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Les Cap-Verdiens de Sao Tomé entre misère et mélancolie

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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Au mitan du XXe siècle, pour échapper à la misère et à la famine dans leur pays, des milliers de Cap-Verdiens furent obligés de quitter leur terre pour servir de main d'œuvre dans les plantations de Sao Tomé.

Le Cap-Vert et Sao Tomé, îlots de l'Atlantique, l’un en face du Sénégal, l’autre dans le golfe de Guinée, sont deux anciennes colonies portugaises. Au cours du XXe siècle, les sécheresses, les famines et le manque d'aide des autorités portugaises plongent la population capverdienne dans la misère. Pour fuir cette situation beaucoup acceptent d’embarquer vers les plantations de Sao Tomé. Mais nombre d’entre eux restés trop pauvres ne purent jamais revenir chez eux.

Aujourd’hui les quelques survivants et leurs descendants vivent encore dans des conditions très difficiles.

Sept photos d’Adrien Marotte illustrent ce reportage de l’AFP. 

  Dans sa célèbre chanson "Sodade", qui raconte l’histoire de la séparation de deux êtres qui s'aiment, l'un resté au Cap-Vert, l'autre parti à Sao Tomé, la Cap-verdienne Césaria Evora chante : "Qui t'a montré ce long chemin, ce long chemin vers Sao Tomé. Si tu m'écris, je t'écrirai. Si tu m'oublies, je t'oublierai. Jusqu'au jour de ton retour".    (ADRIEN MAROTTE / AFP)
Si dans cette chanson, le retour est envisagé, dans la réalité certains Cap-Verdien n’ont jamais pu revenir sur leur terre natale. Au milieu du XXe siècle, poussés par le gouvernement du Portugal, des milliers de capverdiens sont partis travailler dans les plantations de café et cacao de Sao Tomé. Mais si leurs contrats stipulaient qu’ils partaient pour une durée de trois ans, nombre d'entre eux n’ayant pas réussi à sortir de la pauvreté, n’ont jamais eu les moyens de retourner chez eux.    (ADRIEN MAROTTE / AFP)
Dans ces plantations, les "roças", les conditions de travail étaient très difficiles. Avec d’autres immigrés venus du Mozambique et d’Angola, les "contratados" ou "serviçais" ont vécu de manière quasi autarcique, une vie de servitude. "Ils étaient logés et nourris mais étaient privés des droits humains les plus élémentaires et pouvaient souffrir de punitions corporelles", rappelle à l'AFP Maria Nazaré Ceita, historienne et anthropologue à l'université de Sao Tomé. Après l'indépendance du pays en 1975, les migrations s'arrêtent et le modèle des roças s'essouffle peu à peu, avant de s'effondrer.   (ADRIEN MAROTTE / AFP)
Les survivants de cette époque comme Agostinha Lopez Vaz, 91 ans sont de plus en plus rares. Elle raconte à l’AFP : "Je suis partie pour trois ans, je ne pouvais imaginer que je ne reviendrais pas". La vieille femme se remémore la mort de son mari, de sa mère, la détresse et la solitude au Cap-Vert touché par les sécheresses et la famine, le bateau qui l'emmène dans les années 60 avec son jeune fils jusqu'au rivage de Sao Tomé… Pour son fils âgé aujourd’hui de 55 ans, les images du Cap-Vert sont plus fugaces. Quelques bribes d'un pays qu'il a à peine connu et qu'il rêve de découvrir. "Mais le billet coûte cher, plusieurs centaines d'euros" confie-t-il à l’AFP. (ADRIEN MAROTTE / AFP)
Dans la petite dépendance de Monté Café, une ancienne plantation du centre de l'île perchée sur les montagnes, presque tous les habitants comme Carolina Correia Landi, 85 ans ont des origines du Cap-Vert. "J'ai accompagné mon mari pour commencer une nouvelle vie. Nous avions faim là-bas", se souvient-elle en montrant son ancienne carte professionnelle et ses documents d'identité "Cabo-Verde". Elle ajoute : "Ici, j'ai fait des enfants. Lorsque mon mari est décédé, j'ai pensé à repartir. Mais l'un de mes enfants ne voulait pas. Plus personne ne m'attendait là-bas. Je ne suis jamais rentrée. C'est le destin… C'est le destin".    (ADRIEN MAROTTE / AFP)
Aujourd’hui, quelque 8.000 Cap-Verdiens résident encore officiellement à Sao Tomé-et-Principe, qui compte environ 210.000 habitants. Beaucoup vivent dans une grande précarité, sans eau potable et avec une électricité très défaillante. Dans une étude datée de 2014, Nardi Sousa et Elias Alfama Moniz, deux chercheurs de l'université de Santiago au Cap-Vert, affirment que les immigrés Cap-verdiens sont dans une "situation indigne et dégradante" et n'ont pas les revenus pour vivre dignement.     (ADRIEN MAROTTE / AFP)
Bien souvent, ces anciens "contratados" et leurs descendants ne vivent que de la petite pension du gouvernement sao-toméen et de l'aide de 120 euros reçue tous les trois mois par le Cap-Vert. Quant aux plus jeunes, ils vivent de petits métiers informels dans des anciennes roças laissées à l'abandon.      (ADRIEN MAROTTE / AFP)

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