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La montée du phénomène djihadiste en Tunisie

Dans un contexte très tendu, marqué par l’assassinat d’un député d’opposition, Mohamed Brahmi, huit militaires ont été tués, le 29 juin 2013, lors d’une embuscade au mont Chaambi, à l’ouest du pays, dans une zone proche de l’Algérie. Depuis 2011, des heurts sporadiques y opposent l’armée à des djihadistes liés à Al Quaïda.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Militaires tunisiens patrouillant dans la zone du mont Chaambi, non loin de la frontière algérienne, le 11 juin 2013. (Reuters - Stringer)

Selon le site tunisien directinfo, les militaires «effectuaient un ratissage de la zone de la montagne Chaambi, laquelle avait été décrétée zone militaire fermée par le ministère de la Défense». «Une fois que les soldats ont été abattus, ils ont été égorgés et leurs vêtements déchirés», a rapporté une source militaire. La télévision tunisienne, qui a annulé ses programmes habituels, a montré des images des victimes. Elle a diffusé des versets du Coran et des chants patriotiques. A noter que la tragédie intervient en pleine période du ramadan.
 
Dans la nuit, des manifestations de colère, regroupant quelques centaines de personnes, ont eu lieu à Kasserine, ville voisine du djebel Chaambi. Les manifestants réclamaient la démission du gouvernement. Des heurts ont opposé des adversaires et des partisans du gouvernement dominé par les islamistes d’Ennahda.  

Qui a assassiné Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi ?
Depuis la révolution du 14 janvier 2011, la Tunisie est confrontée à un essor de groupuscules islamistes radicaux. Selon les autorités, ils sont responsables de l’attaque contre l’ambassade des Etats-Unis en septembre 2012 et de l’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd en février 2013. Ces sources ont affirmé que l'arme qui a tué ce dernier a également servi contre Mohamed Brahmi le 25 juillet 2013.

Véhicules militaires déployés à Kasserine, capitale de la région du mont Chaambi, le 7 mai 2013. (AFP - Abderrazek Khlifi)

Officiellement, les auteurs sont des salafistes djihadistes proches d’Ansar Asharia, principal groupe salafiste djihadiste du pays, interdit, mais que les autorités hésitent à démanteler. Des accusations rejetées par ce groupe. Le principal suspect est «manifestement» un Franco-Tunisien, Boubakeur El Hakim, condamné à sept ans de prison assortis d'une période de sûreté des deux tiers, a indiqué une source française qui suit le dossier.

Le phénomène djihadiste n’est pas nouveau en Tunisie et existait avant le renversement du régime de Zine el Abidine Ben Ali. Fin 2006-début 2007, l’armée avait ainsi combattu un groupe d'une trentaine de djihadistes tunisiens et algériens à Soliman, à une quarantaine de kilomètres de Tunis.

Engrenage
Pour autant, l’engrenage s’est intensifié depuis 2011. En mai de cette année, des heurts avaient entraîné la mort de deux militaires et de deux islamistes à la frontière algérienne dans la zone montagneuse à l’ouest du pays, isolée et difficile d’accès. Selon un (excellent) article du Monde y «figurait Abdelwaheb Hmaied, une figure connue d'al-Qaida au Maghreb islamique» (AQMI). Deux autres djihadistes avaient été tués en février 2012 à Bir Ali Ben Khlifa, non loin de la ville portuaire de Sfax (300 km au sud de Tunis). Et en 2013, les découvertes de caches d’armes sont devenues de plus en plus nombreuses. Petite précision : ces équipements proviendraient notamment de Libye.

Apparemment, les autorités, «tiraillées entre le devoir d'informer et la crainte de nuire à l'image de la Tunisie», observe Le Monde, minimisent le phénomène. Et ne sont guère bavardes sur les évènements du djebel Chaambi. Résultat : les rumeurs les plus folles circulent dans le pays…

La première victime de la guérilla larvée dans la région date de décembre 2012.
 
Membres des forces spéciales tunisiennes montant la garde à Kasserine, capitale de la région du mont Chaambi, le 7 mai 2013. (AFP - Abderrazek Khlifi)

Les opérations menées par l’armée ont permis de découvrir «des huttes, des souterrains et des caches dans les nombreuses grottes du massif qui contenaient des vivres, des plans, des puces téléphoniques, des documents et de l'ammonitre» (engrais utilisé comme explosif), rapporte Le Monde.

Selon le ministère de l'Intérieur, les combattants du mont Chaambi comptent des membres d'Ansar Asharia. «Le groupe, qui s'est donné pour nom la katiba Oqba Ibn Nafi, du nom du conquérant musulman qui a fondé la ville sainte de Kairouan au VIIe siècle, a été identifié, et des portraits de djihadistes, encore imberbes, diffusés. "Sur trente-cinq hommes, onze sont algériens, précise l'officier de police Mohamed Ali Aroui, porte-parole du ministère de l'intérieur. Leur but est d'établir un camp d'entraînement et d'y attirer des jeunes recrues"», explique Le Monde. Le groupe, où évolueraient également des Libyens, compterait des vétérans de la rébellion islamiste au Mali. D’une manière générale, il entretiendrait des relations suivies avec les djihadistes combattus dans ce pays par l’armée française.
 
Commentaire du site directinfo: «Le cycle de la mort continue dans un pays qui a toujours aimé la vie. Le terrorisme n’a pas de patrie. Et les  discours de violence, ceux cultivés dans les mosquées où nous sommes censés prier et appeler à la tolérance et à l’amour de l’autre, ont semé les graines de la haine.  Le feuilleton vient tout juste de commencer. C’est pour quand la fin ?»

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