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Tanzanie : le débat pour un téléphérique sur le Kilimandjaro est relancé

Assurer une partie de l'ascension du mytique sommet africain grâce à une télécabine développerait la fréquentation touristique. Les puristes du trekking dénoncent un non sens.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Le mont Kilimandjaro culmine à 5 895 mètres d'altitude. Le plus haut sommet d'Afrique est la destination rêvée  des trekkers. (DENIS-HUOT MICHEL & CHRISTINE / / HEMIS.FR)

Le projet est en débat depuis quelques années sans qu'on sache s'il verra le jour ou pas. Or, s'exprimant il y a quelques jours, le ministre tanzanien des Ressources naturelles et du Tourisme Damas Ndumbaro a relancé l’affaire. Selon lui, le projet (voulu par son ministère) est bien un objectif du gouvernement, alors même que le Premier ministre Kassim Majaliwa s’est montré plus réservé lors d’une adresse aux porteurs du projet. "Vous avez une tâche ardue de convaincre le gouvernement sur le projet", a-t-il déclaré. Clairement, les carottes ne sont pas cuites.

Economie touristique contre environnement

Selon des chiffres officieux, 56 000 touristes escaladent chaque année le mont Kilimandjaro. Cela génère un chiffre d'affaires de 50 millions de dollars, et les randonneurs font notamment vivre des porteurs et des guides de montagne issus des populations locales.


(Traduction : "Kilimandjaro 2022 achevé sans dommage. Cela aurait été impossible sans le travail titanesque des porteurs tanzaniens, qui emportent une charge de 20 kilos à 5 895 mètres d’altitude.")

Earth's Edge, tour opérateur spécialiste des trekks, le précise : "Le Kilimandjaro n'est pas un sommet que vous pouvez gravir seul. Il est obligatoire de grimper avec un guide, et des porteurs pour votre équipement."

Il y a sept voies d’ascension possibles, de la moins difficile à la plus ardue, pour atteindre le sommet (Uhuru Peak) situé à 5 895 mètres d'altitude de cette mythique montagne solitaire d’Afrique. Le "Kili" n’est pas un sommet exigeant selon les spécialistes. C'est souvent le premier sommet de haute altitude réalisé par les trekkers. Ils y apprennent à gérer le manque d'oxygène lié à l'altitude et à marcher sur le long terme (six jours).

Le tracé du téléphérique longerait la voie Machame, la plus populaire, qui grimpe de façon régulière en traversant des paysages différents, de la forêt tropicale aux glaciers. Les quinze cabines prévues partiraient de l'altitude 1 800, à l’entrée du sentier Machame, mais n'atteindraient pas le sommet, s’arrêtant à l’altitude 3 700 sur le plateau volcanique de Shira, aride et austère. La facture est estimée à 72 millions de dollars.

A partir de 3 000 mètres d'altitude, l'ascension du Kilimandjaro se complique. Il faut obligatoirement des porteurs pour accéder aux lieux. (PETER MARTELL / AFP)

C'est le principal reproche fait au projet. Casser le mythe d'une montagne vierge, qui fait partie du cercle prestigieux des Seven Summits, les sept points les plus élevés du globe.

Aucune de ces montagnes n'accueille de remontée mécanique. "J'ai escaladé l'Everest six fois et je sais par expérience pourquoi les touristes choisissent le Kilimandjaro et la Tanzanie. C'est le paysage vierge d'une montagne unique et indépendante", explique le Suisse Karl Kobler, directeur d'une agence de trekking.

Tourisme de masse

Le téléphérique ouvre le Kilimandjaro aux promeneurs, en gommant les difficultés. Le tracé ne s'intéresse également qu’au secteur de la forêt tropicale, s’arrêtant sur le plateau rocheux. Or, le ministère du Tourisme tanzanien n’y voit aucune trahison. Il s'agit d'offrir aux touristes âgés ou handicapés, mais aussi aux non sportifs un bout de montagne. De quoi accroître les visites et bien sûr les recettes touristiques. Une étude menée en 2019 a montré qu’une telle infrastructure augmenterait de moitié le nombre de touristes en Tanzanie.

"Le Kilimandjaro perdra sa réputation de grande et belle merveille, devenant à la place une distraction bon marché et facile sans conséquence", estime un agent de voyage basé aux Etats-Unis.

Troupeau d'éléphants dans le parc national d'Amboseli, au Kenya. (CARL DE SOUZA / AFP)

A Zermatt, en Suisse, 425 000 touristes montent chaque année au Matterhorn Glacier Paradise grâce, depuis 2016, à un téléphérique ultra moderne. "L'attractivité de Matterhorn Glacier Paradise comme but d'excursion est accrue d’autant, non seulement pour les skieurs et les alpinistes, mais aussi pour les visiteurs simplement désireux d'apprécier le panorama grandiose", explique le site internet.

Tel est l’enjeu. Ouvrir le Kilimandjaro à tous au risque d'en faire un parc d’attraction ou le maintenir dans son cadre sauvage et le réserver aux plus aguerris.

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