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Equateur: des mesures énergiques pour reconstruire le pays

Le 16 avril 2016, un séisme d'une magnitude de 7,8 dévaste la côte Pacifique de l'Equateur. Malgré les efforts de plus de 900 secouristes, pompiers, médecins et spécialistes de nombreux pays, le bilan ne cesse de s’alourdir. Plus 600 morts, près de 6.000 blessés et plus de 20.000 déplacés, selon un dernier bilan le 22 avril. Eric Samson, correspondant RFI à Quito, fait le point pour Géopolis.
Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Des secouristes fouillent les décombres de bâtiments effondrés dans le village de Manta, le 21 avril 2016. (REUTERS/Henry Romero)
Nous savons que la zone côtière a été très touchée, mais dans quel état se trouve le reste du pays?
Toutes les provinces sur la côte, comme Santa Elena, Esmeralda ou Manabi, sont les plus touchées. La ville de Manta est détruite à 70% et Pedernales à 60%. Au total, 350 personnes y ont perdu la vie. Si, très vite, les secours ont pu s’organiser sur les régions côtières, leur acheminement aux villes de moyenne importance et aux petits villages reculés n’a pu être effectué que quelques jours après la catastrophe.

Avant le séisme, les routes étaient en partie fermées, praticables de 12h à 6h car endommagées à cause des pluies torrentielles liées au phénomène El Niño. Mais aujourd’hui, presque toutes les routes sont dégagées et les secours ont pu accéder à ces zones. La voie principale qui relie Quito à Santo Domingo dans le nord est rouverte 24h/24. Les caravanes de secours qui se multiplient partout dans le pays et circulent sous la protection de la police peuvent se rendre sans problème dans des villes comme Chone ou Bahia.
 
Les hélicoptères ont pu emmener très vite les blessés. En revanche, il n’y avait plus suffisamment de médicaments ni d’eau potable dans de nombreux villages éloignés. Sur les routes entre Pedernales et El Carmen, on peut voir des gens arrêter les voitures pour leur demander de l’eau. A Pedernales, ces problèmes associés à ceux des cadavres toujours présents dans les ruines entraînent un vrai risque sanitaire de gastro-entérite, dingue, choléra… La solidarité dans le pays a été gigantesque. Les gens se sont rendus dans les supermarchés pour acheter de la nourriture et confectionner des kits de survie pour que des convois puissent les acheminer.
 
Quelles Sont les mesures mises en place par le gouvernement pour aider les gens et reconstruire le pays?
Du point de vue économique, le président Rafael Correa estime le coût de la reconstruction à au moins 3% du PIB équatorien. Les dégâts s'élèvent, selon les premières estimations, de 2 à 3 milliards de dollars (1,77 à 2,66 milliards d'euros). Plusieurs choses sont mises en route. Il va être demandé aux Equatoriens qui gagnent 1.000 dollars par mois d’offrir une journée par mois de leur salaire, deux jours si le salaire est de 2.000 dollars et ce, jusque 5 jours.

(D’autres mesures vont être mises en place : la TVA  passera de 12 à 14% durant un an. Ceux dont le patrimoine dépasse un million de dollars devront verser par ailleurs une contribution équivalant à 0,9% de leurs biens et une taxe exceptionnelle de 3% sur les bénéfices des entreprises va être appliquée, NDLR).

L’état d’urgence qui a été décrété par le vice-président le 17 avril, donne la capacité d’agir au gouvernement. Toutes ces  mesures seront votées sans problème et très rapidement par l’Assemblée nationale. Pour le moment, le gouvernement a développé un fond de 600 millions de dollars pour faire face à l’urgence.

Le pays qui exporte 500.000 barils de pétrole par jour est le plus petit pays de l’Opep. Mais le prix du pétrole ayant chuté et le dollar parallèlement augmenté, le pays vit une situation économique très difficile depuis un an. Mais je pense qu’il s’en relèvera car les exploitations pétrolières n’ont pas été touchées. Les trois principales raffineries du pays tournent à 80% de leur capacité.
Pour autant, cette situation économique risque de s’aggraver fortement à cause de la chute du tourisme qui pourrait s’ensuivre. A Pedernales, presque tous les hôtels et les restaurants se sont écroulés. L’activité touristique et l’économie de cette ville sont anéanties. 

(Le ministère du Tourisme déclare dans un communiqué du 22 avril : «Ce sont les provinces de Manabi et d'Esmeraldas, situées près de l'épicentre du tremblement de terre, qui ont subi le plus de dégâts (mais dans les zones de l'Amazone, des Andes et les Galapagos)… les aéroports, les hôtels, les restaurants, les tour-opérateurs, le transport terrestre, les parcs et les réserves naturelles sont pleinement opérationnels et accueillent des visiteurs.», NDLR).

Le pays va-t-il pouvoir s’en remettre rapidement ? Est-ce que l’Equateur va pouvoir s’en tirer mieux que d’autre pays touchés par des catastrophes?
Il va y avoir une chute du PIB. Les coûts de reconstruction n’ont pas encore été chiffrés. Mais avant même de reconstruire, il faut soutenir des dizaines milliers de personnes pendant plusieurs mois. Reloger les sans-abris. Pour cela, il faut absolument que la vague de solidarité qui est gigantesque ne s’arrête pas.

Le vice-président puis le président ont demandé aux banques et aux petits commerces qui le peuvent de rouvrir pour que la vie économique redémarre, que les gens puissent retirer du cash.

Le pays a réagi très vite par rapport à d’autres, comme Haïti après le séisme de 2010. Rapidement, les secours ont été acheminés, les bulldozers sont entrés en action et la circulation a été rétablie sur les grandes routes. L’électricité a également été rétablie de 70 à 75%. Quand cela n’a pu se faire immédiatement, le gouvernement a fait en sorte que l’électricité marche quand même dans les usines de purification d’eau et les hôpitaux. Souvenons-nous qu’après l'ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans, aux Etats-Unis, les autorités ont mis une semaine pour acheminer de l’eau potable.

Le gouvernement risque aussi d’être confronté au problème du relogement. Notamment s’il ne veut pas que cela se passe comme à l’époque du séisme de Pisco (qui a affecté la côte du Pérou en août 2007). A l’époque, le président péruvien Alan García avait annoncé la mise en place de crédits pour que les gens puissent reconstruire leurs maisons dans les normes. Mais pour en bénéficier, il fallait donner un titre de propriété que la plupart n’avait pas. La population avait alors construit sur des terrains vacants de petites maisons en bambou puis en dur.

Pour éviter cela en Equateur, le gouvernement va donc sûrement devoir revoir le code des constructions, planifier mieux les villes, faire appel à des architectes… Bref, reconstruire de façon plus efficace. De très nombreuses années seront nécessaires pour mettre tout cela en place.

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