Le président al-Béchir jette du lest face à la contestation sans baisser la garde
Libération de détenus, promesses de développement en milieu rural, changement de ton, le président Omar al-Béchir tente de passer au travers du soulèvement le plus menaçant qu'il ait connu en 30 ans de règne. Il continue toutefois à mettre en garde contre une déstabilisation de l’Etat.
Confronté depuis le 19 décembre 2018 à des manifestations quasi-quotidiennes réclamant "la chute du régime", le président soudanais semble vouloir changer de méthode.
Après avoir traité les manifestants de "rats" leur demandant de "regagner leurs trous", Omar al-Béchir a opté pour un ton plus conciliant à leur égard. Il a même invité le 6 janvier 2019 des journalistes au palais présidentiel pour une "conversation sur les récents événements" pour le faire savoir.
Des "motivations raisonnables" et des revendications "légitimes"
"La plupart des manifestants sont des jeunes que certains facteurs poussent à descendre dans la rue, comme l'inflation (...), les opportunités restreintes de trouver un emploi correspondant aux diplômes obtenus", a-t-il déclaré, selon l’AFP.
Un changement de tactique préfiguré par d’autres déclarations de hauts responsables. Le ministre de la Défense avait reconnu la veille que les jeunes qui participent à la contestation étaient animés par des "motivations raisonnables" et le Premier ministre, Moataz Moussa, avait jugé "légitimes" les appels à une amélioration des conditions de vie, deux jours auparavant.
Omar al-Béchir reste malgré tout méfiant et met en garde contre toute velléité de déstabiliser l’Etat. "Vous pouvez voir ce qui s’est passé en Libye", a-t-il prévenu, prenant en exemple ce pays en proie au chaos depuis le soulèvement qui a débouché sur la chute du régime de Kadhafi en 2011.
Autres gestes d’apaisement, le ministère de l’Information a indiqué que le chef des renseignements et de la sécurité du Soudan avait ordonné la libération de toutes les personnes arrêtées lors des manifestations. De son côté, le président assure lui-même que tous les journalistes interpellés allaient être remis en liberté.
Selon les ONG de défense des droits de l’Homme, plus de 1000 manifestants, dont des dirigeants de l’opposition, et 16 journalistes ont été arrêtés dans le pays depuis le début du soulèvement.
Al-Béchir promet l'eau potable et l'électricité aux régions
Enfin, soucieux de ramener le calme en milieu rural où de nombreux villages ont pris part aux manifestations, al-Béchir a multiplié les promesses. En déplacement dans l’Etat du Kordofan-nord, il a promis devant des centaines de villageois de fournir de l’eau potable à toutes les régions et de construire un nouvel hôpital pour leur région.
Dans ce discours, prononcé dans la foulée de l’inauguration d’une nouvelle autoroute de 340 kilomètres reliant cet Etat à Omdourman, ville-jumelle de la capitale Khartoum, il s’est voulu rassurant.
"Construire une telle route dans les conditions économiques actuelles n'est pas une chose aisée à accomplir", a-t-il dit ajoutant: "Le long de cette route, nous allons apporter de l'électricité pour stimuler la croissance de la région".
Des gestes qui n’ont apparemment toujours pas produit leur effet. La correspondante de Channel4News à Khartoum a publié sur son compte Tweeter des photos de centaines de manifestants, le 7 février, en plein centre de la capitale, et l’agence turque Anadolu Agency faisait état de tirs de grenades lacrymogènes pour les disperser.
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