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Sénégal : à Dakar, le vert d'un Central Park plutôt que le gris du béton pour remplacer l'ancien aéroport international ?

Certains rêvent de transformer les terrains de l'ancien aéroport international Léopold Sedar Senghor en un poumon vert pour la capitale sénégalaise. Mais d'autres projets sont en gestation. Notamment une "Cité des affaires de l'Afrique de l'Ouest"...

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas - Avec AFP
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
Vue sur l'aéroport Léopold Sedar Senghor à Dakar, le 11 février 2020. (SEYLLOU / AFP)

Pourquoi ne pas transformer les 600 hectares de l'ancien aéroport Léopold-Sédar-Senghor à Dakar, fermé au trafic international en 2017 avec l'ouverture de l'aéroport Blaise-Diagne, en un Central Park (du nom du célèbre parc urbain new-yorkais d'une surface de 341 hectares) où les 3,7 millions d'habitants de la capitale sénégalaise viendraient s'oxygéner ? C'est le sens d'une pétition lancée en janvier 2020 par Mamadou Sakho, 34 ans. Une pétition qui a déjà récolté plus de 20 000 signatures.

"Cerné par un développement urbain croissant, l’aéroport Léopold Sédar Senghor de Dakar ne présentait plus une garantie de sécurité et n’était plus à même d’absorber l’évolution du trafic", selon le site de la Banque africaine de Développement, qui a financé Blaise-Diagne. Il est situé au nord-ouest de Dakar, sur la commune de Yoff, la plus étendue des 19 communes d'arrondissement de la ville.

La récupération des terrains ne peut qu'intéresser la métropole ouest-africaine qui connaît un développement très rapide. De moins d'un million en 1976, sa population est passée à 3,7 millions aujourd'hui et devrait dépasser les 4,3 millions en 2025, selon les chiffres de l'Agence nationale de la statistique et de la démographie

Sur les images satellitaires, les trois pistes de l'aéroport Senghor et de leurs aires de dégagement dessinent un ample "H" vert, rare exception dans la grisaille avec le parc forestier du quartier de Hann. Ces 600 hectares sont sous-utilisés depuis l'ouverture de l'aéroport international Blaise-Diagne fin 2017 à une cinquantaine de kilomètres de la capitale. Ils n'accueillent plus que des vols militaires et de rares délégations officielles. 

Une "Cité des affaires" financée par des Marocains ?

Ces terrains sont donc réutilisables dans une zone qui manque singulièrement d'espace. Vue du ciel, la presqu'île de Dakar, à la pointe occidentale de l'Afrique, est une mosaïque de rues et de bâtiments où dominent les couleurs grise et sable. Les rares portions inexploitées dans cette région, autrefois appelée Cap-Vert en raison de sa luxuriante végétation, intéressent donc beaucoup de monde. L'armée voudrait ainsi reconvertir l'ancien aéroport en aérodrome militaire. Quant aux promoteurs immobiliers, notamment étrangers, qui capitalisent sur l'explosion démographique dakaroise, ils convoitent cette manne foncière.

Dakar et son port. Photo prise le 8 février 2013. (AFP - NICOLAS THIBAUT / PHOTONONSTOP)
En mars 2019, rapportant des propos de l'ambassadeur du royaume chérifien, le site Sené-News annonçait ainsi que l'ancien équipement aéroportuaire allait être "vendu aux Marocains". "Le diplomate a révélé que le Maroc envisage ainsi d’y mettre sur pied une Cité des affaires. En outre, un centre pour la formation technique en entrepreneuriat et une pointe de débarquement pour la pêche artisanale seront érigés respectivement à Diamniadio et Soumbédioune", deux quartiers de la ville.

Apparemment donc, les investissements seraient marocains. La construction, quant à elle, étant du ressort de l'Agence de promotion des investissements et des grands travaux (APIX) du Sénégal, dixit le site au-senegal. Le nouvel ensemble comprendrait des "immeubles à usage commercial, (des) plateaux de bureaux, des bâtiments à usages d’habitation et (des) espaces verts", selon la même source.

Visiblement, le projet n'est pas nouveau. Dès 2015, le360.ma annonçait "la signature le 25 mai (...) d’un mémorandum d’entente entre la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), et la Caisse des dépôts de consignations du Sénégal (CDC Sénégal), lors de la visite du roi Mohammed VI au Sénégal portant sur la réalisation du projet de développement à Dakar de la Cité des affaires de l’Afrique de l’Ouest". Et le site d'ajouter : "Cet important projet va créer de nouvelles opportunités d'investissements, générer des emplois et contribuer à la dynamisation économique et sociale de la région de Dakar." 

