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Le cannabis thérapeutique, un marché que l'Afrique espère prospère

Après le Lesotho et le Zimbabwe, entre autres, le Rwanda se lance dans la culture du cannabis thérapeutique. 

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Travail sur les plants de cannabis dans une serre de la société Medigrow au Lesotho. (GUILLEM SARTORIO / AFP)

C'est le Lesotho qui le premier a franchi le pas, autorisant la culture du cannabis à usage thérapeutique en 2017. Dans la foulée, d'autres pays d'Afrique ont embrayé, comme le Zimbabwe, l'Ouganda ou la Zambie. Et maintenant le Rwanda.

Un intérêt qui ne doit rien au hasard. De plus en plus de pays dans le monde autorisent l'usage thérapeutique du cannabis (le CBD – cannabidiol  extrait de la plante est non-psychoactif), et ce marché très prometteur attire de nombreux capitaux privés.

Le Rwanda lui aussi rêve de prendre sa part d'un gâteau qu'on évalue à des dizaines de milliards de dollars au niveau mondial. Mais pour autant, le pays n'ouvre pas la porte à la consommation. Le ministre de la Santé, Daniel Ngamije, a précisé que les récoltes seront entièrement exportées et vendues à l’industrie pharmaceutique. "La production de cannabis sera encadrée par des mesures strictes dans des zones dédiées et les fermiers devront avoir une autorisation spéciale", a-t-il déclaré.

Un pactole fiscal

Dans un premier temps, c'est grâce à ces autorisations, en fait des licences de production, que les pays comptent faire de l'argent. Au Zimbabwe, les autorités demandaient 50 000 dollars pour un droit de production valable un an. Un montant qui n'a pas rebuté les investisseurs. Selon le ministre de l'Agriculture, ils étaient 200 à se montrer intéressés et seulement 37 licences ont été accordées.

Beaucoup d'argent pour un secteur au potentiel annoncé énorme. Selon une étude, le marché du cannabis légal aux Etats-Unis est estimé à 12 milliards de dollars. Le leader du secteur du cannabis thérapeutique, le Canadien Canopy Growth, était valorisé en bourse en 2018 à près de 10 milliards de dollars. Dans la mesure où de plus en plus de pays autorisent l'usage du CBD, le secteur s'attend à une envolée de la demande. Le marché mondial pourrait atteindre 56 milliards de dollars en 2026.

Rêve de développement économique

Contrairement au CBD, les chiffres, eux, donnent le tournis. Et les pays d'Afrique souvent très pauvres y voient de nombreuses opportunités. Ressources fiscales on l'a dit, mais aussi un axe de développement économique dans des pays où l'agriculture est encore essentielle.

Au Lesotho, pays de deux millions d'habitants, les pouvoirs publics annonçaient déjà 3 000 emplois au sein d'une dizaine d'entreprises en 2019. Medigrow, le plus gros producteur, a investi 17 millions d'euros pour poser 5000 m² de serres dans la montagne, et en prévoit vingt fois plus dans les années à venir.

La ferme Medigrow, perdue dans les montagnes du Lesotho. (GUILLEM SARTORIO / AFP)

Mais le tableau idyllique a ses limites. Le ticket d'entrée pour pouvoir produire est bien trop onéreux pour les petits agriculteurs, qui ne peuvent pas s'aligner financièrement et se lancer dans l'aventure. Cela représente un double danger. D'une part, une grande frustration pour ceux qui se sentent écartés de l'Eldorado. D'autant que le chanvre pousse très facilement et sans engrais. Et d'autre part, le risque est aussi de voir se développer la production illégale de cannabis non-thérapeutique.

Quel réel avenir ?

Enfin et surtout, l'avenir de cette culture est-il pérenne quand un peu partout des pays se lancent dans la compétition ? Fatalement, une hausse de la production va entraîner une baisse des cours de la matière première. Dès lors, le prix des licences risque d'être jugé trop élevé par les investisseurs.

D'autres signes peuvent aussi inquiéter. En particulier que le marché ne serait qu'une bulle financière. Ainsi, Canopy Growth, le leader, réduit la voilure. La société canadienne va supprimer environ 85 postes. En Afrique, "Canopy Growth a conclu un accord qui vise à transférer la propriété de toutes ses activités africaines à une entreprise locale dans l’objectif de cesser ses activités en Afrique du Sud et au Lesotho", annonce un communiqué de la société. Au Canada, en Amérique latine et aux Etats-Unis, la société ferme des unités de culture en raison de l'abondance de matière première.

Comme si la poule aux œufs d'or avait déjà poussé son chant du cygne !

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