Anne Le Friant qui cherche l'histoire des volcans antillais au fond de l'océan
Quel est l’objectif de votre mission ?
Quand un volcan entre en éruption, les cendres sont transportées très loin du volcan par les vents dominants. Si l’éruption se produit sur une île, ces cendres se disséminent en mer et sont ensuite intercalées dans les sédiments marins. En réalisant des forages, on peut remonter dans l’histoire éruptive des volcans, et donc mieux appréhender les risques.
Nous travaillons aussi sur les phénomènes d’instabilité. En clair, les volcans sont un peu construits comme un tas de sable, avec des produits instables qui peuvent être à l’origine de glissements de terrain et générer des avalanches de débris. Quand ces avalanches entrent dans la mer, ils peuvent provoquer des tsunamis, comme en 2003 à Montserrat, lors de l'effondrement du dôme actif du volcan.
D’une manière générale, à terre, les traces des premières éruptions ont disparu, en raison notamment de l’érosion. Pour en retrouver, il faudrait faire d’énormes forages. Ces traces ne sont donc accessibles qu’en mer.
Comment procédez-vous ?
Nous avons choisi trois sites représentatifs de l’arc antillais : Montserrat, la Martinique et la Dominique. A la Martinique, sous 2500 mètres d’eau, nous avons pour l’instant creusé jusqu’à 250 mètres de profondeur au fond de l’océan pour remonter sur plusieurs centaines de milliers d’années.
Mais nous pouvons aller beaucoup plus loin dans le temps : ainsi, à Montserrat, nous avons fait une carotte qui porte sur plusieurs millions d’années. Il est ainsi possible de remonter jusqu’au début du volcanisme. Précisons qu’une carotte a 8 centimètres de diamètre et fait en moyenne 250 mètres de long.
Dans le même temps, nous avons réussi à forer un dépôt d’avalanche en mer, ce que nous appelons un «dépôt d’instabilité». Une telle opération n’avait jamais été réalisée jusque là. Cela va nous aider à mieux comprendre la mécanique de mise en place de ces avalanches. Ce processus s’applique à tous les volcans et intéresse particulièrement nos collègues étrangers.
Qui participe à la mission ? Quel est votre budget ? Et quand connaîtra-t-on les résultats de votre étude ?
Pour les résultats, nous avons un an pour publier les premières données.
Notre mission a un coût très élevé : 7 millions d’euros. Ce coût est d’autant plus élevé que seuls deux bateaux dans le monde peuvent faire ce type de forage : un navire américain, le Joides Resolution (qui, avec son derrick de 60 mètres de haut, peut forer jusqu’à 1 kilomètre) et un japonais.
Nous travaillons dans le cadre d’un programme international financé à un tiers par des pays européens, un tiers par les Etats-Unis et un tiers par le Japon. D’autres nations y participent, notamment l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Notre équipe comprend trente scientifiques originaires de tous ces pays, ainsi qu’un Indien et un Chinois.
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