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«Wax & co»: la saga du tissu imprimé qui a conquis l'Afrique

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 1 min
L’anthropologue Anne Grosfilley a présenté, le 21 septembre 2017, son nouveau livre «Wax & Co. Anthologie des tissus imprimés d'Afrique» (Editions de La Martinière). Depuis 20 ans, elle voyage sur le continent et a pu ainsi se créer une importante collection d'étoffes. Dans cet ouvrage magnifiquement illustré, elle raconte l’histoire méconnue de ces imprimés.

Le wax (cire en anglais), un textile de coton imprimé et ciré sur ses deux faces pour garder l'éclat des teintures, est aujourd’hui mondialement connu. Ce tissu, «né au milieu du XIXe siècle, est le fruit d’une longue histoire entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie», explique Anne Grosfilley.

A la fin du XIXe siècle, les colonisateurs anglais et hollandais de l’Indonésie s’inspirent du batik javanais, une méthode d’impression sur tissu. Séduits par ces imprimés, les Ghanéens qui combattent auprès des forces armées hollandaises, emportent les précieux batiks dans leurs bagages.

Les premières usines voient le jour en Grande-Bretagne. Mais très vite, les Hollandais perfectionnent la technique et industrialisent à grande échelle le wax qu’ils destinent d’abord au marché indonésien. Mais le succès ne sera pas au rendez-vous car les Indonésiens trouvent sa qualité médiocre. Une fois arrivé au Ghana, ce tissu séduit les Ashantis, une population locale. Puis grâce aux Nana Benz, des femmes d’affaires et commerçantes togolaises qui règnent en maître sur le commerce du tissu, le wax va largement se diffuser en Afrique de l’ouest.

Aujourd’hui, il existe quatre sortes de wax: hollandais, anglais, africain et chinois.

Le plus prestigieux est le wax hollandais fabriqué par l’entreprise Vlisco, fondée en 1846. Elle possède plus de 300.000 motifs dans ses tiroirs. Le tissu anglais, moins prisé que son homologue néerlandais, est, lui aussi, un produit de haute qualité. Quant au wax africain, il est fabriqué sur le continent et utilisé principalement pour le prêt-à-porter. Reste le wax chinois : d’une qualité médiocre, il est destiné aux petits budgets.
 
Depuis plusieurs années, ce tissu imprimé est célébré sur les podiums des grands couturiers internationaux.

Mais comme l’explique Anne Grosfilley: «L’African print n’est pas qu’un style à la mode. L’appellation désigne des textiles dont on se pare, chargés d’émotions, de sens évoluant selon le moment, et qui ne sauraient être réduits à de simples ‘‘impressions d’Afrique’’ (…). Combinant des influences diverses, ces étoffes intègrent et relatent les bouleversements opérés au XXe siècle et expriment les espoirs du XXIe siècle. Elles ont non seulement investi l’héritage africain au point d’être des marqueurs identitaires, mais font aussi partie du patrimoine de l’humanité.»

l’empire bri­tannique s’est établi en Gold Coast et a scellé des liens avec les royautés locales, notamment l’Asantehene, le souverain des Ashantis». Les dessinateurs de wax ont puisé leurs motifs dans les attributs des chefferies : sceptre, tabouret, chasse-mouche, le dais des dignitaires en forme de parasol, les colliers de perles vénitiennes millefiori servant de monnaie d’échange et parant les rois akans...  (Vlisco Group  )
 après avoir minutieusement fait décalquer un dessin, en modifient toujours habilement quelques détails afin de ne pas risquer une condamnation devant les tribunaux pour exploitation illégale. Assumant pleinement leur statut de copieurs, certaines concèdent sur les lisières que leurs tissus sont ‘‘made as Holland’’. En Afrique, il arrive qu’un dessin original de Vlisco parvienne par des voies détournées à un dessinateur de fancy (mot anglais signifiant fantaisie. Après avoir désigné des étoffes de grande qualité, le terme fancy ou fancy print renvoie à présent à des cotonnades imprimées bon marché desti­nées à l’Afrique subsaharienne). C’est parfois après que la reproduction d’un dessin hollandais en wax nigérian a rencontré le suc­cès que l’on demande à une usine locale de le décliner en fancy. Il s’agit alors d’une sorte de réinterprétation au second degré». (Vlisco Group )
le wax initie un lan­gage du pagne dont les subtili­tés perpétuées de génération en génération s’étendent jusqu’au champ amoureux. Aussi la femme saura-t-elle faire de l’élégance une arme pour exprimer, sans aucun éclat de voix, ses senti­ments ou ses doléances à son soupirant, son mari, ou encore une rivale. Dans cette Afrique où les pratiques matrimoniales admettent la polygamie et la monogamie, la coépouse tendra à vouloir s’assurer le rang de préférée, tandis que l’épouse unique soupçonnera peut-être un ‘‘deuxième bureau’’, c’est-à-dire une maîtresse, d’être source de conflits». (Vlisco Group )
peut renvoyer aussi aux contes akans avec l’araignée Anansé, le porc-épic emblématique du Ghana, ou encore la tortue. D’autres animaux célèbrent tout simplement la beauté, à l’instar des nombreux papillons, paons et oiseaux indonésiens.» ( Cha Textiles Ltd)
hormis les contrefaçons de sacs de luxe français, est d’assortir ses escarpins unis à son sac à main, le tout coordonné à la teinte dominante de la tenue en wax. Ainsi le dressing arc-en-ciel des femmes travaillant dans le secteur tertiaire supérieur regorge-t-il d’accessoires vernis bleus, rouges, violets, oranges, verts… qui s’accordent parfaitement et complètent le vêtement avec beaucoup d’éclat. De type occidental mais de facture chinoise, ces accessoires se déclinent jusque dans les dessins de wax, où les motifs d’escarpins et de chaussures Salomé du wax prestige VIP côtoient ceux de sacs à main, de lunettes de soleil et de boucles d’oreille». (Vlisco Group )
Symbole de progrès et d’un certain confort, elle centralise les produits visibles de la mondialisation, les biens de consommation, les moyens de communication. (…) La ville facilite l’accès à l’eau et à l’électricité malgré des coupures et délestages persistants, et on y trouve par voie de conséquence certains équipements de confort. La douche remplace le seau pour la toilette ; les climatiseurs et ventila­teurs rafraîchissent l’air et éloignent les mous­tiques vecteurs du paludisme». (Vlisco Group )
à l’effigie des grands hommes accompagne les mou­vements de l’histoire en Afrique. L’image des leaders s’y décline, des chefs traditionnels aux chefs d’État et parfois celle de personnalités étrangères. Ainsi pagnes et voiles contribuent-ils à ‘‘écrire’’ l’histoire du continent. Leurs dessins sont alors stéréotypés, avec portrait photographique – souvent en costume-cravate – inscrit dans un médaillon, et mention en lettres capitales du nom du personnage en effigie». (Cha Textiles Ltd )
Editions de La Martinière (Un livre d'Anne Grosfilley)

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