunes prisonniers par les surveillants, selon Abner Paredes, le responsable du secteur jeunesse au parquet chargé des droits de l'Homme. Des fonctionnaires de la prison ont été accusés par le passé de mauvais traitements et d’abus sexuels sur les pensionnaires et les détenus.

Quelques jours plus tôt, l'incendie d'un foyer accueillant des adolescents victimes de violences ou en difficulté avait fait 40 morts. Le refuge avait une capacité de 400 places. 540  jeunes garçons et filles s'y entassaient. Le feu avait pris après une punition collective des adolescentes. Elles avaient été mises à l'isolement dans une pièce de 16m² après une rébellion. Une d'entre elles aurait mis le feu à un matelas au bout de 7h d'enfermement.


La directrice de l'ONG ProJustice, Carmen Aida Ibarra, a dénoncé à l’AFP le manque d'implication de l'Etat et la corruption des responsables de ces établissements: «Le foyer, ce n'est pas un refuge, car il y a des plaintes pour des abus et des mauvaises conditions d'alimentation, mais le plus grave c'est que l'on soupçonne le lieu d'encourager la traite de personnes, la prostitution et les  viols.»

Pour Sandra Lopez, de l'ONG Refuge de l'enfance, «le système de protection de l'enfance et de l'adolescence est absent. Et il y a un manque de coordination entre les institutions de l'Etat.»

Après les événements de mars, le président du Guatemala Jimmy Morales a annoncé une réunion d'urgence sur la protection de l'enfance avec des représentants des pouvoirs législatif et judiciaire.

90% des crimes ne sont pas jugés au Honduras
Au Honduras, l’Etat a lancé Gardiens de la patrie, un programme éducatif qui se veut préventif. Lancé début 2017 dans le camp militaire Marte, à 5km de la capitale Tegucigalpa, il a pour but d’inculquer à 28.000 jeunes des «valeurs morales et spirituelles», selon l’armée qui le gère.

Entre 2012 et 2016, plus de 136.000 d'entre eux y ont participé. Ils ont reçu des conseils de bonne conduite dispensés par des religieux et des cours d’éducation sexuelle par des psychologues. Un programme qui a pris de l'ampleur depuis l'arrivée au pouvoir en 2014 du président Juan Orlando Hernandez, lui-même militaire de réserve.

La police a mis en place un programme de prévention auprès de 80.000 jeunes 

Des initiatives qui trouvent leurs limites puisque «une étude menée sur une décennie au Honduras a démontré que 100% de ceux qui avaient participé à des programmes sociaux de réinsertion étaient morts au maximum 7 ans après», précisait Le Monde, dans un dossier.

Mg Emiliani, un évêque cité par le journal, qui a mis en place des programmes sociaux pour sortir les jeunes des gangs, confirme: «Nous réussissions à les en sortir, mais nous avons dû arrêter, car ensuite ils se faisaient assassiner. Ces gangs sont une armée très disciplinée dont tu ne sors pas ou très rarement.»

La violence jusque dans les écoles au Salvador
Au Salvador, les maras (gangs) comptent 72.000 membres actifs et font vivre 300.000 personnes (chiffres de 2014). «Dans ce pays d'Amérique centrale de 6,3 millions d’habitants, situé entre le Honduras et le Guatemala, 1,7 million de personnes ont moins de 29 ans. Août 2015 y a été le mois le plus violent des 20 dernières années avec 911 homicides, dont 340 contre des jeunes âgés de 15 à 24 ans», notait alors Géopolis.

Onze enfants de moins de 1 an à 10 ans ont également été tués dans ce pays sans guerre, considéré comme le plus violent au monde par l’ONU. Selon un rapport, près de 40.000 enfants ont abandonné l'école en 2015, principalement en raison de l’insécurité. 
 

Le gouvernement du président Salvador Sanchez Ceren (arrivé au pouvoir en 2014) a durci la politique répressive. Il refuse toute négociation avec les gangs comme a pu le faire son prédécesseur Mauricio Funes. Et il a promis encore plus de moyens pour la police et l’armée, dont les effectifs ont augmenté de 50% en quelques années.

Pour éviter la répression promise par le gouvernement début mars 2017 après l'assassinat de 11 travailleurs près de la capitale, trois gangs ont prolongé le 28 une trêve des homicides, décrétée une semaine auparavant. Mais pour l'heure, le dialogue n'est toujours pas à l'ordre du jour entre les parties. 

Des forces de l'ordre aux méthodes décriées
Le Conseil de sécurité nationale avait lancé en juillet 2015 le Plan d’El Salvador Seguro censé mettre un terme à la violence. Un programme au coût élevé (2,1 milliards de dollars), aux résultats contestés (selon le site The New York Review of Books), mis en œuvre par des forces de l’ordre, accusées de violations des droits de l’Homme par Amnesty International dans son rapport 2016-2017 sur le Salvador.

Au Guatemala, Honduras, Salvador, les politiques ultra-répressives montrent leurs limites. Si les gangs sont en partie à l’origine de la violence, celle-ci est aussi la conséquence directe de la pauvreté et de la corruption.

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