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Aysén en a assez

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 1 min

Depuis des années, la colère gronde en Patagonie au Chili, région peuplée d’environ 100 000 habitants qui se sentent abandonnés par le gouvernement national.

En 2011, le projet toujours très controversé de la centrale hydroélectrique Hydroaysé avait mis la région d’Aysén au cœur de l’actualité. Aujourd’hui, ce sont les conditions de vie très difficiles dans cette région qui ont fait descendre de nouveau la population d’Aysen dans la rue.

Au cri de « Debout, Aysén », la capitale de la province, Puerto Aysén, a été le fer de lance du mouvement de contestation.

De nombreuses villes du pays dont la capitale Santiago ont participé à des manifestations de solidarité.

Iván Fuentes, le président du Mouvement social d’Aysén, réclame que le territoire bénéfice d’une classification spéciale et d’aides financières supplémentaires. La Patagonie, totalement isolée du reste du pays du à sa situation géographique, paye le prix fort de cette situation.

Si la décentralisation est au cœur des revendications, la baisse des prix et particulièrement du carburant figurent en bonne place parmi les demandes du mouvement.

Mais Sebastian Pinera, le président du Chili, reste sourd aux souhaits des manifestants. Le gouvernement a envoyé des forces spéciales pour réprimer les manifestations. Il a aussi menacé d’appliquer la loi anti terroriste. Mais cela n’a eu pour effet que de durcir et d’amplifier le mouvement.

« Aysén c’est le Chili » clame-t-on dans de nombreuses villes du Chili, qui apportent leur soutien aux contestataires.

Ce propos est illustré par 15 photos des manifestations qui secouent le pays depuis plus d’un mois.

Il y a un an, la colère avait déjà grondé à Aysén, suite aux projets d’Hydroaysé, gigantesque centrale hydraulique de cinq barrages dont le but est d’alimenter des complexes miniers et Santiago, la capitale.

Le projet très controversé avait été rejeté par la population. De nombreux experts avaient confirmé l’inutilité d’un tel projet alors que le pays possède d’énormes possibilités en énergies renouvelables.

Les conséquences sur l’environnement et la vie des autochtones en seraient catastrophiques, aux dires de ces experts. (REUTERS/Ivan Alvarado)
Aysén, qui se situe à plus de 1300 kilomètres de la capitale, est l’une des plus belles régions du Chili. Un territoire composé de dix-sept parcs nationaux. S’y côtoient glaciers, fjords, forêts majestueuses et rivières parsemées d’îles inhabitées.

Mais derrière cette image d’Epinal, la réalité est beaucoup plus dure pour ceux qui y habitent.

Une seule route mène à ce pays du bout du monde qui souffre de son isolement. (REUTERS/Ivan Alvarado)
Son manque d’infrastructures routières entraîne des disparités sociales et économiques avec le reste du pays. Il est impossible de traverser entièrement la région en voiture.

our relier Puerto Aysén à Puerto Montt, (la plus grande ville de la région), il faut compter une journée de bus.

Pourtant, l’essence, quand elle peut être acheminée, coûte deux fois plus cher que dans le reste du pays. (REUTERS/Stringer)
Les problèmes d’Aysén et les manifestations qui en découlent ont mis au premier plan le problème de la centralisation.

Si « Santiago, ce n’est pas le Chili » peut-on souvent entendre chez ceux qui affichent leur mécontentement, beaucoup de Chiliens sont obligés de déménager vers la capitale pour profiter de ses infrastructures. (REUTERS/Ivan Alvarado)
Il faut compter une journée de bus pour faire les 600 kilomètres de route de Coyhaique, la capitale de la région, à l’université la plus proche, située à Puerto Montt.

Un autre problème majeur de la région est celui des infrastructures sanitaires.

Seuls deux hôpitaux, difficiles d’accès, et un nombre restreint de médecins assurent les services de santé de la région. (REUTERS/Carlos Vera )
Grâce notamment à l'industrie du saumon, de l'énergie hydroélectrique et du bois, la région d'Aysén est l’une des plus prospères du Chili.

