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Somalie: des étudiants volontaires enseignent aux enfants les plus démunis

Prenant sur leur temps scolaire, une trentaine de jeunes étudiants somaliens se sont portés volontaires pour donner des cours gratuits à quelque 600 enfants déplacés par la guerre et la famine et vivant dans quatre camps autour de la capitale Mogadiscio.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
L'étudiant universitaire Yahye Mohamed apprend à lire, écrire et compter aux enfants et adolescents somaliens déplacés, en tant qu'enseignant bénévole dans une école de fortune au camp de Badbado à Mogadiscio, en Somalie, le 25 juin 2018.  (Mohamed ABDIWAHAB / AFP)

«Rien n'est facile ici, certains cours se donnent à l'ombre des arbres, d'autres dans des abris de fortune. Mais nous sommes contents parce que notre moral et celui des enfants est bon», confie Abdirashid Abdulahi, étudiant en médecine et l'un des fondateurs du groupe.

Apprendre aux enfants à lire, écrire et compter 
Ils sont 30 volontaires, la plupart issus comme lui d'universités locales, à intervenir auprès de 600 élèves âgés de 6 à 15 ans dans quatre centres situés près des camps de déplacés de la capitale.
 
«Tout ce qui compte, c'est l'objectif positif que nous cherchons à atteindre ensemble», dit Abdirashid Abdulahi: apprendre aux enfants à lire, écrire et compter.
 
Les camps de personnes déplacées par la dernière grande famine en 2011 – qui avait fait 250.000 morts – ou fuyant les combattants islamistes radicaux shebabs enserrent la capitale somalienne. Ces endroits sordides accueillent les personnes parmi les plus déshéritées, sans biens ni terres ni argent, et n'ayant que peu d'espoir pour l'avenir de leurs enfants.
 
Les volontaires, eux, ont été plus chanceux. Ils ont pu étudier. «Après avoir observé le manque de centre éducatifs gouvernementaux pour les communautés les plus démunies, nous avons décidé, en tant qu'universitaires, d'aider les gens dans le besoin dans les camps de déplacés de Mogadiscio», explique Abdirashid Abdulahi, 20 ans. «Nous n'avons rien d'autre à donner à ces gens que notre temps pour les éduquer.»
 

Pour les plus pauvres, il n'y a que les écoles coraniques
Le système éducatif, comme beaucoup d'autres services publics, a été perturbé en Somalie par des décennies de guerre civile. Si les écoles privées se sont multipliées à Mogadiscio, elles ne sont accessibles qu'aux plus privilégiés.
 
Pour les plus pauvres, la seule éducation reçue est le plus souvent assurée par des écoles coraniques, où la religion est l'unique objet d'étude.
 
«Je tiens un centre où j'enseigne le Coran et d'autres cours islamiques», déclare Moalim Ali Derow, qui possède une madrassa près d'un camp de déplacés.
 

Moalim exonère des frais d'inscription les familles les plus pauvres. «Les parents n'ont pas les moyens de payer et la plupart des madrassas du quartier enseignent aux étudiants des camps qui ne peuvent pas payer. Nous leur enseignons au nom d'Allah», dit-il.
 
Les jeunes volontaires, eux, dont certains n'ont pas encore fini leurs études, apprennent aux enfants les bases de la lecture, de l'écriture et du calcul. Et en offrant ainsi un peu de leur temps, ils leur montrent aussi l'importance de la solidarité et de l'espoir.
 
Les volontaires comblent les lacunes gouvernementales
«Nous avons eu la chance que nos parents aient les moyens de financer nos études, mais qu'en est-il de ces enfants? N'ont-ils pas le droit à une éducation, eux aussi?», se demande Yahya Mohamed, un volontaire de 25 ans, étudiant en administration publique.
 
«Même si leurs familles sont déplacées et sans ressources, je pense qu'il en va de notre responsabilité, en tant que personnes éduquées, de les aider», insiste-t-il.
 
Vêtue de guenilles, Hasno Daud, 6 ans, est assise dans la poussière au pied d'un arbre, tenant un livre et un stylo. Son ambition est claire: «J'ai besoin d'étudier pour devenir infirmière à l'avenir, ainsi je pourrai soigner des patients à l'hôpital», s'enthousiasme-t-elle.
 
Les parents et les leaders communautaires sont satisfaits de l'initiative. «Nous avons vraiment bénéficié de l'opportunité qu'ils nous ont donnée d'éduquer nos enfants alors que nous ne sommes pas en mesure de payer les frais de scolarité», apprécie Mako Sheik Isack, 42 ans, une mère de six enfants vivant dans le camp de Badbado, dans le sud de Mogadiscio.
 
Abdullahi Mohamed, un notable de Badbado âgé d'une cinquantaine d'années, estime que les étudiants accomplissent une tâche délaissée par le gouvernement. «Ce que font ces jeunes volontaires est remarquable. Le gouvernement a la responsabilité d'aider les camps à fournir une éducation de base aux enfants, mais il n'assume pas bien ce rôle», a-t-il déploré.

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