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La Centrafrique, un pays en plein chaos, livré aux violences des groupes armés

Le conflit en Centrafrique est une «crise oubliée», a affirmé le 18 octobre 2017 le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. En août, le responsable de l’organisation internationale pour les affaires humanitaires, Stephen O’Brien, avait mis en garde contre des «signes avant-coureurs de génocide».
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Membres des milices anti-balaka près de Bangui, la capitale de la Centrafrique, le 24 février 2014. (FRED DUFOUR / AFP)

Sans parler ouvertement de génocide, Antonio Guterres a indiqué que «des opérations de nettoyage ethnique» se poursuivent dans plusieurs endroits du pays.

Le 18 octobre, l’ONU signalait que des violences ont éclaté dans le sud-est du pays et «auraient coûté la vie à de nombreux civils» entre Alindao et Bangassou, zone qui est le théâtre de violences depuis plusieurs mois. La localité de Bangassou est occupée depuis mai par des groupes anti-Balaka. Celle d’Alindao est le fief du groupe armé Union pour la paix en Centrafrique (UPC), groupe armé peul issu des factions rivales de l'ex-Séléka.

Les parties en présence
Depuis 2013, la Centrafrique est en proie à des violences après le renversement de l'ex-président François Bozizé par les milices (officiellement dissoutes) de la Séléka. Laquelle est «une alliance de mouvements rebelles issus du nord-est du pays, zone à majorité musulmane et marginalisée par Bangui», selon La Croix.

Ces violences avaient entraîné une contre-offensive des milices anti-Balaka, «au départ une constellation de milices d’auto-défense villageoises apparues en septembre 2013 en réaction aux exactions de la Sélék. Souvent identifiées comme des groupes à majorité chrétienne, ces milices «obéissent souvent à des chefs animistes», observe le journal chrétien. Le terme anti-balaka dériverait de l’expression «anti-balle Aka», pour AKA 47, diminutif de Kalachnikov, signale le site alwihdainfo.com. «Bardés de leurs grigris divers, les anti-Balaka se pensent ainsi protégés des balles de leurs ennemis». 

Aujourd'hui, les groupes armés, au nombre de 14 selon France 24, se battent essentiellement pour le contrôle des ressources naturelles et des zones d’influence. Selon Antonio Guterres, ces groupes ont reçu «des appuis venus de l’extérieur». Sans plus de précision.

Militaires français de l'opération Sangaris en patrouille le 24 juillet 2014 près de Boda, ville du sud de la Centrafrique. (ANDONI LUBAKI / AFP)

Chaos
Combats et massacres ont commencé en 2013 dans l’ouest du pays, ainsi que dans le nord. Difficile aujourd’hui de donner un bilan sur le nombre de victimes. Rien qu’entre décembre 2013 et octobre 2014, il y aurait eu plus de 3000 civils tués. Il faut aussi évoquer le déplacement de 600.000 personnes (sur une population de 4,5 millions d’habitants) à l’intérieur du pays et le départ de 500.000 autres vers les pays limitrophes, surtout au Cameroun, au Tchad et en RDC.

L’intervention de la France, entre 2013 et 2016 dans le cadre de l’opération Sangaris (2500 hommes), et celle de la Minusca (Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations Unies en Centrafrique) ont permis un certain retour au calme. Mais les violences ont progressivement repris.

Selon France 24, le chaos «a simplement changé d’emplacement». De l’ouest, «le conflit s’est déplacé dans le centre et le sud-est». «Les groupes armés sont en train de prendre le contrôle de cette zone, qui avait été épargnée» au départ de la crise «mais qui connaît aujourd’hui le même phénomène qu’en 2014: une chasse aux musulmans et des affrontements entre factions», observe Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales, cité en août par le site de la chaîne.

La violence n’épargne pas les humanitaires: le 8 août, de violents combats à Gambo (sud) ont fait au moins trois morts parmi le personnel de la Croix-Rouge centrafricaine.

Des violences sexuelles
Dans ce contexte, le pays est complètement à la dérive. Les autorités sont aux abonnés absents, les militaires ont été désarmés. Déployée depuis 2014, la Minusca compte quelque 12.000 hommes sur le terrain. Mais pour Thierry Vircoulon, les casques bleus sont «toujours trop lents» et «jamais en mesure d’éteindre les braises». Depuis janvier, onze casques bleus «ont été tués dans des actes malveillants» en République centrafricaine, rapportaient fin juillet les Nations Unies.

Camp de réfugiés à Bangui le 25 novembre 2015 (REUTERS/Siegfried Modola)

D’une manière générale, Human Rights Watch affirme, dans un rapport que «les violences sexuelles sont utilisées comme armes de guerre»: «les groupes armés ont régulièrement commis des viols et pratiqué l’esclavage sexuel».

A plusieurs reprises, Amnesty International a, par ailleurs, «recensé des allégations de viol et de violences sexuelles visant la Minusca et d'autres forces de maintien de la paix (…), notamment le viol d'une fillette de 12 ans, à Bangui, en août 2015». L’organisation de défense des droits de l’Homme a mis en cause des casques bleus mauritaniens et congolais. Des militaires français de Sangaris ont, eux aussi, été accusés. Une affaire, révélée au départ par le Guardian, pour laquelle le parquet de Paris a requis un non-lieu.

Dans ce contexte d’anarchie et de complète désorganisation, le pays fait face «à une situation d’urgence sanitaire chronique», rapporte Médecins sans Frontières. «72% des structures de santé ont été endommagées ou détruites». Tandis que «le paludisme reste la principale cause de mortalité» et que le nombre de personnes atteintes par le VIH reste «très élevé».

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