Mais les 20 % de croissance en 2011, la plus élevée du Chili, ainsi que les chiffres très bas du chômage ne sont positifs que dans le discours des politiques car les habitants n’en tirent aucun bénéfice. (REUTERS/Carlos Vera)
Si le salaire minimum de 293 euros est le même que dans le reste du pays, le coût de la vie est de 40 à 60 % plus élevé dans la région.

Les produits alimentaires et ceux de premières nécessités, acheminés par bateau du centre et du nord du pays, voient leur prix s’envoler à leur arrivée dans la région.

Les fruits affichent des prix cinq fois plus élevés que ceux pratiqués à Santiago. (AFP PHOTO / Sebastian Silva )
Alors que la Patagonie est traversé de rivières et que de nombreux barrages y sont construits, le coût de l’eau ainsi que celui de l'électricité est deux fois plus élevé que dans le reste du pays.

20 % de ses habitants touchent le salaire minimum, inférieur à 300 euros par mois.

Dans ces conditions, on peut comprendre leur colère quand on sait qu’ils doivent payer 100 euros d’électricité et 80 euros d’eau par mois. (AFP CITIZENSIDE / MARIO TELLEZ )
Les longs hivers rigoureux obligent les habitants à dépenser trois fois plus d’énergie que dans la capitale.

Le bois indispensable au chauffage est deux fois plus cher. Il faut compter en moyenne 150 euros pour le budget du chauffage. (REUTERS/Victor Ruiz Caballero )
Le Mouvement social d’Aysén est composé de pêcheurs, de chauffeurs-routiers, d’agriculteurs, de syndicalistes et d'étudiants.

Les manifestants appartiennent à 25 organisations sociales, syndicats et confédérations paysannes.

Ce sont les pêcheurs, rejoints par l’ensemble des citoyens, qui ont les premiers manifesté, exaspérés par les lois discutées au Congrès favorisant la pêche industrielle.

Installés sur le pont de Puerto Aysen, ils ont monté des barricades pour empêcher les camions de ravitailler la région en carburant. (AFP CITIZENSIDE / MARIO TELLEZ )
Une pétition en onze points a été déposée auprès du gouvernement. 

Refusant toute négociation, le président chilien a envoyé les carabiniers pour mater le mouvement. 

Cette attitude brutale a indigné une grande partie de la population. 

Après plus d’un mois de mobilisation, on dénombre une centaine de blessés parmi les manifestants dont plusieurs ont perdu un œil. (REUTERS/Eliseo Fernandez)
Gaz lacrymogènes, canon à eau ou balles en caoutchouc sont souvent utilisées par les carabiniers lors des affrontements.

Suspendant les négociations, le gouvernement décrète la loi de sécurité de l’Etat, datant de la dictature de Pinochet et décide de poursuivre vingt deux des dirigeants du mouvement social d’Aysen pour avoir troublé l’ordre public pendant les manifestations. (REUTERS/Eliseo Fernandez )
La Confédération des religieux du Chili apporte son soutien aux contestataires d’Aysén.

«Le Mouvement d’Aysén appartient à tout le Chili, en particulier aux gens honnêtes et pacifiques qui sont désormais las d’être victimes de tant d’injustice.» (REUTERS/Ivan Alvarado)
Les médias concentrés principalement à Santiago s’intéressent rarement à ce qui se passe dans les régions reculées du Chili.

Pour autant, cela n’a pas empêché que des mouvements de solidarité se développent dans les principales villes du pays, grâce entre autre aux réseaux sociaux. (AFP PHOTO/Claudio SANTANA )
Les connections internet ayant été coupées, cliquez sur les hashtags Twitter #Aysen et#DespiertaAysen pour en savoir plus. A condition que les réseaux cellulaires fonctionnent encore… (AFP PHOTO/FERRAN MALLOL )

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