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Les Prix africains de fact-checking: les femmes raflent les premiers prix

La journaliste béninoise Alexandra Djotan et sa consœur kényane Dorothey Otieno ont remporté le 18 novembre 2017 les premiers prix de l’édition 2017 des Prix africains de fact-checking (vérification des faits). Ces prix ont deux versions: une francophone et une anglophone. Ils ont été créés en 2014 par l’association Africa Check, installée à Johannesburg en Afrique du Sud.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Les vainqueurs des Prix africains 2017 du fact-checking, remis le 18 novembre 2017 à Johannesburg (Afrique du Sud). Capture d'écran du site Africa Check. (Capture d'écran du site Africa Check)

Les récompenses d’Africa Check ont pour but d’honorer «le meilleur travail de vérification d’informations réalisé par des journalistes et des étudiants journalistes en mettant en exergue les affirmations trompeuses faites par des personnalités et des institutions publiques de premier plan à travers le continent» africain, explique le site Africa Check

Devise de l’association: «Séparer la réalité de la fiction.» En 2017, elle a reçu 159 candidatures venues de 25 pays africains, «de l’Ethiopie à l’Egypte au Nord, à l’Afrique du Sud et au Zimbabwe au Sud».

La version francophone du prix a été décernée à la journaliste Alexandra Djotan, de la radio béninoise Parakou. Elle est récompensée pour un sujet magazine intitulé La libération forcée des emprises et du domaine public fait des millions de victimes. Il fait suite à une déclaration du ministre béninois du Cadre de vie, José Didier Tonato, le 12 décembre 2016: «Au regard de la loi, l’Etat n’a aucune obligation en dégageant le domaine public d’amener les gens quelque part.» Autrement dit, l’Etat béninois n’aurait «aucune obligation» d’indemniser ceux qui occupent anarchiquement les abords des voies et espaces publics quand il fait dégager ses lieux.

Le second prix a été décerné à la journaliste Nesmon de Laure Pie, du site ivoirien poleafrique.info, pour un article intitulé Décryptage – naissances élevées, les experts s’affrontent : ‘‘L’Afrique peut avaler ses populations’’. Un décryptage des propos du président français, Emmanuel Macron, en juillet 2017, lors d’une conférence de presse en marge du G20: «Dans un pays qui compte encore sept à huit enfants par femme, vous pouvez y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien.» Des propos auxquels Géopolis avait déjà consacré un article.

Le président kényan Uhuru Kenyatta (30 octobre 2017) (TONY KARUMBA / AFP)

«Avant que vous ne votiez»
La version anglophone récompense la Kényane Dorothy Otieno, du site natio.co.ke (du journal Daily Nation), pour un article sur la présidentielle dans son pays, intitulé Avant que vous ne votiez. Un article qui passe au crible les propos des candidats. Par exemple, une affirmation du sortant Uhuru Kenyatta (président depuis 2013 et, finalement, déclaré vainqueur de l'élection de 2017), déclarant que le prix de la farine de maïs (unga en swahili), aliment de base en Afrique de l’Est, n’avait commencé à baisser que lors de son arrivée au pouvoir. Dorothy Otieno montre, chiffres à l’appui, que l’homme politique s’est trompé.

Le second prix de la catégorie anglophone a été accordé à un dossier du journaliste camerounais Arison Tamfu, du Cameroon Journal, intitulé: Alors que (le président, NDLR) Paul Biya envisage de se présenter en 2018, a-t-il tenu ses promesses électorales de 2011? L’analyse de ce journaliste, reconnu au niveau international, distribue les bons et les mauvais points.

Paul Biya, président depuis 1982, a effectivement réalisé certaines réformes politiques annoncées (création d’un Sénat). Dans certains cas, leur mise en œuvre «progresse lentement» (processus de décentralisation de l’Etat camerounais). Mais il n’en a pas été de même pour ce qui est de mettre fin aux «cauchemars des coupures d’énergie». Lesquels devraient désormais «appartenir au passé», si l’on s’en tient aux propos du chef de l’Etat sortant. La promesse de fournir aux hôpitaux «les équipements technologiques de pointe qui leur font défaut» n’a pas été réalisée, constate Arison Tamfu.

La presse, «quatrième pouvoir»
Un seul étudiant a été récompensé pour les catégories francophone et anglophone. En l’occurrence, le Sénégalais Moussa Ngom, pour le site avoscommentaires.com, qui revient, lui aussi, sur les propos d’Emmanuel Macron en marge du G20. Titre de sa contribution: Pourquoi Macron a tout faux… «Des propos considérés comme teintés de stéréotypes et prêtant à controverse», affirme Moussa Ngom.

Au-delà de cette controverse, on remarquera que les journalistes africains n’ont pas peur de s’engager. Dans les débats de société. Mais aussi pour dénoncer ce qui est présenté comme des «vérités» officielles. Ils montrent ainsi qu’ils savent faire vivre le «quatrième pouvoir», attribué à la presse dans une démocratie, à côté de l’exécutif, du législatif et du judiciaire. Un pouvoir que nos consœurs et confrères exercent parfois au péril de leur vie: en 2015, rappelle Reporters sans frontières, au moins 12 représentants d’organes de presse ont été tués sur le continent.

Dernière observation: on remarquera que les Prix 2017 de fact-cheking ont primé davantage de femmes que d’hommes. L’Afrique montre ainsi l’exemple en matière de parité. 

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