Présidentielle au Brésil : "Il faut absolument freiner cette déforestation" de l'Amazonie, juge un écologue
Depuis le début du mandat du président sortant Jair Bolsonaro, la forêt a perdu 40 000 km², l'équivalent d'un pays comme la Suisse.
"Il n'est pas trop tard, il faut absolument freiner cette déforestation", estime dimanche 2 octobre sur franceinfo Plinio Sist, écologue et directeur de l'unité de recherche sur les forêts au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement). Sous le mandat de Jair Bolsonaro, la forêt amazonienne a littéralement fondu : elle a perdu 40 000 km², l'équivalent d'un pays comme la Suisse. "Depuis quatre ans, la déforestation ne cesse d'augmenter pour dépasser plus d'un million d'hectares par an", se désole le chercheur.
franceinfo : Est-ce que ce rythme de déforestation est inédit ?
Il n'est pas inédit parce que dans le début des années 2000, on avait des taux de déforestation presque deux fois supérieurs à ceux qu'on a enregistrés lors de ces quatre dernières années. Par contre, il est inédit depuis 2018 car on n'avait pas enregistré de tels taux de déforestation, qui dépasse le million d'hectares. En fait, ce sont les taux de déforestation d'il y a plus de 15 ans.
Quelle était la situation au moment des mandats de Lula, de 2003 à 2010 ?
Lorsque Lula a pris la première présidence, en 2003, on enregistrait presque trois millions d'hectares de déforestation. Le fait marquant des deux mandats de Lula est qu'en huit ans, il a réussi à réduire la déforestation de 80%. On est passé en 2004 de 2,7 millions d'hectares de déforestation pour passer à 460 000 en 2012. Une réduction donc très significative.
Est-ce qu'aujourd'hui nous sommes à un point de bascule ?
Dans certaines régions, notamment dans le sud de l'Amazonie, on voit des phénomènes de changement de végétation. Les saisons sèches deviennent de plus en plus importantes et plus longues. Donc la végétation s'adapte à des conditions climatiques différentes.
Cependant, on ne peut pas généraliser à tout le bassin amazonien. L'Amazonie brésilienne représente plus de 400 millions d'hectares et le centre de l'Amazonie est quand même relativement encore bien préservé. Donc il n'est pas trop tard, il faut absolument freiner cette déforestation. Ajoutons également à cela, les phénomènes de dégradation qui sont tout aussi importants que la déforestation. C'est une lutte à la fois contre la déforestation et la dégradation qu'il faut reprendre au plus vite.
Jair Bolsonaro est-il directement responsable de l'accélération de la déforestation ?
Il a coupé les budgets des agences d'Etat de protection de l'environnement. Il a réduit le budget du ministère de l'Environnement, qui est au plus bas depuis l'an 2000. Il a réduit le budget de la Fondation des peuples autochtones qui n'a pratiquement plus de budget. Sous son mandat, depuis quatre ans, la déforestation ne cesse d'augmenter pour dépasser encore une fois plus d'un million d'hectares par an.
Il a un peu une vision des années 1970 où il y avait une volonté de développer économiquement l'Amazonie, le slogan étant "Des terres sans hommes pour des hommes sans terre".
"Aujourd'hui, avec pratiquement 20% de l'Amazonie qui a été déforestée et plus de 20 millions d'hectares de terres dégradées en arrière du front pionnier, il n'y a aucune raison de déforester pour le développement économique de l'Amazonie"
Plinio Sist, écologueà franceinfo
D'ailleurs, lorsque la déforestation a baissé sous Lula, cela n'a pas créé plus de pauvreté que les années précédentes.
En cas de victoire de Lula, les choses peuvent-elles réellement changer ?
Lula sera peut-être le président. Mais il y a également des élections locales du Congrès. Le Brésil est un Etat fédéral avec des élections pour les assemblées de ces Etats. Donc Lula doit aussi être appuyé localement par des personnes politiques qui veulent défendre l'Amazonie. Mais sur la scène internationale, il part avec déjà une certaine confiance puisqu'il a prouvé lors de ses mandats qu'il était possible de lutter contre la déforestation et que ce n'était pas une fatalité.
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