Végétalisation

Mais cinq ans plus tard, même si rien n'indique une volonté des autorités de changer l'affectation de la plateforme, les choses ne semblent guère avoir bougé. Résultat : certains se prennent à rêver d'une utilisation différente pour les terrains libérés par l'aéroport Senghor... C'est notamment le cas d'un jeune Franco-Sénégalais de 34 ans, Mamadou Sakho. Ce diplômé en marketing gestion des entreprises sait de quoi il parle, il a en effet créé une société travaillant dans les espaces verts et la sensibilisation à l'environnement.

Le port de Soumbedioune à Dakar. Photo prise le 8 février 2013. (AFP - NICOLAS THIBAUT / PHOTONONSTOP)
En janvier, il a lancé une pétition pour transformer l'aéroport Léopold Sedar Senghor en espace vert. "Le moins que l’on puisse dire est que la région du Cap Vert n’est plus tout à fait verte. Le manque d’arbres a fini d’installer la pollution et on ne compte plus le nombre de maladies respiratoires au Sénégal, et à Dakar particulièrement", y explique l'entrepreneur. "L’aéroport Léopold Sédar Senghor devrait être la symbolique d’une nouvelle vision écologique non seulement sénégalaise, mais tout simplement africaine, d’autant plus que le Sénégal jouit d’une aura auprès de ses homologues et à travers lemonde." Début mars 2020, la pétition avait recueilli près de 20 500 signatures. Le jeune entrepreneur a donc touché une corde sensible chez les Dakarois.

Né en France, Mamadou Sakho se souvient avec nostalgie de la ville de son enfance et de ses plages au bord de l'Atlantique. "Après quelques années à l'étranger, quand je suis revenu, je n'ai pas reconnu Dakar. On n'avait plus accès à la mer. La ville était polluée. Je n'avais plus cette sensation de la nature, ni des odeurs, ni des paysages", a-t-il raconté à l'AFP. Le constat a guidé son engagement environnemental et, récemment, le projet de végétaliser les pistes de Senghor. Mamadou Sakho s'est alors emparé de l'idée de parc avancée par certains Dakarois sur les réseaux sociaux, 

Le soutien de la maire de Dakar

Mamadou Sakho peut se prévaloir de signaux encourageants émis par la municipalité. La maire Soham El Wardini, fervent soutien, a assisté fin février, avec des entrepreneurs, des officiels, des jeunes, à la projection du film, intitulé Sénégal vert, horizon 2035, que l'entrepreneur a réalisé pour appuyer son projet. Un film qui "retrace la situation environnementale du Sénégal avant les indépendances à nos jours" et est présenté comme "le premier documentaire environnemental sur le (pays), réalisé par de jeunes Sénégalais et 100% autofinancé". 


"Si nous parvenions à avoir ce lieu et à en faire un parc de loisirs, de détente, ce serait formidable", assure Bamba Ngom, chef de la division des espaces verts à la mairie, cité par l'AFP. La municipalité est prête à accompagner l'initiative, promet-il.

Mais les avis sur ce projet de Central Park à la Dakaroise sont parfois partagés. Ils traduisent peut-être un clivage de générations. Ibrahima Mbengue, habitant du quartier de Ouakam, proche de l'aéroport, adhère "totalement". "Dakar est devenu si étroit qu'il n'y a plus d'endroit où se promener, la ville n'a plus d'espace vert et même les trottoirs sont occupés. Un parc naturel serait le bienvenu", estime le jeune homme de 27 ans, cité par l'AFP 

D'autres habitants, plus âgés, sont sceptiques. Malick Ka, la cinquantaine, cultive la nostalgie des années fastes, quand l'aéroport Senghor faisait vivre le voisinage. "Depuis la transformation en aérodrome militaire, tous les quartiers à proximité sont morts", regrette-t-il. Et puis "avec quelle eau va-t-on arroser les plantes de ce parc naturel ? Une bonne partie de la population a déjà du mal à accéder à l'eau potable", observe-t-il devant le journaliste de l'AFP.

Mamadou Sakho, lui, entend "servir la communauté" et cite la fameuse phrase de l'ex-président américain John F. Kennedy, prononcé lors de son investiture le 20 janvier 1961 : "Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. Demandez ce que vous pouvez faire pour votre pays." Et le jeune entrepreneur d'ajouter "Moi, je suis jeune, j'ai des idées, j'ai fait des études. Je me suis engagé parce que je veux du changement et les changements commencent par nous-mêmes."

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