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Comment les Zimbabwéens ont réussi à chasser le «vieux lion» Robert Mugabe

Jusqu'à la dernière minute, Robert Mugabe s'est accroché au pouvoir. La menace d'une destitution a fini par le faire céder. Sa lettre de démission a été lue par le président du Parlement le 21 novembre 2017. Retour sur la stratégie en quatre temps que les Zimbabwéens ont dû déployer pour se débarrasser d'un héros national devenu dictateur.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4 min
A Harare, la capitale, les Zimbabwéens célèbrent la démission de Robert Mugabe le 21 novembre 2017 (ZINYANGE AUNTONY / AFP)

La méthode zimbabwéenne pour en finir avec un despote devrait faire date dans les annales de la politique africaine. A 93 ans, c'est par une lettre envoyée au Parlement que Robert Mugabe a (finalement) renoncé le 21 novembre 2017 à la magistrature suprême après trente-sept ans de règne.

Mais il n'a pas été aisé de déloger le «vieux lion». La classe politique et les Zimbabwéens, qui ont maintenu la pression dans la rue, ont dû procéder par étapes pour pousser l'ancien héros national vers la sortie. 

Etape 1: l'armée organise un coup d'Etat qui n'en serait pas un
D'abord, un coup d'Etat d'un nouveau genre fait son apparition au Zimbabwe. Pour la première fois depuis l'indépendance du pays en 1980, les blindés de l'armée prennent position dans la nuit du 14 au 15 novembre 2017 à Harare, la capitale.

L'opération se déroule en douceur, officiellement sans faire de victimes. Seuls quelques coups de feu sont tirés autour du «Toit bleu», la propriété du chef de l'Etat, aussitôt placé en résidence surveillée avec sa famille.

Un porte-parole de l'état-major s'invite à l'aube à la télévision nationale pour assurer qu'il ne s'agit pas là d'un coup d'Etat mais juste d'une opération contre les «criminels» de l'entourage du président, en l'occurrence les partisans de Grace Mugabe. L'Union africaine a d'ailleurs indiqué le 21 novembre 2017 qu'elle «n'avait pas assisté à un coup d'Etat» au Zimbabwe. 

Quelques jours plus tôt, Robert Mugabe a dû penser la même chose. Il n'a pas cédé à la pression de l'armée le 16 novembre 2017, alors qu'il rencontrait pour la première fois les généraux qui le poussent vers la sortie. Il avait ainsi sèchement refusé de leur remettre sa démission.

Capture d'écran de la chaîne nationale zimbabwéenne, la Zimbabwe Broadcasting Corporation (ZBC), faite le 16 novembre 2017, montrant le président Robert Mugabe qui pose aux côtés du général Constantino Chiwenga (à droite) et de l'envoyé spécial sud-africain à Harare. C'est la première image officielle du chef de l'Etat après le coup d'Etat de la nuit du 14 au 15 novembre 2017.  (ZBC / AFP)


Etape 2: les vétérans tournent le dos à leur ancien compagnon de lutte
Les généraux n'ont pas obtenu gain de cause. Les vétérans de la guerre d'indépendance entrent donc en scène et désavouent leur ancien camarade de guerre. «La partie est finie», lance leur chef Christopher Mutsvangwa le 17 novembre 2017.

«Il doit démissionner. (...) Nous pouvons finir le travail commencé par l'armée», déclare-t-il en appelant la population à se mobiliser massivement le lendemain, le 18 novembre 2017, au stade de Zimbabwe Grounds, dans la banlieue de Highfield à Harare. Un lieu symbolique puisque c'est là que Robert Mugabe avait fait son premier discours à son retour d'exil en 1979, à la fin de la guerre d'indépendance.

Etape 3: la Zanu-PF le déchoit de la présidence
Puis, c'est au tour du parti qu'il a fondé, la Zanu-PF (au pouvoir), de le lâcher. Réunie en urgence le 19 novembre 2017, la formation politique lui retire son mandat de président du parti et exclut son épouse de ses rangs.


​Les responsables de la Zanu-PF annoncent que la démission de Mugabe est imminente et qu'ils devraient s'adresser à la nation pour l'officialiser. C'est peine perdue. Ce dernier prononce un discours ubuesque et finit par souhaiter «une bonne nuit» à ses compatriotes. Mais il n'est toujours pas question de démission. 


Etape 4 : la menace de la destitution
Pour la Zanu-PF, la résistance qu'oppose le dirigeant zimbabwéen rend inexorable une procédure de destitution. Elle est programmée pour le 21 novembre 2017. C'est l'ultime pression à laquelle le plus vieux dirigeant en exercice de la planète va céder. Robert Mugabe a annoncé sa démission dans une lettre envoyée au président de l'Assemblée nationale qui débattait depuis le début de l'après-midi de sa destitution.



«Moi, Robert Gabriel Mugabe (...) remets formellement ma démission de président de la République du Zimbabwe avec effet immédiat», a lu Jacob Mudenda, provoquant un tonnerre d'applaudissements dans les rangs des élus. Robert Mugabe a démissionné alors même que le président sud-africain, Jacob Zuma, et son homologue angolais, Joao Lourenço, avaient annoncé leur venue pour le lendemain, à Harare, afin de le convaincre d'abandonner le pouvoir.


Emmerson Mnangagwa, son ancien vice-président dont le limogeage est à l'origine de sa chute, devrait succéder à Robert Mugabe. Il a déjà été désigné le 19 novembre 2017 pour remplacer l'ancien président à la direction de la Zanu-PF et il sera le candidat du parti à la présidentielle de 2018.

L'exil de cet ancien bras droit du président sortant, surnommé le «crocodile», devrait par conséquent prendre fin dans quelques heures. La Zanu-PF a décidé de l'investir à la présidence de la République le 24 novembre 2017.  
 
 
 
 

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